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La République des Lettres

Pierre Bayle

Pierre Bayle

Pierre Bayle et la République des Lettres

Par Jean-Michel Gros, dernière édition le mardi 08 mai 2007.

Pierre Bayle est un auteur infiniment précieux pour tous ceux qui pensent qu'on ne peut écrire l'histoire des idées en les dissociant des circuits concrets qui les véhiculent et des formes de sociabilité qui les produisent. Et c'est pourquoi je voudrais mettre en relief aujourd'hui une notion essentielle qui a orienté toute la pratique de cet auteur, notion qui recouvrait à la fois un idéal mais aussi une réalité sociale et culturelle efficiente : la République des Lettres. [1]
Bayle s'est toujours voulu, comme il l'écrit à Constant, le 8 mai 1689, "le solliciteur et l'agent des intérêts publics de cet État-là" [2]. Le souci de cette institution du savoir sera de fait récurrent dans son oeuvre et cela quelle que soit la forme que prendra celle-ci : il règne dans sa correspondance, dans ses essais, dans sa revue, dans son Dictionnaire. [3]
Qu'est-ce alors que la République des Lettres ? Sans pouvoir ici en faire un historique complet, je rappellerai quelques points :
Le terme et l'expression sont inconnus et de l'Antiquité et du Moyen Âge. Ils appartiennent donc à l'époque moderne et d'abord à la Renaissance : première occurrence du terme dans une lettre de Francesco Barbaro à Poggio Bracciolini en 1417 [2];
L'idée d'une République des Lettres est aussi contemporaine de la découverte du manuscrit de l'Institutio oratoria de Quintilien, qui a profondément transformé les protocoles de l'échange intellectuel : on quitte les formes usées de la disputatio scolastique pour adopter le modèle plus souple du dialogue rhétorique.[4];
Enfin, ce qui va caractériser, dès sa naissance, cette "République des Lettres", ce sera le "savoir vivre" qu'elle instaurait entre ses membres : une forme de "politesse", une affabilité nouvelles s'établissaient dans les réseaux que vont peu à peu constituer les lettrés à travers l'Europe par une pratique assidue de la correspondance savante. Marc Fumaroli résume ainsi le phénomène :
"[...] depuis la Renaissance s'était établie une aristocratie philosophique, avec ses usages, ses conventions, sa tradition, ses mythes légitimateurs, mais aussi son épistémologie du travail en commun par-delà les générations et les frontières, "république" en suspension dans les différents États et les différentes Églises, et soustraite dans une mesure certaine au contrôle de ses "hôtes" historiques, parce que pour l'essentiel incompréhensible ou même invisible à leurs yeux à courte vue [3] [5].
Toutefois, le terme important est sans doute ici aussi celui d'aristocratie. Et de fait, le premier souci de Bayle vis-à-vis de la République des Lettres sera celui de savoir comment en devenir membre. Pauvre, provincial, n'appartenant à aucune aristocratie, ni de sang ni d'esprit, Bayle accumulait les handicaps qui risquaient de le maintenir à l'écart de cette communauté érudite.[6]
Or, le passeport qui lui ouvrirait les portes de la cité des savants lui était pourtant clairement connu : il fallait entrer en correspondance avec un membre de cette république qui se renouvelait par cooptation. Mais dans cette quête de celui qui pourrait jouer pour lui le rôle d'initiateur, Bayle va rencontrer des difficultés multiples qui finissent parfois par provoquer en lui une certaine forme de découragement, comme en témoigne cette lettre à son frère aîné du 26 décembre 1678 :
"[...] Vous aurez de la peine à trouver un correspondant de votre goût à Paris, le sieur Bardon ne serait pas votre fait, j'ai voulu avoir commerce avec lui, croyant en tirer des nouvelles de la République des Lettres, mais dans quatre ou cinq lettres que j'en ai reçues, il n'y a pas eu un seul mot de choses curieuses, soit qu'il n'ait pas le loisir de s'en informer, ou que l'attachement aux mathématiques lui ôte le goût des autres sciences; je me suis tourné de tous côtés pour avoir des nouvelles de Paris, tant des livres que des controverses des savants, tout cela a été vain : Mr Duncan qui s'en était fait de fête tout le premier se lassa dès la seconde lettre, outre que ce qu'il m'écrivait n'était que des réflexions et des raisonnements, au lieu que je lui demandais les faits mêmes, c'est-à-dire les livres qui s'imprimaient, le sujet, la qualité et la réputation de l'ouvrage et de son auteur et choses semblables; lorsqu'il m'eût fait connaître que le port de mes lettres l'incommodait, je lui offris de les affranchir, et je lui écrivis sur cela d'une manière à ne pas gendarmer sa délicatesse, je n'ai plus ouï parler de lui; il m'en est arrivé autant à l'égard de plusieurs autres tentatives semblables, si bien que j'ai pris le parti de n'espérer plus rien de ce côté-là [4] [7].
