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La République des Lettres

Abdelkébir Khatibi

Abdelkébir Khatibi
Triptyque de Rabat

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0122-0
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
Disponible chez • AmazoniTunes

David Herbert Lawrence

David Herbert Lawrence est né le 11 septembre 1885 à Eastwood (Nottinghamshire, Royaume-Uni).

Sa réputation de chantre de la sexualité et le parfum de scandale qui s'attache à son nom ont un peu occulté la richesse d'une oeuvre qui inclut romans, nouvelles, poésie, essais, récits de voyage, théâtre, peinture, sans compter des milliers de lettres et un manuel d'histoire.

D. H. Lawrence passe son enfance dans les Midlands, région à la fois rurale et minière, qui devient pour lui le symbole du tragique clivage entre la bonne vieille Angleterre et la civilisation industrialiste moderne, crise dont son dernier roman, L'Amant de Lady Chaterley (1928) porte encore la trace. À l'image de sa région natale, sa famille est le lieu de déchirures qu'il décrit dans son roman largement autobiographique Amants et Fils (1913).

Son père, Arthur Lawrence, un mineur un peu fruste et bon vivant, a séduit par sa prestance physique la discrète Lydia Beardsall, ancienne institutrice issue d'une famille assez bourgeoise et très croyante. Cinq enfants sont nés de leur union. La pauvreté et les difficultés du quotidien ne font qu'accentuer les différences entre cette mère puritaine et un mari sensuel et buveur. À l'attrait succède vite le conflit permanent.

Le jeune David Herbert, toujours protégé par sa mère en raison de sa santé fragile, lui est passionnément attaché, alors qu'il a plutôt honte de son père. Avec le recul du temps, par un effet de renversement tendant à réhabiliter la figure du père et du mâle, Arthur Lawrence deviendra le prototype de tous les héros virils appartenant à un monde souterrain obscur et régénérateur, avatar de la mine, et Lydia Beardsall celui de toutes les femmes volontaires et castratrices de ses récits. C'est à cause de la discorde du couple parental autant que de la fréquentation ultérieure des féministes d'Eastwood et de sa propre expérience d'homme marié que D. H. Lawrence s'attachera à décrire la "guerre des sexes" pour mieux prôner un idéal "équilibre stellaire" entre l'homme et la femme.

Après ses études secondaires, D. H. Lawrence a une brève expérience professionnelle dans une fabrique de matériel chirurgical qu'il doit quitter à cause d'une grave pneumonie, signe précurseur de la tuberculose dont il souffrira toute sa vie. Durant sa convalescence, en 1901, il fait la connaissance de Jessie Chambers, fille d'un fermier des environs. Il va souvent la voir à Haggs Farm pour faire de longues promenades dans la nature et discuter de leurs lectures communes (dont Thomas Carlyle, Friedrich Nietzsche, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, les grands romanciers français et russes, etc.).

Cette ferme, la famille Chambers et Jessie sont évoqués dans son premier roman, Le Paon blanc (1911). Amants et Fils raconte la faillite de l'idylle entre les deux jeunes gens en raison de leurs inhibitions et de la possessivité extrême de la mère du héros. Jessie Chambers encourage la vocation de D. H. Lawrence et l'aide à publier ses premières nouvelles en 1907 et quelques poèmes en 1909 -- ce qui permet au jeune écrivain d'entrer en contact avec le milieu littéraire londonien et de rencontrer notamment Ezra Pound.

Avant ces timides débuts, D. H. Lawrence a poursuivi ses études pour devenir instituteur et terminé sa formation à l'université de Nottingham. De 1908 à 1912, il enseigne à Croydon, au sud de Londres, mais doit là encore démissionner pour raison de santé. Durant cette période, plusieurs femmes lui inspirent des poèmes: Jessie, trop éthérée et bientôt délaissée, Helen Corke, une collègue séduisante dont l'histoire personnelle lui fournit la trame du Profanateur, et sa fiancée d'un temps, Louise Burrows, avec qui il rompt au cours de la sombre période de dépression qui suit la mort de sa mère en 1910.

