La République des Lettres



Pedro Almodovar

Pedro Almodovar

Filmographie / Biographie. Qui est Pedro Almodovar ?

Réalisateur, acteur, compositeur, producteur, producteur exécutif et scénariste espagnol, Pedro Almodovar est né le 25 Septembre 1951 à Calzada de Calatrava (Espagne). Il a huit ans quand sa famille s'installe en Estremadure. Il y étudie jusqu'au Baccalauréat chez les Pères mais ne manque pas d'échapper quand il le peut à cette éducation "spectaculairement religieuse" en allant au cinéma. Il a 16 ans quand il rejoint Madrid avec l'espoir d'entrer à l'école officielle du cinéma, mais Franco vient d'en ordonner la fermeture. Ce qui vaudra à Almodovar, trop désargenté pour étudier dans le privé, de travailler douze années comme employé de bureau à la Compagnie nationale de téléphone espagnole. Observateur de la classe moyenne espagnole à l'aube de la société de consommation il mémorise alors des portraits qui lui serviront tout au long de sa future carrière de cinéaste.
Revendiquant une homosexualité affranchie mais complexe et plurielle, Pedro Almodovar ressemble à un enfant insatiable du cinéma -- il a fondé en 1986 avec son frère Agustin, sa société de production au nom plus que métaphorique, El Deseo, commençant des coproductions avec la France en 1991 tout en restant indépendant -- qui, au fil de ses films, cherche à recomposer une carte d'identité prismatique. Mais on sait peu de sa vie privée tant son oeuvre, qui représente aujourd'hui la cinématographie espagnole, semble dans son anticonformisme cruel, esthétique, sauvage et lucide, à la fois personnelle et universelle.
Tout en étant cet employé de bureau que l'on a du mal à imaginer, Pedro Almodovar tourne des courts métrages en super 8 de 1974 à 1979. La fiction y est précédée de fausses actualités et de fausses publicités, et Pedro mime les voix de ses personnages. Muni d'un magnétophone, il y insère des chansons en direct. Il est membre d'un groupe punk-rock parodique nommé Almodovar y McNamara. On se presse à ses shows amateurs qui, dans les bars ou les festivals underground, fondent en quelque sorte la marque de fabrique à la fois provocatrice et populaire de ce cinéaste au souffle cynique et dévastateur. Scénarios de bandes dessinées ou de romans-photos et nouvelles pour magazines vont suivre. Il est aussi comédien de théâtre dans la troupe Los Goliardos où il rencontre Carmen Maura, première muse. Il devient véritablement cinéaste professionnel en réalisant Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, histoire d'une épouse exemplaire qui se découvre des tendances homosexuelles et masochistes. Un projet de roman-photo punk avait donné naissance à ce premier long métrage très cru, exprimant les interdits levés à la disparition de Franco en 1975, et s'inscrivant dans le mouvement libérateur de la Movida espagnole. Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier sort en 1980, accompagnant le retour en démocratie de l'Espagne. A signaler qu'il ne fut distribué en France que dix ans plus tard. Puis c'est Le Labyrinthe des passions en 1982, film rocambolesque et complexe qui porte haut la parodie -- alors que le réalisateur trouve déjà la Movida un peu molle -- où on le voit diriger les prises de vues d'un roman-photos et chanter lui-même déguisé en travesti. Le thème fait référence aux retombées de la révolution islamique en Iran (Le fils d'un potentat oriental est poursuivi par les assiduités d'une tante abusive et par des terroristes. Sexilia, fille nymphomane d'un gynécologue suit une psychanalyse avec une thérapeute obsédé par l'idée de coucher avec le père de cette patiente. Une des patientes de ce père est Toraya, l'ex-impératrice du Tiran. Riza Niro, fils homosexuel de l'emir du Tiran en exil, est à Madrid. Planqué en chanteur d'un groupe pop, Riza rencontre Sexilia qui fait partie d'un groupe musical punk concurrent. Ils tombent amoureux et choisissent de s'aimer platoniquement). Almodovar enregistrera plusieurs disques avec un des acteurs du film, Fanny McNamara. Le film révélera aussi Antonio Bandera qui joue Sadec, terroriste islamiste à la poursuite de Riza Niro. Mosaïque de personnages donnant le ton de toute la filmographie à venir de cet auteur merveilleusement déjanté. Dans les Ténèbres en 1983, met en scène de folles religieuses et mêle drogue, pornographie et mélodrame. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça? en 1984, comédie noire sur la famille, raconte l'histoire de Gloria (Carmen Maura), qui fait des ménages pour nourrir sa famille et se gave d'amphétamines pour tenir le coup, jusqu'à ce qu'un pharmacien refuse de lui en vendre, la faisant sombrer dans la violence contre les siens. Matador, en 1985, est un hommage au surréalisme de Bunuel (sexe, mort et rituel tauromachique), enquête policière sur un torrero serial killer. La loi du désir, premier film de l'auteur où apparaît Victoria Abril, actrice qui deviendra son égérie et que l'on retrouvera ensuite notamment dans Talons Aiguilles et Kika. La loi du désir est un film compulsif qui impose Almodovar dans les milieux intellectuels. Suit Femmes au bord de la crise de nerfs, nominé en 1989 pour l'Oscar du meilleur film étranger, qui fait connaître Almodovar en-dehors de l'Espagne. Une femme plus que sexy, Pepa, jouée par Carmen Maura, y est impliquée dans une affaire de terrorisme après que son amant, Yavan (Fernando Guillen) l'a quittée. Candela (Maria Barranco), la meilleure amie de Pepa, vient de se rendre compte que son amant était un terroriste chiite. Et l'ex-femme d'Ivan, Lucia (Julieta Serrano), sort de 20 ans d'asile psychiatrique. Trois folies, trois destins. Puis c'est Attache-moi!, en 199O, où Marina (Victoria Abril), actrice porno, est séquestrée par un inconnu orphelin de 23 ans sortant d'un centre social à la recherche d'une femme (Antonio Banderas, qui joua pour Almodovar dans Matador, La loi du désir, Femmes au bord de la crise de nerfs et Attache-moi). Parce qu'il est persuasif, Marina devient sa victime consentante. L'année suivante, Talons aiguilles est un succès et sa bande musicale est sur toutes les lèvres. Une chanteuse (Marisa Peredes) qui a abandonné jadis sa fille devenue présentatrice à la télé, Rebeca (Victoria Abril), s'accuse du meurtre commis par celle-ci sur la personne de son mari dont sa mère fut jadis amoureuse. Un étrange juge s'en mêle...). Puis c'est Kika, avec les costumes de Jean-Paul Gaultier, Victoria Abril en présentatrice télé et Veronica Forqué en esthéticienne hystérico-optimiste, dont Almodovar dira "J'ai construit délibérément Andréa comme un personnage déshumanisé, métaphore redoutable du média qu'elle représente".
Les scénarios suivants seront sans doute moins fantaisistes mais plus émouvants, même si la technique du puzzle ne lasse ni l'auteur ni son public "attaché". La fleur de mon secret est romanesque (Les déboires amoureux de Leo (Marisa Paredes), reine du roman à l'eau de rose). En Chair et en os également, où Le jeune Victor Plaza (Liberto Rabal), amoureux d'Elena (Francesca Neri) accusé d'avoir tiré sur un policier, apprend à sa sortie de prison qu'Elena a épousé le policier. Avec Tout sur ma mère, récompensé par le Prix de la mise en scène à Cannes, un Oscar et un César du Meilleur film étranger, le Golden Globe et sept Goya, Pedro Almodovar n'en est plus à imposer son style. Trois ans après, Parle avec elle, sur le silence des vivants, obtient également l'Oscar du Meilleur scénario, cinq prix EFA, deux BAFTA, le Nastro d'Argento, le César et nombre d'autres prix internationaux... sauf en Espagne! Almodovar revient en 2004 avec La Mauvaise éducation, présenté en ouverture du Festival de Cannes, où il semble régler frontalement ses souffrances d'adolescent chez les Pères. En juillet 2005 Pedro Almodovar tournera Volver, comédie dramatique où se croiseront trois générations de femmes: une grand-mère, sa fille (Pénélope Cruz, déjà apparue dans En chair et en os et à laquelle il avait donné un très beau rôle dans Tout sur ma mère) et sa petite fille, entre fantômes et tango.
Note : "Depuis mon enfance, j'ai une relation passionnée avec le cinéma. J'ai eu la vocation très tôt. J'ai toujours voulu faire des films. En tant qu'enfant, je pensais que les acteurs étaient le cinéma. Plus tard, j'ai découvert qu'il y avait beaucoup d'autres éléments autour d'eux. Des gens, par exemple qui inventaient une histoire et la racontaient. A partir de ce moment-là, j'ai décidé que ma vocation serait celle du narrateur, le maître du jeu, celui qui décide quelle histoire il veut raconter et comment la raconter. Bien que maintenant je sois réalisateur, je pense toujours que les acteurs sont la matière dont est fait le film. Ce sont eux qui matérialisent l'histoire, ils la portent et en font quelque chose de vivant et de réel. Je suis devenu réalisateur pour diriger les acteurs." Et les actrices, est-on tenté d'ajouter...
Filmographie : Longs métrages : Volver (2005), La Mauvaise éducation (2003), Parle avec elle (2002), Tout sur ma mère (1999), En chair et en os (1997), La Fleur de mon secret (1996), Kika (1993), Talons aiguilles (1991), Attache-moi! (1989), Femmes au bord de la crise de nerfs (1987), La Loi du désir (1986), Matador (1985), Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ca? (1984), Dans les ténèbres (1983), Le Labyrinthe des passions (1982), Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980).
Courts métrages : Folle...folle...folleme Tim! (1978), Salomé (1978), Sexo va, sexo viene (1977), Muerte en la carretera (1976), Sea caritativo (1976), Blancor (1976), La Caïda de Sodoma (1975), Homenaje (1975), El Sueno, o la estrella (1975), Dos putas, o historia de amor que termina en boda (1974), Film politico (1974).

Copyright © Michel Marx / La République des Lettres, jeudi 19 mai 2005

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