Inversement, lorsque son frère cadet lui paraît bénéficier d'une ouverture intéressante "de ce côté-là", il le presse de ne pas manquer cette chance inespérée :
"Ce que vous m'apprenez du galant et savant Mr Pradalz m'a extrêmement réjoui. Puisqu'il vous a écrit, prenez occasion de lier un commerce de lettres, et soumettez-vous à sa censure; engagez-le à vous faire part de ses pensées sur les livres qu'il lira, et à vous les communiquer, même raisonnées, s'il veut en prendre la peine. C'est ainsi qu'en usent ceux qui veulent savoir quelque chose; et combien y a-t-il de gens doctes à qui les lumières de leurs amis ont plus éclairé l'esprit que leurs propres veilles et travaux ? [5] [8].
Lorsque l'on sait l'insatiabilité de la curiosité de Bayle, qu'il décrit à son ami Minutoli comme une "hydropisie toute pure, plus on lui fournit, et plus elle demande" [6], on mesure et la détresse et l'espoir qui traversent de telles lettres.[9]
Et sans doute, le souvenir de ces premiers échecs n'a-t-il pas peu contribué au projet de Bayle de rédiger une revue qui prendra, comme l'on sait, pour titre : Nouvelles de la République des Lettres. Mais plus profondément, Bayle a aperçu une "demande" nouvelle liée à un nouveau public. Il a perçu la nécessité d'une "démocratisation" de cette république hors norme, c'est-à-dire, plus précisément, d'en élargir les frontières en direction de ce qu'Élisabeth Labrousse avait appelé cette "vaste classe de citoyens passifs, de purs "consommateurs" de livres qui, sauf cas privilégié [...] devaient rester sur leur faim de nouvelles littéraires et acheter des ouvrages à l'aveuglette" [7]. Bayle va même plus loin, il parle de famine : dans la préface des Nouvelles de la République des Lettres, il explique, en effet, le bien-fondé de la revue par le fait qu'"un grand nombre de curieux [...] demeurent dans la disette" [8] [10].
Mais, en changeant de medium, la République des Lettres ne changeait pas de principes, et Bayle, dans cette même préface, rappelle la nécessaire indépendance de ce libre État des érudits vis-à-vis des divisions confessionnelles :
"Il ne s'agit pas ici de religion; il s'agit de science : on doit donc mettre bas tous les termes qui divisent les hommes en différentes factions et considérer seulement le point dans lequel ils se réunissent, qui est la qualité d'hommes illustres de la République des Lettres. Et en ce sens-là tous les savants se doivent regarder comme frères, ou comme d'aussi bonne maison les uns que les autres. Ils doivent dire : Nous sommes tous égaux / Nous sommes tous parents / Comme enfants d'Apollon [9] [11].
Enfin, le projet de Dictionnaire lui-même participe de ce même souci de rendre disponible l'information érudite et de fournir aux nouvelles recrues de la République des Lettres un instrument de travail exemplaire : elles doivent, en effet, pouvoir trouver dans cet ouvrage les sources complètes d'un texte et la quasi certitude de n'être pas trompées, en le lisant, par une interprétation abusive ou une mauvaise version. D'où cette question transparente de Bayle qui résume son ambition :
Ne serait-il pas à souhaiter qu'il y eût au monde un Dictionnaire critique auquel on pût avoir recours, pour être assuré si ce que l'on trouve dans les autres dictionnaires et dans toute sorte d'autres livres, est véritable ? Ce serait la pierre de touche des autres livres, et vous connaissez un homme un peu précieux dans son langage, qui ne manquerait pas d'appeler l'ouvrage en question, la Chambre des Assurances de la République des Lettres [10].
C'est d'ailleurs dans le Dictionnaire, à l'article "Catius", remarque D, que l'on trouve la plus remarquable définition de cette république si singulière.