En 1912, il envisage de partir en Allemagne comme lecteur. Il rend alors visite à Ernest Weekley, l'un de ses anciens professeurs de l'université de Nottingham qui a une épouse allemande: Frieda von Richtofen. Il a le coup de foudre pour cette femme de six ans son aînée et mère de trois enfants. Quelques semaines plus tard, il part avec elle vers l'Allemagne. Frieda abandonne définitivement mari et enfants, ce qui ne va pas sans problèmes. M. Noon, roman publié posthume en 1984, présente une version burlesque de cette expérience.

Malgré leur fréquentes chamailleries, Frieda apporte à D. H. Lawrence ce que Jessie n'avait pas pu lui donner: un merveilleux sentiment d'épanouissement sexuel. Elle a de l'expérience, une certaine culture, une forte personnalité, et point non négligeable pour ce fils de mineur, c'est une aristocrate. Come elle avait été la maîtresse d'Otto Gross, un disciple de Freud, elle l'initie aux théories psychanalytiques. Le début de leur relation est une période de grande créativité pour D. H. Lawrence: il conçoit une vaste fresque en deux volets qui deviendra L'Arc-en-ciel (1915) et Femmes amoureuses (1920), commence La Fille perdue (1920) et écrit un recueil de poèmes d'amour, Vois ! Nous en sommes sortis (1917).

Pendant deux ans, les amants voyagent à travers l'Europe. Ils font deux séjours en Italie qui fournit à l'écrivain la matière du récit Crépuscule sur l'Italie (1916). Puis, Frieda ayant obtenu son divorce, ils rentrent se marier à Londres en juillet 1914. La guerre éclate. Ils restent bloqués en Angleterre, au grand désespoir de D. H. Lawrence. Antimilitariste, antinationaliste, marié à une Allemande, inapte au service militaire, il est l'objet de tracasseries sans fin. Les deux époux, soupçonnés d'être des espions, sont expulsés de Cornouailles où ils s'étaient réfugiés.

Dès 1915, pour échapper à ce qu'il considère comme le déclin de l'Occident, D. H. Lawrence veut créer une petite communauté utopique, baptisée "Rananim", avec quelques amis dont le critique John Middleton Murry et sa compagne Katherine Mansfield. Il poursuivra toute sa vie ce rêve de salut à mi-chemin entre une sorte de communisme et un élitisme douteux mais son entreprise ne vit jamais le jour. Il ne lui resta qu'à intégrer son messianisme dans son oeuvre.

L'Arc-en-ciel, par son titre, semble annoncer un renouveau mais présente surtout une vision nostalgique et désabusée de la société à travers l'histoire de trois générations de couples d'une même famille. Le roman est condamné pour obscénité en 1915. Du même coup, D. H. Lawrence est astreint à des années de difficultés financières et devra attendre cinq ans pour publier Femmes amoureuses, oeuvre assez apocalyptique où ne brille qu'une incertaine lueur d'espoir pour le couple qui échappe au "flux de la corruption" et parvient à une union quasi mystique réconciliant le mental et le sensuel.

D'intéressants essais: l'Étude sur Thomas Hardy, La Couronne, Éducation du peuple, éclairent ces deux romans et témoignent de l'intérêt de l'écrivain pour l'art, l'histoire, l'ethnologie, la psychanalyse, la théosophie et les problèmes sociaux de son époque.

Dès qu'ils le purent en 1919, les Lawrence fuient l'Angleterre et vont s'installer pendant deux ans en Sicile, à Taormina, d'où ils font quelques voyages à travers l'Europe. Il finit La Verge d'Aaron (1922), roman où l'on voit apparaître les thèmes de l'amitié entre hommes et du leader charismatique. Il écrit aussi, outre diverses nouvelles et l'amusant récit d'un voyage en Sardaigne, Sardaigne et Méditerranée (1921), ses très allègres Études sur la littérature classique américaine et deux livres de "pseudo-philosophie" qui partent d'une critique de Freud: Psychanalyse et Inconscient (1921) et Fantaisie de l'Inconscient (1922).

