Moteur de rechercheRecherche Feedburner RSSSyndication TwitterTwitter FacebookFacebook
La République des Lettres
Le Surréalisme

Le Surréalisme

Le Surréalisme

Brève histoire du Surréalisme.

Par Marie-Paule Berranger, dernière édition le jeudi 11 août 2011.

Le Surréalisme se constitue après la Première Guerre mondiale, dans un climat de révolte qui met en cause toute finalité humaniste et esthétique de l'art; c'est une idéologie de rupture commune aux mouvements d'avant-garde.
Les Surréalistes forment un groupe à géométrie variable, défini par des activités rituelles et une exigence morale, mais aussi par les dissensions qu'implique toute mise en commun de la pensée.
C'est Guillaume Apollinaire qui a présidé à la rencontre des membres fondateurs du Surréalisme, André Breton, Louis Aragon, et Philippe Soupault; sa mort en 1918 accroît le sentiment de désarroi produit par l'histoire récente. Aussi l'arrivée à Paris de Francis Picabia en 1919, bientôt suivie de celle de Tristan Tzara, radicalise les refus en une phase dadaïste (1920-1922).
Mais la gratuité de scandales dadaïstes lasse Breton, qui prend l'initiative d'actes plus engagés comme le Procès Barrès, et le projet avorté d'un Congès de Paris (mars 1922) que solde la rupture avec Tzara. Il suffit d'ailleurs de feuilleter Littérature, la revue dirigée par Aragon, Breton et Soupault, et Proverbe, l'éphémère revue de Paul Eluard, pour percevoir ce qui, dans la typographie comme dans la poétique, distingue les futurs Surréalistes de Dada.
Le jeu de notations scolaires publié dans Littérature, puis dans le Manifeste du Surréalisme de 1924 la liste des Surréalistes avant la lettre, montrent un souci de reconstruire la tradition artistique au profit d'ascendants marginalisés jusque-là par l'histoire littéraire: Lautréamont, Arthur Rimbaud, Alfred Jarry sont leurs phares; avec eux, tous les courants du romantisme nocturne (Novalis, Young) ou noir, sous l'égide de Sade: le roman gothique, les "frénétiques" tels Pétrus Borel et Xavier Forneret; d'autres enfin dans la mouvance du Symbolisme: Germain Nouveau, Tristan Corbière, Saint-Pol Roux, Joris-Karl Huysmans, Marcel Schwob.
Ces écrivains "maudits" voisinnent avec d'autres formes de culture refoulée: la tradition ésotérique, le roman populaire (Fantômas), le cinéma, la publicité. C'est là que le Surréalisme va puiser personnages et mythes modernes, sous le signe de la rencontre révélatrice et de l'amour.
Si le Manifeste du Surréalisme date de 1924, ce sont Les Champs magnétiques (1920) de Breton et Soupault qui engagent une réflexion décisive sur l'automatisme et le surgissement de la parole poétique. Entre ces deux dates, de jeux en explorations collectives, s'élabore une théorie de l'inspiration liée à l'exploration des territoires obscurs de la conscience.
Sous l'impulsion de René Crevel commencent en 1922 les séances de sommeil hypnotique: Robert Desnos, René Crevel, Benjamin Péret y psalmodient des énoncés étranges, parfois accompagnés de dessins. C'est moins cependant l'expérience elle-même que l'élaboration théorique de ses implications qui sera décisive. Dès 1923, le terme surréalisme, créé par Apollinaire, est annexé par Breton pour désigner "l'automatisme psychique pur", c'est-à-dire le mécanisme même de la pensée "affranchie du contrôle de la raison".
Le premier groupe constitué comprend Louis Aragon, Antonin Artaud, André Breton, René Crevel, Robert Desnos, Paul Eluard, Michel Leiris, Max Morise, Georges Limbour, Benjamin Péret, Philippe Soupault et Roger Vitrac. Le Manifeste donne à ce groupe un corps de doctrine fondée sur une apologie du merveilleux; la récusation de la logique causale conduit Breton à condamner le roman et à privilégier l'image poétique insolite. Se référant à Pierre Reverdy, il écarte le critère de justesse et insiste sur le caractère non prémédité du rapprochement opéré par l'image.
