Charles Nodier

Charles Nodier

Conservateur à la Bibliothèque de l'Arsenal, brillant conteur, homme cultivé, lexicographe et initiateur du Romantisme français, Charles Nodier est resté ignoré de bons nombres d'histoires de la littérature du XIXe et XXe siècle.

L'occasion s'est imposée pour Honoré Champion de publier Promenade de Dieppe aux montagnes d'Ecosse, dans lequel Charles Nodier, pas encore entré au service de l'Arsenal relate ses souvenirs et impressions d'un voyage effectué en juin 1821. Cet ouvrage s'inscrit dans la lignée de la production antérieure de Nodier, composée essentiellement de volumes de souvenirs, épisodes autobiographiques mêlés à des épisodes historiques. Dans l'introduction, l'auteur de l'édition critique Georges Zaragoza, professeur de littérature comparée, souligne que le premier à avoir écrit sur le sujet est le zoologue Thomas Pennant, auteur de A Tour in Scotland, 1769 (Chester, 1771), suivi de peu par le docteur Johnson qui rend compte de son voyage dans A Journey to the Western Isles of Scotland (London, 1775). Les récits de voyage des Français sont redevables à Faujas de Saint-Fond, homme de science auteur de Voyage en Angleterre, en Ecosse et aux îles Hébrides, ayant pour objet les Sciences, l'Histoire naturelle et les Moeurs (Paris, 1797) et Pierre Nicolas Chantreau auteur de Voyage dans les trois royaumes d'Anglettere, d'Ecosse et d'Irlande (Paris, 1792). Difficile de ne pas déceler l'admiration que porte Nodier pour le romancier Walter Scott et le barde Ossian (James MacPherson) car ces deux derniers sont souvent cités dans le récit. Cela ne l'empêche pas de voir dans l'Ossian de Macpherson une supercherie littéraire. Quant à Scott, on sait qu'après son voyage en Ecosse il écrit de longs articles où il développe en même temps ses vues sur le roman historique, précisant sa position à l'égard du romantisme (cf. p. 157 notamment). Ces articles sont publiés dans les annexes du volume.

L'ouvrage de Charles Nodier est un pèlerinage littéraire vers les racines du roman historique afin de confronter la réalité aux livres dont il s'est abreuvé les années précédentes. Nodier est également l'un de ceux "qui inaugurent le voyage romantique; lecteurs attentifs des Rêveries de Rousseau, ils savent que ce sont les sensations qui comptent, que ce sont à travers elles que se font les vraies rencontres." (p. 16). La vision de Nodier est en ce sens impressionniste: "La vérité du fait n'a aucune réalité; seule existe la réalité de la perception qu'il en a". (p. 16) Ce voyage a non seulement été l'inspirateur de Promenade de Dieppe aux montagnes d'Ecosse mais aussi de deux contes et d'articles sur Walter Scott comme nous l'avons mentionné. Il fait précéder son récit d'une préface dans laquelle il prévient le lecteur "de rejeter cette brochure s'il est promis de lire un voyage; elle ne contient que les tablettes d'un homme qui passe rapidement dans un pays nouveau pour lui, et qui écrit ses sentiments plutôt que ses observations."(p. 23).

Le récit de voyage commence le 13 juin 1821 à Dieppe. Le premier chapitre est en fait une lettre envoyée à sa femme qu'il tenait au courant des détails de ses déplacements et des rigueurs du climat écossais et britannique. Pour Charles Nodier, la relation de cette promenade se fait sous la forme d'une "histoire de toute [s]es impressions" (p. 33). L'auteur livre ainsi ses commentaires et remarques sur Dieppe, Brighton, Londres, Edimbourg, etc. Au sujet d'Edimbourg, il explique sa vaine tentative de rencontrer le romancier Walter Scott sur son lieu de travail, au Palais de Justice. Certaines entrées du journal sont rédigées sous forme thématique. La section VI porte ainsi le titre de "Monuments", la section VII celui de "Les Docks-Greenvich" (ces immenses bassins où se rendent les vaisseaux), la section IX "Les musées". D'autres concernent plutôt des villes visitées comme Richmond (section IX) et Oxford (section X) où il commente les musées et bibliothèques. Parfois il fait référence aux caractéristiques géomorphologiques des villes comme aux grandes pièces d'architecture. En fait les chapitres thématiques adoptent à peu près la même démarche d'observations que celle des chapitres sur les villes mais en se concentrant sur des éléments précis du pays. Ainsi le chapitre XVI est consacré à la cathédrale de Glascow.

Le chapitre XXII est remarquable, d'une part parce que c'est l'un des plus longs dans le manuscrit d'origine, d'autre part parce qu'il traite d'entomologie et de botanique, deux des passions de Charles Nodier. Il cite des zoologues et botanistes connus en leur temps comme le docteur Hooker de Glascow que lui recommande le botaniste Bory de Saint-Vincent. De ce botaniste sont reproduites certaines planches comme celle comportant des bryophytes. Charles Nodier quant à lui décrit avec beaucoup de lyrisme les fleurs et plantes qu'il découvre dans le cadre de ses expéditions. Dans le chapitre XXIII intitulé "Le Lac Kattrine", l'auteur décrit la paysannerie et ses relations avec la batelière l'amène à évoquer la tradition orale d'Ecosse, rappelant ainsi sa sensibilité et son intérêt pour les traditions régionales.

L'édition critique fait mention des variations textuelles en note de bas de pages, présentant comme pour le chapitre XXI des versions plus longues et l'emplacement des chapitres (ou sections) dans le manuscrit d'origine, qui compte 120 pages. Il se penche aussi sur la graphie de Charles Nodier. Georges Zaragoza a aussi pu relever quelques erreurs factuelles, notamment au chapitre XXVI où il observe que la calligraphie de trop bonne qualité témoigne d'une rédaction postérieure au voyage et que le titre "Les Gypsies" est fort aléatoire.

Le récit est suivi de Voyages pittoresques et romantique dans l'ancienne France que Charles Nodier cosigne avec J. Taylor et Alph De Cailleux et de quelques lettres envoyées à sa femme Désirée, écrites notamment de Fécamp et probablement écrites en parallèle à son voyage. Les articles consacrés à Walter Scott, publiés à son retour, figurent également à la suite. L'ouvrage se termine par des éléments de bibliographie et un index des noms de personnes et de lieux.

Copyright © Jean Nicolas De Surmont / republique-des-lettres.fr, Paris, samedi 17 février 2007. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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