Aung San Suu Kyi

Aung San Suu Kyi

Fille du général Aung San (leader de la libération birmane et dirigeant national assassiné en 1947) et de la diplomate Daw Khin Kyi, Aung San Suu Kyi est née le 19 juin 1945 à Rangoon (Myanmar, anciennement Birmanie), peu avant que la Birmanie ne se libère de la tutelle colonisatrice de la Grande-Bretagne. Elle passe son enfance à Rangoon, puis son adolescence à New Delhi (Inde, où sa mère a été nommée ambassadrice de Birmanie en 1960), avant d'aller suivre des études de philosophie, d'économie et de sciences politiques au St. Hugh's College d'Oxford (Grande-Bretagne) de 1964 à 1967. Elle travaille ensuite à l'étranger, notamment comme secrétaire aux Nations Unies à New York, et épouse en 1972 le Dr. Michael Aris, un anglais spécialiste des civilisations tibétaines.

Aung San Suu Kyi partage dès lors sa vie entre le Royaume-Uni et le Bhoutan, pays où habite son mari, et donne naissance à deux enfants, Alexander en 1973, et Kim en 1977. En 1988, Aung San Suu Kyi retourne vivre en Birmanie pour s'occuper de sa mère malade. Cette même année, le général Ne Win, à la tête d'une junte militaire au pouvoir depuis 1962, doit démissionner. Des troubles éclatent dans le pays mais sont brutalement réprimés par l'armée avant qu'une nouvelle junte reprenne le pouvoir. Engagée dans la lutte pour la démocratie, Aung San Suu Kyi et ses amis politiques fondent alors, en septembre 1988, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). Influencée par la philosophie et les idées du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King, plébiscitée par la population, la secrétaire générale de la LND prône la non-violence pour renverser le régime en place et propose des réformes pour installer durablement la démocratie en Birmanie.

Le 20 juillet 1989, Aung San Suu Kyi est arrêtée. Les militaires lui offrent le choix entre quitter la Birmanie ou être emprisonnée. Elle décide de rester dans son pays et sera assignée à résidence dans sa villa du 54 rue de l'Université à Rangoun. La mesure n'empêche pas la LND de remporter 392 des 492 sièges en lice lors des élections de 1990, mais le régime au pouvoir refuse le résultat du scrutin et accentue la répression contre les opposants. La Ligue Nationale pour la Démocratie est autoritairement dissoute par la junte.

De sa résidence surveillée, Aung San Suu Kyi continue de lutter pour la paix et l'indépendance du pays, écrivant plusieurs discours et livres politiques. Elle devient aux yeux du monde la figure emblématique de l'opposition birmane à la dictature militaire. En 1990, elle reçoit le Prix Rafto pour les droits humains, puis en 1991 successivement le Prix Sakharov pour la liberté de pensée et le Prix Nobel de la paix. Avec l'argent du Prix Nobel (1,3 millions de dollars), elle crée un fonds pour un système de santé et d'éducation populaire.

En juillet 1995, Aung San Suu Kyi est libérée de sa détention surveillée mais elle sait que si elle quitte la Birmanie, pour rendre par exemple visite à ses enfants qui vivent avec leur père en Grande-Bretagne, elle ne pourra plus revenir. Le gouvernement multiplie les tracasseries administratives à son encontre, cherchant à lui faire quitter le pays, notamment lorsque son mari décède en 1999 à Londres. Interdite d'activité politique, elle est arrêtée à plusieurs reprises, emprisonnée de septembre 2000 à mai 2002, relâché sous pression des Nations Unies, puis réemprisonnée en 2003.

Le prix Olof Palme pour les Droits de l'homme lui est décerné en 2005. La junte militaire birmane prolonge tous les semestres son assignation à résidence malgré ses graves problèmes de santé. Tous ses moyens de communication (téléphone, courrier, internet, etc) sont filtrés ainsi que ses éventuels visiteurs. Aucun étranger ne peut la rencontrer.

Aung San Suu Kyi bénéficie malgré tout de nombreux soutiens dans le monde entier, notamment de l'ONU et de l'organisation Campagne pour une Birmanie libre (Free Burma Campaign). Le groupe rock irlandais U2 lui dédie la chanson Walk On, un film sur sa vie est réalisé par le cinéaste John Boorman (Au-delà de Rangoon, 1995), l'Université Libre de Bruxelles et l'Université catholique de Louvain lui octroient le titre de docteur honoris causa. En mai 2007, 57 dirigeants ou ex-dirigeants politiques -- entre autres Bill Clinton, Benazir Bhutto, Jimmy Carter, Vaclav Havel, Jacques Delors,.. -- adressent une lettre au chef de la junte birmane, le général Than Shwe, pour exiger la libération immédiate du "seul lauréat du prix Nobel de la paix emprisonné au monde". En septembre de la même année, elle sort brièvement pour saluer devant sa maison des moines bouddhistes qui manifestent contre le pouvoir en place, puis elle est de nouveau mise en prison et de nouveau réassignée à résidence.

Deux ans plus tard, la junte birmane l'accuse d'avoir enfreint les règles de son assignation à la suite de l'intrusion d'un Américain, John Yettaw (1), dans sa maison de Rangoon. Inculpée, elle écope en août 2009 d'une nouvelle condamnation à 18 mois de résidence surveillée, ce qui l'empêche de se présenter aux élections législatives de 2010.

Le 13 novembre 2010 -- une semaine après un simulacre d'élections remportées par le Parti de la Solidarité et du Développement de l'Union (USDP, une émanation des militaires au pouvoir) -- Aung San Suu Kyi est remise en liberté par le général Than Shwe.

Aujourd'hui âgée de 65 ans, Aung San Suu Kyi a été privée de liberté pendant plus de quinze ans depuis 1989. Quelque 2.200 opposants politiques restent encore prisonniers de la junte birmane.

Se libérer de la peur (Éditions des Femmes, 1991), Nationalisme et littérature en Birmanie (Éditions Olizane, 1996) et Ma Birmanie (Conversation avec Alan Clements, Éditions Hachette, 2008) sont les trois principaux livres d'Aung San Suu Kyi traduits en français. Parmi les essais et biographies qui lui sont consacrés (la plupart sont en anglais), citons entre autres Aung San Suu Kyi, demain la Birmanie de Jean-Claude Buhrer et Claude B. Levenson, et Aung San Suu Kyi, le jasmin ou la lune de Thierry Falise.

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Notes

1) Condamné à 7 ans de prison ferme pour ce délit, John Yettaw a été libéré quelques jours après le procès, à la suite d'une rencontre entre le sénateur démocrate Jim Webb, proche de Barack Obama, et le général Than Shwe.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, mercredi 10 août 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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