Breton travaille parallèlement à doter le Surréalisme d'une esthétique de l'image picturale. Les thèses avancées dans Le Surréalisme et la peinture (publié en 1928) sont influencées par les tableaux métaphysiques de Giorgio De Chirico et par les collages de Max Ernst: la peinture cherche à "dépayser" le regard par la collision d'éléments incompatibles, susceptibles de bouleverser notre perception du réel. La Révolution Surréaliste, organe du groupe de 1924 à 1929, aux côtés d'écrits automatiques, de récits de rêves et de tracts, fera la part belle aux photos de Man Ray et aux tableaux de Giorgio de Chiricon Max Ernst, puis d'André Masson, Joan Miro, Yves Tanguy.
À partir de 1925, le mouvement entre dans une phase de débats politiques. Dès lors c'est moins le dialogue avec les poètes (Pierre Reverdy, Paul Valéry) que les conflits idéologiques qui écrivent l'histoire du Surréalisme. Le groupe réagit à la guerre du Rif par un tract anticolonial, premier acte d'un engagement qui sera une constante de son action, jusqu'aux protestations contre la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie (Appel des 121). Le Surréalisme se rapproche alors des intellectuels communistes de Clarté; cette évolution vers le matérialisme dialectique entraîne le départ d'Antonin Artaud, Robert Desnos, Philippe Soupault et Roger Vitrac.
En 1929, le Second Manifeste règle les comptes: Breton tranche la crise interne en excluant Michel Leiris, Georges Limbour, André Masson et Pierre Naville, et en vilipendant Georges Ribemont-Dessaignes et Georges Bataille. Les exclus répliquent par un sanglant pamphlet, Un cadavre. Cependant Salvador Dali, Luis Bunuel, René Char, Tristan Tzara, puis Pierre Mabille et Gisèle Prassinos, rejoignent le groupe.
La Révolution surréaliste devient en 1930 Le Surréalisme au service de la Révolution, sans que cette apparente allégeance détourne la revue de la théorie psychanalytique ni de violentes critiques à l'égard de la morale du travail et de la famille en Union soviétique. L'adhésion au Parti Communiste d'André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret, Pierre Unik, en 1927, est suivie en 1933 d'une rupture collective. Après le Congrès international des écrivains révolutionnaires de Kharkov (1930), qui entraîne la conversion d'Aragon au Communisme, le suicide de René Crevel en 1935, à la veille du Congrès des écrivains pour la défense de la culture, montre tragiquement l'impossibilité de défendre une position autonome au sein du Parti Communiste.
Les Surréalistes vont dénoncer dès 1936 les procès de Moscou et la dérive totalitaire du régime soviétique. En 1938, alors qu'Eluard se rapproche du parti et rompt avec le Surréalisme, Breton rencontre Trostski au Mexique et signe avec lui une déclaration garantissant l'indépendance de l'art révolutionnaire; mais l'action politique des Surréalistes se limitera de fait au débat d'idées et à des engagements individuels, comme celui de Benjamin Péret en Espagne.
Cette période de conflits porte les fruits des investigations antérieures. Malgré l'anathème formulé contre le roman, Desnos (La Liberté ou l'Amour !), Soupault (Les Dernières Nuits de Paris), Aragon (Le Paysan de Paris), Crevel (Êtes-vous fous ?, Les pieds dans le plat), Breton lui-même (Nadja, Les Vases communicants, L'Amour fou) renouvellent le genre narratif, tressant la relation quasi clinique d'évènements vécus, le récit de rêve, l'élaboration théorique et le grand élan lyrique pour affirmer l'unité profonde de l'être.
