Olympe de Gouges   |   Olympe de Gouges
La République des Lettres

Olympe de Gouges

Olympe de Gouges

Biographie : Qui est Olympe de Gouges ?

Par Mélanie Wolfe / La République des Lettres, dernière mise à jour le mardi 28 octobre 2008.

Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, est née à Montauban le 7 mai 1748. Son père légal, Pierre Gouze, est boucher. Sa mère, Anne-Olympe Mouisset, fille d'un drapier aisé de la ville, aurait longtemps entretenu une liaison avec son parrain, Jean-Jacques Lefranc de Caix, Marquis de Pompignan, président de la Cour d'Assises de Montauban, poète membre de l'Académie Française et futur auteur d'une pièce à succès intitulée Didon. Jean-Jacques Lefranc serait en réalité le véritable père d'Olympe de Gouges mais il n'a jamais formellement reconnu l'enfant (Plus tard, à la suite d'une rumeur laissant entendre qu'elle serait même une "bâtarde" de Louis XV, Olympe répondra qu'elle n'est "point fille de roi mais d'une tête couronnée de lauriers").
Marie Gouze passe son enfance à Montauban où elle reçoit l'éducation traditionnelle alors octroyée aux jeunes filles de la petite bourgeoisie de province. En 1765 elle épouse sans grand enthousiasme Louis-Yves Aubry, traiteur de l'Intendant Alexis de Gourgues. Un fils, Pierre Aubry, naît en 1766 de leur union mais le père décède peu après des suites d'une maladie. Âgée de vingt ans, Marie souhaite se consacrer aux Lettres mais inconnue, n'appartenant pas à la noblesse et ne disposant d'aucune fortune personnelle, il lui faut conquérir une liberté que l'époque n'accorde guère aux femmes. En 1770, elle fait la connaissance de Jacques Biétrix de Rozières, riche toulousain propriétaire d'une compagnie de transports militaires, qui devient son amant. Il la demande en mariage mais elle préfère rester célibataire, déçue par sa première expérience conjugale -- elle écrira plus tard que "le mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour". Elle décide de le suivre à Paris où vit déjà sa soeur aînée (Jeanne, épouse Reynard), afin de donner la meilleure éducation possible à son fils. Grâce à la rente financière que lui alloue Jacques Biétrix, elle commence à mener une vie mondaine, apprend le français "correct" (sa première langue est l'occitan), fréquente les salons en vue où elle a bientôt de nombreux admirateurs, fait la courtisane (certains de ses détracteurs, tels Restif de la Bretonne, prétendront qu'elle se prostituait) et rencontre les hommes de lettres de la capitale. Elle figure bientôt dans L'Almanach de Paris qui répertorie les personnes dites "de condition". Vers la trentaine, elle renonce aux mondanités et commence à cotoyer un cercle d'intellectuels où évolue son nouvel ami, Louis-Sébastien Mercier. Elle prend le nom d'Olympe de Gouges pour signer ses premiers écrits qui commenceront à paraître en 1784.
Ses articles, romans et surtout pièces de théâtre -- elle dirigera même un temps sa propre petite troupe de théâtre -- témoignent d'un profond humanisme et sont tous empreints des idées nouvelles qui forment le terreau de la Révolution. En 1785, l'une de ses pièces, Zamore et Mirza ou l'heureux naufrage, est inscrite au répertoire de la Comédie Française mais les comédiens refusent de la jouer sous un prétexte dilatoire. En réalité la pièce, très audacieuse pour l'époque, critique le Code Noir alors en vigueur dans les colonies françaises et donne la parole à des esclaves Noirs. Olympe de Gouges fait pour cela l'objet d'une lettre de cachet, révoquée toutefois grâce à l'intervention de ses protecteurs. La pièce, rebaptisée L'Esclavage des Noirs, ne sera montée et republiée qu'en 1788, accompagnée d'un essai-manifeste pour l'abolition de l'esclavage intitulé Réflexions sur les hommes nègres. Deux ans plus tard elle intentera un procès à la Comédie Française après un nouveau retrait de sa pièce, procès qui aboutira à une reconnaissance plus importante des droits des auteurs face aux comédiens jusqu'alors tout-puissants du Théâtre Français.
En 1788, Olympe de Gouges publie plusieurs articles dont une Lettre au peuple dans le Journal Général de France où elle appelle à des réformes politiques, économiques et sociales radicales. L'année suivante, alors que la Révolution gronde, elle multiplie les libelles politiques. Elle ne s'engage pas en faveur d'une révolution sanglante, défendant le principe d'une monarchie constitutionnelle, mais prône de nombreuses réformes très en avance sur son temps: la liberté d'expression, l'égalité des sexes, l'instauration du divorce, l'abolition de l'escalavage et de la peine de mort, la création d'un impôt sur les revenus des plus riches, la distribution des terres en friche à des paysans ou des coopératives, la mise en place d'un tribunal populaire pour tous, la création de maternités et de foyers solidaires pour les plus démuni(e)s, etc. Beaucoup de ses propositions novatrices devront attendre le XXe siècle pour voir le jour. Lors des réunions des Etats Généraux, la tribune de l'Assemblée n'étant pas ouverte aux femmes, et faute d'autorisation pour éditer son propre journal, L'Impatient, elle fait imprimer et diffuser des milliers de tracts et d'affiches exposant ses thèses. Elle assiste aux débats de l'Assemblée Nationale dans les tribunes des Jacobins. Elle séduit Mirabeau par son dynamisme mais elle se fait aussi beaucoup d'ennemis. Après la prise de la Bastille, elle publie Séance Royale ou Les songes patriotiques dans lequel elle incite le Roi Louis XVI à abdiquer en faveur d'un Régent, Philippe d'Orléans. Inquiète des répercussions de ce texte elle en écrit un autre, cette fois contre le duc d'Orléans, ce qui vaut à son fils d'être renvoyé de son emploi d'ingénieur au service du cousin du roi (Il deviendra par la suite adjudant général dans l'armée et Napoléon Bonaparte le chargera en 1802 du commandement d'une brigade en Guyane où il décèdera rapidement de la malaria).
