Wilhelm Reich

Psychiatre et psychanalyste autrichien, Wilhelm Reich est né le 24 mars 1897 à Dobrzcynica (Galicie, à l'époque partie de l'empire Austro-hongrois). Ses parents sont de riches fermiers juifs non pratiquants qui s'installent peu après sa naissance dans une grande ferme près de Tchernivtsi (Ukraine).

En 1911, sa mère se suicide après qu'il ait révélé à son père la liaison qu'elle entretenait avec son précepteur. Trois ans plus tard, en 1914, son père meurt de la tuberculose. Il doit quitter la propriété familiale à l'arrivée de l'armée russe. Il sert comme Officier de l'armée autrichienne et combat notamment sur le front italien pendant la première guerre mondiale.

À partir de 1918, Wilhelm Reich suit des études de biologie puis de neuropsychiatrie. En 1920, il devient membre de la Société Psychanalytique de Vienne, dirigée par son fondateur Sigmund Freud. En 1922, il obtient un diplôme de médecin. Elève de Paul Federn, il est, comme lui, de sensibilité humaniste et socialiste. Il s'intéresse à la philosophie, aux sciences naturelles, à la sexologie. Il exerce dès cette époque comme psychiatre et psychanalyste dans la clinique de Freud, puis, gratuitement, dans des dispensaires populaires de Vienne. Aux côtés de Sandor Ferenczi, il anime un séminaire de psychanalyse freudienne. En 1927, il publie son premier ouvrage majeur sur la sexualité, intitulé La fonction de l'orgasme (1927), dédié à Sigmund Freud.

Wilhelm Reich se rapproche ensuite des milieux politiques révolutionnaires et entre bientôt en conflit avec l'orthodoxie freudienne. En 1930, il déménage à Berlin où il adhère au Parti Communiste allemand. Il participe activement aux travaux de l'Institut psychanalytique berlinois, travaillant surtout sur les problèmes sexuels des jeunes. Il fonde la Sexpol (Association pour la politique sexuelle) qui se consacre aux conditions -- psychiques, politiques, économiques, sociales,... -- d'épanouissement sexuel des masses populaires. L'association comptera jusqu'à cent mille adhérents et publiera de 1934 à 1938 un journal important dans l'histoire de la psychanalyse, Zeitschrift für Politische Psychologie und Sexualökonomie.

Wilhelm Reich publie en 1932 L'irruption de la morale sexuelle, suivi en 1933 de Psychologie de masse du fascisme (ce qu'il appelle "la peste émotionnelle") et de L'Analyse caractérielle, deux ouvrages où il fait le lien entre impuissance et fascisme. L'année suivante, il est exclu à la fois par le Parti Communiste allemand et par la Société Psychanalytique freudienne. En tant que juif, communiste et psychanalyste il est contraint à l'exil par le Nazisme. Il gagne le Danemark, puis la Norvège, où il effectue alors des recherches sur la biogénèse, la bioélectricité, la végétothérapie et la bioénergie (cette dernière sera ensuite développée par son élève Alexander Lowen). En 1938, il fonde à Oslo l'Institut de recherches biologiques d'économie sexuelle et publie Les Bions, résultat de ses études sur la bio-électricité des protozoaires et l'énergie vitale.

En 1939, Wilhelm Reich s'établit à New York (Etats-Unis) où il dispense un enseignement portant sur "la biophysique de l'orgone" à la New School for Social Research. Il exerce parallèlement à titre privé comme psychiatre / psychanalyste. En 1942, il aquiert une vaste propriété de 80 ha à Rangeley, dans le Maine, où il installe son Orgone Institute (future fondation Wilhelm Reich), un centre de recherches sur l'Orgone (l'énergie vitale cosmique) et l'orgonthérapie. Il y rassemble de nombreux chercheurs au sein de laboratoires comme l'Orgone Energy Clinic ou l'Orgonomic Infant Research Center. Il publie une version réactualisée de La fonction de l'orgasme qui présente une synthèse de ses recherches. Il publie ensuite deux ouvrages, La Révolution sexuelle (1945) et Écoute, petit homme (1948) qui marqueront tout un courant de pensée des années 1960-1970.

Mais à partir de 1947, il entre en conflit avec les autorités médicales américaines en raison de ses recherches sur la nature bio-électrique des phénomènes sexuels et du cancer. Ses expériences sont jugées comme mettant les malades en danger. Il est qualifié de schizophrène et d'obsédé sexuel par ses confrères. Accusé de charlatanisme à la suite d'une malheureuse expérimentation baptisée ORANUR (Orgonotic Anti-Nuclear Radiation), il refuse de comparaître devant la Justice.

En 1953, paraît l'un de ses derniers ouvrages, Le Meurtre du Christ. En 1956, il est condamné par défaut à deux années de prison, ainsi qu'à la destruction de ses livres et de ses appareils (accumulateur d'orgone, brise-nuage, etc). Incarcéré au pénitencier de Lewisburg (Pennsylvanie) en mars 1957, il y meurt le 3 novembre de la même année.

Avec Sandor Ferenczi et Otto Rank, Wilhelm Reich est sans doute le plus connu des dissidents freudiens de la "deuxième génération", après Alfred Adler et Carl Gustav Jung. Son nom est lié au thème de la libération et de la révolution sexuelle. Ses principaux ouvrages (La fonction de l'orgasme, L'Analyse caractérielle, La Révolution sexuelle) ont donné naissance aux études sur l'autoritarisme et la famille qui constituèrent le centre d'intérêts de l'École de Francfort.

La théorie de l'orgasme et la technique de l'analyse du caratère sont les composantes fondamentales de son système psychologique. Selon lui, la santé psychique dépend de la puissance orgasmique, mais notre civilisation moralisatrice inhibe cette énergie, produisant ainsi des effets de résistance qui forment l'armature du caractère. Le but de l'analyse caractérielle sera alors de démonter ces résistances et de libérer l'énergie sexuelle inhibée.

Wilhelm Reich voit dans la lutte des jeunes pour la libération sexuelle une prémisse d'une lutte politique plus globale. Dans la ligne de la pensée freudienne, il reconnaît le rôle prédominant de la sexualité dans l'étiologie des névroses, mais refuse les interprétations visant à l'affirmation d'une pulsion de mort. L'énergie sexuelle, ou libido, expression fondamentale de l'organisme vivant, est selon lui une réalité étroitement liée à l'activité du système neurovégétatif, manifestation de ce qu'il appelle l'Orgone: l'énergie cosmique primordiale.

Copyright © Julien Poincarré / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 8 août 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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