Cette République est un État extrêmement libre. On n'y reconnaît que l'empire de la Vérité et de la Raison; et sous leurs auspices on fait la guerre innocemment à qui que ce soit. Les amis s'y doivent tenir en garde contre leurs amis, les pères contre leurs enfants, les beaux-pères contre leurs gendres; c'est comme au siècle de fer [...] Chacun y est tout ensemble souverain et justiciable de chacun. Les lois de la société n'ont pas fait de préjudice à l'indépendance de l'état de nature, par rapport à l'erreur et à l'ignorance; tous les particuliers ont à cet égard le droit de glaive, et le peuvent exercer sans en demander la permission à ceux qui gouvernent.
Texte étonnant, dont on peut d'abord souligner la modernité : la déontologie, le mode de sociabilité, la démocratie interne directe qui animent cette vénérable république des érudits peuvent être mis en parallèle avec les principes de la cité scientifique qui, selon Bachelard, définissent "le modèle le plus élevé de la vie sociale". Ainsi, écrit-il dans le Rationalisme appliqué :
En fait, les savants vont à l'école les uns des autres. La dialectique du maître et du disciple s'inverse souvent. Dans un laboratoire, un jeune chercheur peut prendre une connaissance si poussée d'une technique ou d'une thèse qu'il est sur ce point le maître de son maître. Il y a là les éléments d'une pédagogie dialoguée dont on soupçonne ni la puissance ni la nouveauté si on ne prend pas une part active à une cité scientifique [11] [12].
Une dernière question se pose néanmoins : qu'est-ce qui fait le lien entre ces différents témoignages de l'engagement de Bayle dans la République des Lettres à travers la correspondance, la revue, le Dictionnaire ? Ou encore, quelle est la fonction essentielle de cette institution du savoir ? [13].
D'un mot, elle consiste à nous apprendre à lire. Bayle est, en effet, l'un de ceux qui à son époque a le mieux compris que l'apprentissage de la lecture n'était pas seulement celui d'une pure technique, mais celui d'un acte culturel complexe. La diffusion de l'imprimé, disons même son explosion, implique désormais que l'on ne laisse pas le simple lecteur sans guide dans le labyrinthe d'une production de plus en plus touffue. Or, si la correspondance érudite peut remplir ce rôle dans le milieu restreint des érudits de métier, elle n'est plus à la dimension des appétits nouveaux de lecture qui se font jour avec cette offre élargie. D'où ces outils pédagogiques de la revue et du dictionnaire : il faut désormais multiplier les niveaux de lecture, comme le remarque Claude Labrosse:
Lire un compte rendu ou une présentation de livre, c'est commencer à lire un livre qu'on n'a le plus souvent pas encore lu (c'est pré-lire) à travers l'énoncé de quelqu'un qui l'a déjà lu, c'est déjà en somme en réaliser une relecture par personne interposée. En créant cet échange entre lire, pré-lire et re-lire, le périodique étend le champ de la lecture qui est, par ce processus, à la fois toujours commencée et sans cesse reprise [12] [14].
Mais il y a plus. La lecture est un art, art qui répond à l'art d'écrire, si complexe et si retors, propre en particulier aux périodes de répression. Et Bayle ne cesse, dans sa correspondance, dans sa revue, dans son Dictionnaire, d'enseigner à son lecteur attentif les arcanes de cette "lecture entre les lignes", comme l'a si bien montré Gianluca Mori dans son Bayle philosophe [13] [15].
Il nous faut donc, pour terminer, nous montrer fidèles à cet art de la lecture que Bayle nous a fait découvrir et nous demander si, sous leur apparente clarté, ses propres déclarations concernant les caractéristiques et les principes de la République des Lettres ne recèlent pas quelques chausse-trapes et quelques discours cryptés. [16].
En effet, une première incongruité saute d'abord aux yeux : les deux définitions offertes de la République des Lettres, celle de la Préface des Nouvelles et celle de l'article Catius semblent se contredire sur un point crucial -- celui du lien établi entre les membres de cette collectivité : dans la Préface de la revue, on nous dit que "tous les savants se doivent regarder comme frères, ou comme d'aussi bonne maison les uns que les autres", et dans le Dictionnaire, en revanche, on nous prévient que "les amis s'y doivent tenir en garde contre leurs amis, les pères contre leurs enfants, les beaux-pères contre leurs gendres, etc." Or, l'on sait, depuis Léo Strauss, que les contradictions apparentes d'un auteur, d'une oeuvre à l'autre, doivent éveiller notre vigilance de lecteur sur le fait qu'il risque d'y avoir là anguille sous roche. [17].