En 1791, Olympe de Gouges publie un texte radicalement féministe intitulé Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dédiée à la reine Marie-Antoinette et pendant polémique de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Elle y proclame notamment le droit des femmes à devenir des citoyennes égales aux hommes en matière civile et politique. Jusqu'à la chute du Roi, elle soutient l'idée d'une monarchie constitutionnelle pour la France, exprimant encore son point de vue au printemps 1792 dans un essai dédié à Louis XVI, L'Esprit français. Au premier jour de l'an I de la République (21/09/1792), Olympe de Gouges rejoint le mouvement modéré des Girondins. Abhorant la peine de mort, elle propose son aide à Malesherbes pour assister le Roi dans son procès devant la Convention. Vivement opposée au régime de la Terreur, elle signe aussi une affiche contre Robespierre et Marat qu'elle accuse d'être responsable des effusions de sang. Fidèle à ses principes humanistes, elle y déclare que "Le sang même des coupables, versé avec profusion et cruauté, souille éternellement les révolutions". Après la mise en accusation du parti girondin, elle adresse au président de la Convention une lettre où elle s'indigne de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques. Elle continue de s'exprimer publiquement alors qu'elle fait l'objet de menaces et que la sanglante guillotine de la Terreur coupe les têtes à plein régime.
Le 20 juillet 1793, alors qu'elle diffuse son pamphlet intitulé Les Trois urnes, Olympe de Gouges est arrêtée et emprisonnée à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Elle est accusée d'injures envers les représentants du peuple et de publication d'écrits contre-révolutionnaires. De sa cellule, elle parvient à faire afficher deux derniers libelles, Une patriote persécutée et Olympe de Gouges au tribunal révolutionnaire, mais tous ses amis se cachent ou la renient. Sous la pression, son propre fils, Pierre Aubry de Gouges, la renie publiquement dans une "profession de foi civique". Le 2 novembre, elle comparaît devant le Tribunal révolutionnaire. Elle tente vainement d'expliquer que son combat humaniste s'inscrit au coeur même de la Révolution mais elle est condamnée à mort et guillotinée le lendemain matin. C'est la seconde femme guillotinée de l'histoire de France après Marie-Antoinette. Sa nécrologie, rédigée dans Le Moniteur par Chaumette, procureur de la Commune de Paris, commence par ces termes: "Rappelez-vous l'impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes et abandonna les soins du ménage pour se mêler de la République et dont la tête est tombée sous le fer vengeur des lois...".
Victime en son siècle de ses prises de position contre les dérives de la Révolution, puis victime encore pendant près de deux siècles d'intellectuels misogynes qui la peignirent comme illettrée et exaltée, Olympe de Gouges fait aujourd'hui l'objet d'une réhabilitation. Des historiens et des féministes s'attachent à revisiter le rôle et la personnalité de cette première grande avocate de l'émancipation des femmes. Sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne -- qui ne fût republiée en version complète qu'en 1986 (par Benoîte Groult) -- est depuis les célébrations du bicentenaire de la Révolution française largement diffusée. Pendant la campagne présidentielle de 2007, la candidate Ségolène Royal s'est même engagée en cas d'accession à la Présidence de la République, à transférer ses cendres au Panthéon.
Olympe de Gouges laisse derrière elle quelque soixante-dix ouvrages (romans, pièces de théâtre, pamphlets, essais, manifestes, libelles,..), chronique sans équivalent de la Révolution Française et de la naissance du féminisme. En voici les principaux titres: Mémoire de Madame Valmont (1784), Lettre à la Comédie-Française (1785), Le mariage inattendu de Chérubin (1786), L'Homme généreux (1786), Zamore et Mirza (1788), Le Philosophe corrigé (1787), Molière chez Ninon (1787), Bienfaisance (1788), Réflexions sur les hommes nègres (1788), Lettre au Peuple (1788), Remarques patriotiques (1788), Le bonheur primitif de l'homme (1789), Dialogue allégorique entre la France et la Vérité (1789), Le cri du sage (1789), Avis pressant (1789), Pour sauver la patrie (1789), Mes voeux sont remplis (1789), Discours de l'aveugle aux Français (1789), Séance royale (1789), Lettre à Monseigneur le duc d'Orléans (1789), Projet d'un second théâtre et d'une maternité (1789), L'ordre national (1789), Lettre aux représentants de la Nation (1789), Action héroïque d'une Française (1789), Le Contre-poison (1789), Lettre aux rédacteurs de la Chronique de Paris (1789), Réponse au Champion américain (1790), Lettre aux littérateurs français (1790), Les Comédiens démasqués (1790), Départ de M. Necker et de Mme de Gouges (1790), Projet sur la formation d'un tribunal populaire (1790), Le Marché des Noirs (1790), Le nouveau Tartuffe (1790), Les Démocrates et les aristocrates (1790), La Nécessité du divorce (1790), Le Couvent (1790), Bouquet national dédié à Henri IV (1790), Le Tombeau de Mirabeau (1791), Adresse au roi, à la reine, au prince de Condé (1791), Sera-t-il roi ne le sera-t-il pas ? (1791), Observations sur les étrangers (1791), Repentir de Madame de Gouges (1791), Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), Mirabeau aux Champs Élysées (1791), L'Esclavage des Noirs (1792), Le Prince philosophe (1792), La France sauvée (1792), Le Bon Sens du Français (1792), Lettre aux rédacteurs du Thermomètre du Jour (1792), L'Esprit français (1792), Grande éclipse du soleil jacobiniste et de la lune feuillantine (1792), Lettre aux Français (1792), Lettres à la reine, aux généraux de l'armée, aux amis de la constitution et aux Françaises citoyennes (1792), Pacte national (1792), Lettre sur la mort de Gouvion (1792), Aux Fédérés (1792), Le Cri de l'innocence (1792), La Fierté de l'innocence (1792), Les Fantômes de l'opinion publique (1792), Réponse à Maximilien Robespierre (1792), Pronostic sur Maximilien Robespierre (1792), Correspondance de la Cour (1792), Mon dernier mot à mes chers amis (1792), Olympe de Gouges défenseur officieux de Louis Capet (1792), Adresse au don Quichotte du Nord (1792), Arrêt de mort contre Louis Capet (1793), Complots dévoilés des sociétaires du prétendu théâtre de la République (1793), L'Entrée de Dumouriez à Bruxelles (1793), Olympe de Gouges à Dumouriez (1793), Avis pressant à la Convention (1793), Testament politique (1793), Les Trois Urnes (1793), Une patriote persécutée (1793), Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire (1793), Dernière lettre à son fils (1793), Le Prélat d'autrefois (posthume, 1794).

Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne
par Olympe de Gouges

À décréter par l'Assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de la prochaine législature.
Préambule. Les mères, les filles, les soeurs, représentantes le la Nation, demandent d'être constituées en assemblée nationale. Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamation des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes moeurs, et au bonheur de tous.
En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.
Article 1. La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.
3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et de l'Homme; nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
4. La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.
5. Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société; tout ce qui n'est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elles n'ordonnent pas.
6. La loi doit être l'expression de la volonté générale; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement; ou par leurs représentant, à sa formation; elle doit être la même pour tous; toutes les citoyennes et les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités; et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
7. Nulle femme n'est exceptée; elle est accusée, arrêtée et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse.
8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.
9. Toute femme étant déclarée coupable; toute rigueur est exercée par la Loi.
10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales. La femme a le droit de monter sur l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la Loi.
11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité; sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
12. La garantie des droits de la femme et de la citoyenne nécessite une utilité majeure; cette garantie doit être institué pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de celles à qui elle est confiée.
13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.
14. Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l'admission d'un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l'administration publique, et de déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée de l'impôt.
15. La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public: de son administration.
16. Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution; la Constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à la rédaction.
17. Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés; elles sont pour chacun un droit inviolable et sacré; nul ne peut en être privé comme vrai patrimoine de la nature, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.