C'est également en Italie qu'il compose la plupart des étonnants poèmes du recueil Oiseaux, Bêtes et Fleurs (1923), où il poursuit sa méditation amusée sur l'univers naturel sexué et sa réflexion souvent amère sur l'homme, cet animal social et politique perverti par des siècles de judéo-christianisme et d'idéalisme.

En 1922, D. H. Lawrence est invité par Mabel Dodge, une riche américaine qui vit avec un indien à taos au Nouveau-Mexique et aime s'entourer d'artistes. Les Lawrence partent vers l'Amérique via l'Orient. Ils passent quelques semaines à Ceylan puis séjournent trois mois en Australie où il rédige son roman le plus politique: Kangourou (1923), dans lequel il renvoie dos à dos fascisme et communisme.

Installé dans un ranch à Taos de 1922 à 1925, il s'intéresse aux Indiens, visite le Mexique, mais ne rencontre que peu de traces de la civilisation primitive authentique dont il avait rêvé. Dans Matinées mexicaines (1927), il décrit avec passion les danses rituelles qui en sont les derniers vestiges. Aussi imagine-t-il de rendre au peuple mexicain leur ancienne religion aztèque après une sanglante révolution et l'établissement d'un régime théocratique assez barbare dans Le Serpent à plumes (1926).

Ce séjour américain est interrompu par un voyage en Europe en 1923, lors duquel D. H. Lawrence invite de nouveau ses amis à venir fonder Rananim à Taos. Il n'est suivi que par Dorothy Brett, une femme peintre, sourde, amoureuse de lui et plutôt encombrante. À son retour à Taos, la vie entre ses trois femmes, Frieda, Mabel et Brett, s'avère difficile. Il se venge de Mabel à travers l'héroïne de L'Amazone fugitive (1928), qui se sacrifie avec une volupté perverse aux dieux indiens, et de Brett dans La Princesse où une Européenne vierge cherche et réussit à se faire violer.

Il est encore en Amérique du Sud lorsque son père meurt en 1924. Sa très belle pièce biblique David (1925) évoque le passage conflictuel d'un ordre ancien, celui de Saül -- une figure de père -- à celui du rusé David, personnage ambigu à qui son homonyme David Herbert Lawrence s'identifie en partie.

Fatigué par le climat et la maladie, sachant maintenant qu'il est tuberculeux, il rentre en Europe à la fin de 1925. Il passe par Londres, l'Allemagne, loue une maison près de Gênes. Là, Frieda devient la maîtresse du propriétaire Angelo Ravagli, qui deviendra son troisième mari après la mort de l'écrivain. Puis D. H. Lawrence s'installe à Florence d'où il va visiter les tombes étrusques. Il exalte la délicate conscience phallique de ce peuple disparu dans Promenades étrusques (1932) et imagine un Christ entièrement paganisé s'éveillant à la conscience de la chair dans L'Homme qui était mort.

L'Amant de Lady Chaterley, dont il existe trois versions, veut aussi célébrer la "tendresse phallique". Ce roman, ainsi que les tableaux qu'il a peint à Florence, lui valent encore de douloureux démêlés avec la censure anglaise, totalement insensible à sa mystique et sa morale fondées sur un profond respect de la vie instinctive et de la nature.

Il passe ses deux dernières années à voyager fébrilement en Europe en quête d'un mieux-être qu'il ne trouvera jamais. Il meurt le 02 mars 1930 à Vence (Alpes maritimes, France) où il est enterré. Frieda fait rapporter ses cendres à Taos en 1935. Su sa tombe, un phénix, emblème qu'il avait depuis longtemps choisi pour Rananim, rappelle le titre d'un de ses derniers poèmes (Phoenix) et sa foi en un perpétuel cycle de mort et de renouveau.

Copyright © Ginette Roy / La République des Lettres, Paris, dimanche 21 avril 2013. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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