D'où vient alors cette étrange expression d'une rivalité intra-familiale ? Le lecteur du XVIIe siècle ne peut l'ignorer : de l'Évangile : Matthieu, 10, 34-35, et Luc, 12, 51-53 :
Matthieu : Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix sur terre; je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée. Car je suis venu mettre en division le fils contre le père, et la fille contre la mère, et la belle-fille contre sa belle-mère.
Luc : Pensez-vous que je sois venu mettre la paix en la terre ? Non, vous dis-je; mais plutôt la division.
Car désormais ils seront cinq dans la maison, divisés trois contre deux et deux contre trois.
Le père sera divisé contre le fils et le fils contre le père; la mère contre la fille et la fille contre la mère; la belle-mère contre sa belle-fille et la belle-fille contre sa belle-mère
[14] [18].
Or, ces paroles du Christ hanteront Pierre Bayle jusqu'à la fin de sa vie, car elles semblent inscrire les guerres religieuses dans le plan du Christ lui-même, contredisant son apparente "débonnaireté" et interdisant, au-delà, un accord total entre la morale humaine et l'enseignement évangélique. En tout cas, ces déclarations confirment Bayle dans l'idée que la religion -- en particulier, la chrétienne -- est un ferment de désordre dans la vie sociale et cela, non accidentellement, mais dans son principe même. En témoigne, par exemple, ce texte de la Réponse aux questions d'un Provincial :
Pourriez-vous dire [...] que ce soit mettre en repos des sociétés sur un ferme fondement, que de l'établir sur une chose (la religion) [...] qui, dès que les sentiments sont partagés (au sens de divisés), sème la division dans les familles, arme le frère contre le frère, le mari contre la femme et répand un nuage si épais dans les esprits, qu'on regarde comme de bonnes actions ce qui est contraire aux idées de l'équité [15] [19].
C'est un peu comme si le Christ, que Bayle avait lavé du soupçon de prôner l'intolérance dans le Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : "contrains-les d'entrer", devenait le boutefeu des guerres de religion. [120].
Devons-nous en conclure que nous serions restés tous frères "comme enfants d'Apollon", autrement dit que l'intolérance ne serait pas contemporaine du paganisme et que nous serions devenus fratricides par notre affiliation au message du Christ ? Bayle, en tout cas, ne semble pas voir d'issue à une si terrible énigme.[21].
En revanche, le sens de la formule évangélique dans la définition de la République des Lettres de l'article Catius est, lui, limpide : il s'éclaire, en effet, lorsqu'on relie cette formule à la phrase qui la précède : "sous leurs Auspices (de la vérité et de la Raison) on fait la guerre innocemment à qui que ce soit". Autrement dit, les guerres au sein de la République des Lettres sont innocentes, contrairement à celles de la religion, qui sont sanglantes et sans issue. [22].
La différence est en effet double : c'est d'abord que dans le combat intellectuel, il y a des critères -- des arguments concluants, des expériences cruciales, le témoignage de documents irréfutables, etc. A l'opposé, dans le conflit religieux, comme la foi, par définition, n'est pas de l'ordre du discursif, la violence n'y a pas de limite, ni de conclusion faute de point d'appui pour un accord commun. Le conflit n'y fait progresser personne et dégénère en une guerre d'autant plus cruelle et absurde qu'elle est sans raison. La seconde différence est une suite de la première : dans la guerre religieuse, faute de pouvoir convaincre par un argument ou une expérience irréfutable, on s'en prend à la personne, soit physiquement, soit moralement. L'un des procédés impliquant l'autre, comme en témoigne, dans le Dictionnaire, le cas d'Acosta, dont l'excommunication, par elle seule, entraînera à terme la mort physique. [23].
Pour Bayle, en revanche, la polémique savante n'a pas lieu d'aboutir à cet "homicide civil", car, comme il le dit, toujours dans la remarque D de l'article Catius :
La critique d'un livre ne tend qu'à montrer qu'un auteur n'a pas tel ou tel degré de lumière : or, il peut avec ce défaut de science jouir de tous les droits et de tous les privilèges, sans que sa réputation d'honnête homme, et de bon sujet de la République, reçoive la moindre atteinte. [24].
