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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Pierre Bergé

Pierre Bergé

Réponse du berger à la bergère, les deux bronzes chinois vendus aux enchères lors de la dispersion de la collection Yves Saint-Laurent / Pierre Bergé organisée la semaine dernière à Paris par Christie's risquent bien de voir leur vente annulée. L'acquéreur, un collectionneur d'art chinois du nom de Cai Mingchao, par ailleurs Directeur d'une maison d'enchères basée à Xiamen (Chine), vient de se faire connaître aujourd'hui en indiquant qu'il ne paierait pas les deux trésors qui ont été adjugés 15,745 millions d'euros chacun. "Je ne payerai pas pour ces deux têtes. Je pense que chaque Chinois devrait en faire autant dans ce genre de situation, j'ai simplement accompli mon devoir", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Pékin.

Les deux bronzes -- une tête de rat et une tête de lapin d'une quarantaine de centimètres -- ornaient aux XVIIIe et XIXe siècles la fontaine zodiacale du Palais d'été de Pékin au sein d'un ensemble de douze têtes d'animaux du calendrier chinois. Ils ont été volés pendant la seconde Guerre de l'opium, lors du pillage de cette résidence de l'empereur par les troupes anglo-françaises, en octobre 1860 (cf. Lettre de Victor Hugo). Cinq des douze bronzes ont récemment été récupérés par Pékin grâce à l'intervention du Fonds du Patrimoine National de Chine -- un organisme semi-gouvernemental spécialisé dans la récupération d'oeuvres d'art volées -- auquel collabore Cai Mingchao. Le dernier rapatriement en date, une tête de cheval, a été acquis en décembre 2007 chez Sotheby's à Hongkong pour la somme de 8,8 millions de dollars grâce à un "geste patriotique" du milliardaire des casinos de Macao, Stanley Ho.

Les têtes de rat et de lapin en possession de Pierre Bergé ont quant à elles fait l'objet d'une intense polémique lors de leur mise sur le marché par Christie's, le gouvernement chinois ayant fait savoir via des avocats de l'Association pour la Protection de l'Art chinois en Europe (APACE) qu'il s'opposait à leur vente et réclamait leur retour à Pékin. L'Administration Nationale du Patrimoine Culturel (ANPC) a déclaré trouver "inacceptable qu'une compagnie étrangère mette aux enchères des biens historiques chinois pillés et sortis illégalement du pays", ajoutant qu'elle ne débourserait pas un yuan pour racheter des biens qui lui appartiennent. Pierre Bergé, avec toute la suffisance qu'on lui connaît, a jeté de l'huile sur le feu en proposant de rendre gracieusement les pièces volées si le gouvernement chinois s'engageait à "respecter les Droits de l'homme, à donner l'indépendance au Tibet et à reconnaître le Dalaï Lama". Une proposition qualifiée de "chantage" par Pékin qui a jugé "tout simplement ridicule [...] de violer le droit à la culture du peuple chinois au nom des Droits de l'homme". "Dans l'histoire moderne, les puissances impérialistes occidentales ont pillé beaucoup d'objets artistiques chinois au Palais d'été et ils doivent revenir en Chine", a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. La presse chinoise a pour sa part dénoncé la "barbarie" des occidentaux qui ont mis à sac l'ancien Palais d'été: "Ceux qui ont pillé et mis le feu au jardin de tous les jardins ont envers le peuple chinois une lourde dette, non seulement à cause de la valeur réelle des biens qu'ils ont volés ou détruits, mais aussi en termes de moralité et de justice."

L'avenir des deux bronzes de Pierre Bergé est pour le moment incertain. "Il s'agit d'une méthode exceptionnelle face à une situation exceptionnelle, qui a réussi à empêcher la vente", a indiqué M. Niu Xianfeng, directeur Fonds du Patrimoine National de Chine. Bien que M. Cai Mingchao ait remporté l'enchère, il n'a en effet pas encore validé le paiement. Tant qu'il ne dépasse pas le délai légal pour régler son dû, le résultat de la vente reste inconnu. Au-delà, les pièces seront cédées à la personne qui a enchéri derrière lui ou retourneront chez Pierre Bergé qui pourra alors les remettre en vente ou négocier avec la Chine. La vente du siècle de Christie's, qui a rapporté en quatre jours 373,5 millions d'euros à la Fondation Pierre Bergé / Yves Saint-Laurent devra alors revoir son record à la baisse.
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Lettre de Victor Hugo au capitaine Butler sur le pillage du Palais d'été de Pékin:

Hauteville House, 25 novembre 1861

Selon vous, l'expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l'empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l'Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d'approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française. Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici: il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde; cette merveille s'appelait le Palais d'été. Cette merveille a disparu. Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d'été. L'un a pillé, l'autre a incendié. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n'égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l'Orient. Il n'y avait pas seulement là des chefs-d'oeuvre d'Art, il y avait un entassement d'orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres; et l'on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l'histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée. En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate. Telle est, monsieur, la quantité d'approbation que je donne à l'expédition de Chine.

Victor Hugo

• Extrait de Nora Wang, Ye Xin et Wang Lou, Victor Hugo et le sac du Palais d'été (Les Indes savantes, You Feng, 2003).

Copyright © Laura Pujol / La République des Lettres, Paris, lundi 02 mars 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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