La poésie à plusieurs mains fait contrepoids au lyrisme personnel: Ralentir travaux (Breton, Char, Eluard), L'Immaculée Conception (Breton, Eluard) refondent la pratique de l'automatisme par la simulation des langages de la folie. Salvador Dali, opposant la méthode paranoïa-critique à la passivité de l'automatisme, relance l'activité théorique du groupe, ce dont témoignent la formulation par Breton du "hasard objectif" ou la création d'objets à fonctionnement symbolique.
L'orientation anthropologique du Surréalisme apparaît nettement dans la revue Minotaure, qui réunit André Breton, Michel Leiris, Roger Caillois, André Masson et Jacques Lacan. L'exposition de Londres en 1936 puis celle de Paris en 1938 consacrent la maturité du mouvement et sa fécondité: le Surréalisme a largement imprégné l'Europe et gagné l'Amérique latine. L'Angleterre, l'Espagne, la Belgique, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Roumanie ont eu des revues surréalistes et parfois des groupes autonomes. L'expansion géographique s'accompagne d'une extension vers d'autres modes d'expression: la peinture, la photographie, le cinéma (Bunuel), mais aussi l'ethnologie et la psychanalyse ont recueilli l'écho de l'aspiration des Surréalistes à redéfinir l'entendement humain.
Cet apogée précède de peu la Seconde Guerre mondiale. Les Surréalistes sont indésirables sous Vichy, et hostiles au nationalisme de la Résistance, où René Char seul s'illustrera. Les autres s'exilent en Amérique via Marseille et les Antilles. Le noyau du groupe se reforme à New York, où André Breton, Max Ernst et Yves Tanguy retrouvent Marcel Duchamp. Benjamin Péret est à Mexico. Breton crée une revue, VVV, mais comme écrivain il est isolé dans ce monde anglophone. C'est par les peintres que le groupe se renforce et se renouvelle: Roberto Matta avant tout, puis Arshile Gorky, Enrico Donati, Wifredo Lam. Brillamment exposée par Peggy Guggenheim et Julien Lévy, la peinture surréaliste influencera surtout par l'automatisme gestuel les grands peintres américains de l'après-guerre.
Breton ne rentre en France qu'en mai 1946, et seul. Ses troupes, "vieux Surréalistes" issus des années trente comme Henri Pastoureau et jeunes gens comme le groupe "La Main à Plume" (Noël Arnaud, Christian Dotremont), sont hétéroclites et tentées par la dissidence. Il peut compter sur le soutien critique de Georges Bataille, Maurice Blanchot ou Jean Paulhan, mais il a contre lui Aragon et Eluard, que Tzara a rejoints, et Jean-Paul Sartre qui leur prête main forte tout en prétendant occuper pour son compte le terrain intellectuel.
Le conflit a été aiguisé par Le Déshonneur des poètes (1945), où Péret tire à boulets rouges sur le conformisme esthétique de la "poésie de la Résistance". Tout en réafirmant l'actualité du Surréalisme, Breton emploie ses forces à établir l'histoire du mouvement dont il est à la fois le fondateur et le survivant, dans une ample réflexion qui mène de Situation du Surréalisme entre les deux guerres (1942) aux Entretiens de 1952. Maurice Blanchot n'a toutefois pas tort de voir alors dans le Surréalisme "un brillant fantôme", privé d'assise idéologique par le clivage de la guerre froide et impuissant devant le triomphe de ses propres idées.
La grande exposition de 1947, consacrée à une tentative d'"intervention sur la vie mythique", réaffirme le canon surréaliste tout en recourant à des médiations de plus en plus lointaines et occultes. Le champ du Surréalisme s'agrandit vers les anciennes cultures du Nouveau Monde, vers l'art des fous et l'art brut (jusqu'à la rupture entre Breton et Jean Dubuffet), vers la tradition ésotérique. La beauté du mouvement dans ces années difficiles, c'est le rayonnement de Breton jusqu'à sa mort en 1966, ce sont les échos qu'il suscite en Martinique avec Aimé Césaire ou en Égypte avec Georges Henein et Joyce Mansour; et dans la littérature, ce sont ses marges: la tangence de Julien Gracq, le compagnonnage distant d'André Pieyre de Mandiargues, amis aussi l'extravagance de Maurice Fourré ou de Malcolm de Chazal, la fragilité de poètes comme Stanislas Rodanski ou Jean-Pierre Duprey.