Autrement dit, dans la République des Lettres, nul ne peut sans doute échapper à la vigilance critique d'autrui, ni le frère, ni le père, ni le beau-frère; mais cela n'atteint pas pour autant la fraternité, ni les liens de solidarité qui doivent continuer de régir cette très libre communauté. [25].
En définitive et de nouveau, qu'est-ce donc pour Bayle que cette République des Lettres qu'il a cherché à faire vivre par sa correspondance, dont il a contribué à renouveler les réseaux par sa revue et à laquelle il a destiné son Dictionnaire, sinon l'une de ces enclaves de liberté enfin préservées du poids délétère de la religion. Elle prend ainsi place, nouvelle cité philosophique, auprès du jardin d'Epicure et de cette société d'athées à laquelle Bayle n'a jamais cessé de penser, si ce n'est de rêver.
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Notes
[1] Voir sur tous ces points l'article de Marc Fumaroli, La République des Lettres, Diogène 143 (1988).
[2] Pierre Bayle, Oeuvres diverses IV, 1737, p. 640a.
[3] Ibid., p. 132.
[4] O.D., I, p. 108a.
[5] Ibid., p. 38b.
[6] Lettre 32, I, Lettre du 27 février 1673, éd. E. Labrousse et al., Oxford, 1999, p. 199.
[7] E. Labrousse, "Les coulisses du journal de Bayle" in Notes sur Bayle, p. 31. L'expression "démocratisation de la République des lettres" se trouve chez H. Bost, "Le lego de P. Bayle", dans Pierre Bayle : la foi dans le doute, Genève, Labor et fides, 1995, p. 98. Voir aussi de H. Bost, Un "intellectuel" avant la lettre : le journaliste Pierre Bayle (1647-1706), Amsterdam-Maarssen, APA-Holland University Press, 1994.
[8] O.D., I, p. 3a.
[9] Ibid., p. 2b.
[10] Dictionnaire historique et critique, 1740, IV, p. 608.
[11] Gaston Bachelard, Le Rationalisme appliqué, Paris, PUF, 1962, p. 23. Cela étant, il ne faut pas non plus commettre pour autant d'anachronisme. Le "républicain des Lettres" n'est ni le "philosophe des Lumières", ni "l'intellectuel" moderne : il ne s'autorise pas de sa compétence et de son prestige de savant pour intervenir dans la sphère politique et y occuper une sorte de magistère public. Voudrait-il le faire qu'il lui manquerait encore le levier de son action : une opinion publique au sein de la société civile. Et, de fait, l'autonomie réclamée vis-à-vis du gouvernement implique en retour, de sa part, une égale retenue à l'égard du pouvoir. On comprend mieux cette République des Lettres si on la réfère à la théorie contemporaine des "ordres" : ordre des corps, c'est-à-dire du pouvoir ; ordre des esprits, c'est-à-dire du savoir ; ordre de la charité ou de la grâce, c'est-à-dire de la foi. Et l'on sait que, selon Pascal, chacun de ces ordres est séparé des autres par un abîme infini. Par le fait même, cette théorie des ordres, en même temps qu'elle délimite "des sphères de liberté incompressibles" (Chr. Lazzeri, Force et justice dans la politique de Pascal, Paris, PUF, 1993, p. XVI), implique aussi une nouvelle acception de la tyrannie, que Pascal avait clairement définie : "La tyrannie consiste au désir de domination universel et hors de son ordre" (Lafuma 58; Sellier 92). Bayle, lui, dans l'Éclaircissement sur les Manichéens, préférera reprendre la formule de Balzac : "Qu'il ne faut pas être curieux dans la république d'autrui". Mais, dans tous les cas, l'idée est la même, elle consiste à affirmer qu'il n'est pas d'instance qui puisse "vouloir régner partout. Rien ne le peut, pas même la force : elle ne fait rien au royaume des savants, elle n'est maître que des actions extérieures" (Pascal, ibid.).
[12] Cl. Labrosse et P. Rétat, L'Instrument périodique : fonction de la presse au XVIIIe siècle, Lyon, PUL, 1985, p. 52.
[13] G. Mori, Bayle philosophe, Paris, Honoré Champion, 1999.
[14] Traduction par David Martin, contemporain de Bayle.
[15] Réponse aux Questions d'un Provincial, IIIe partie, O.D., III, p. 950b. On trouvera un autre usage polémique de cette parole du Christ dans le Supplément du commentaire philosophique, au chapitre XVIII, O.D., II, pp. 530b-531a.

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Copyright © La République des Lettres, vendredi 12 août 2011