Le Surréalisme polarise autour de lui des causes perdues et des causes naissantes: trotskisme, anarchisme, émancipation des peuples, féminisme, libération des moeurs, présence du sacré. Bien au-delà de sa fécondité artistique, il aura été le ferment de discorde et la boussole du XXe siècle.

Emile CioranJulio CortazarHillary ClintonGeorges BatailleArthur Conan DoyleAndré GideNorman MailerErnst von SalomonPrix littérairesL'EncyclopédieGustave FlaubertBalzacSapphoJean GionoPierre KropotkineGeorges SimenonAlbert CamusFrantz FanonRené DaumalRoger Gilbert-LecomteArthur CravanLe SurréalismeLéon BlumRupert MurdochWilliam ShakespeareJ.K. RowlingGeorges PerecFrancis Scott FitzgeraldHenri-David ThoreauHugo ChavezGünter GrassFrançoise SaganAgatha ChristieRichard BrautiganHorace McCoyEd McBainÉditions GrassetÉditions du SeuilMein KampfLa Nouvelle Revue FrançaiseGuide MichelinHistoire du TangoTel QuelLa République des LettresPaul NizanSacha GuitryGeorges DarienDominique Strauss-KahnAlberto MoraviaNathalie SarrauteH. P. LovecraftJean GenetGeorge OrwellAlexandra David-NeelLucien RebatetAlexandre VialatteJean JaurèsFrançois WeyergansJules RenardVladimir NabokovMax StirnerMarguerite DurasBlaise CendrarsCesare BattistiNatalie Clifford BarneyJorge SemprunLawrence FerlinghettiPaul BowlesCarl Gustav JungMikhaïl BoulgakovDashiell HammettAuguste Le BretonRaymond ChandlerLa Série NoireFrédéric Dard / San-AntonioLewis CarrollAl CaponeHermann HesseSimone de BeauvoirGiacomo CasanovaJorge Luis BorgesLanza del VastoSteve JobsJoseph DelteilNicolas HulotXavier NielLe SiècleDavid Herbert LawrenceSusan SontagAldous HuxleyJean-Patrick ManchetteKnut HamsunWilliam FaulknerOscar WildeJacques PrévertJohn FanteHenry MillerWilliam BlakeVirginia WoolfHenri CaletMalcolm LowryNelson MandelaOtto WeiningerStendhalJacques DerridaThomas De QuinceyVictor HugoRené GuénonTristan TzaraMarcel ProustLou Andreas-SaloméBouddhaGuy DebordWalt WhitmanErnesto SabatoLord ByronFrançois HollandeLeopold von Sacher-MasochEmmanuel SwedenborgLéo MaletJane AustenAurobindo GhoseÉtienne de La BoétieGregory CorsoWilliam BurroughsAllen GinsbergJack KerouacHerbert MarcuseRudolf SteinerBachar al-AssadLawrence DurrellPierre Teilhard de ChardinElvis PresleyWilhelm ReichFrançois MitterrandGraham GreeneRama YadeMuhammad YunusBaltasar GracianEdith SitwellMouammar KadhafiCarlos FuentesEmmanuel Demarcy-MotaJean-Luc MélenchonCélineZine Ben AliPhilippe SollersMark ZuckerbergPaul NizanStéphane HesselChester HimesRudolf SteinerHildegarde de BingenLanza Del VastoCarlos Castaneda.
Moteur de rechercheRecherche Feedburner RSSSyndication TwitterTwitter FacebookFacebook
Copyright © La République des Lettres, jeudi 11 août 2011