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Conférence d'Annapolis

Conférence d'Annapolis

Conférence d'Annapolis : derrière la photo de George W. Bush.

George W. Bush réunit l'ensemble de la planète pour une conférence d'une journée à Annapolis avec l'objectif de résoudre un conflit israélo-palestinien plus que jamais radicalisé depuis ses sept années de soutien indéfectible à la politique israélienne. Chaque participant, à commencer par les premiers concernés, Mahmoud Abbas pour le camp palestinien et Ehud Olmert pour le camp israélien, sait très bien que cette réunion "pour la paix" n'est qu'une opération vide de sens et de contenu destinée à embellir l'image de l'homme le plus haï de la planète. La plupart des diplomates engagés dans la rencontre en conviennent d'ailleurs ouvertement. À un an de la fin de son mandat, après avoir mis toute une partie du Proche et du Moyen-Orient à feu et à sang au nom de sa sacro-sainte "lutte contre le terrorisme", après le désastre de son aventure guerrière en Irak, George W. Bush continue ainsi à se présenter en homme de paix et de bonne volonté. Sous le cartouche "Conférence d'Annapolis du 27 novembre 2007" de son album présidentiel, il ajoute une jolie photo où on peut le voir en compagnie de tous les dirigeants de la planète, européens, chinois, russes... et surtout arabes, car il faut bien entendu le marteler, George Bush junior est un grand ami du monde arabo-musulman. Même la Syrie de Bachar al-Assad a eu droit à son carton d'invitation pour Annapolis, il est vrai au prix de quelques compromis comme entre autres la promesse de parler du Golan, occupé par Israël. Qui pourra l'accuser après cela de n'avoir rien fait pour la paix israélo-palestinienne ? N'est-il pas de plus le premier président américain à avoir eu la "vision" d'un Etat palestinien qui vivrait "côte à côte, en paix et en sécurité" avec Israël ?
Bien entendu, ne manquent à Annapolis que les méchants, ceux qu'il convient à tout prix d'isoler et de diaboliser afin de mieux les éliminer, les "terroristes" et les "extrêmistes", c'est-à-dire notamment le Hamas, le Hezbollah et l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad, qui risqueraient à coup sûr de voiler la photo. Malheureusement pour George W. Bush, Ehud Olmert, Mahmoud Abbas et tous les autres dirigeants réunis plus ou moins contraints et forcés au chevet du Proche-Orient, ce sont sans doute eux qui, au premier rang de la lutte pour la création d'un véritable Etat palestinien, détiennent la solution pour régler un conflit israélo-palestinien vieux de soixante ans.
Sur le terrain, que ce soit à Ramallah, à Gaza ou à Jérusalem, les populations sont elles aussi loin d'attendre un quelconque résultat de la Conférence d'Annapolis. Au contraire, les discours radicaux sont plus violents que jamais, les juifs se précipitant en masse pour créer de nouvelles colonies illégales en Cisjordanie et les islamistes fomentant de nouvelles actions de résistance avec la seule arme à leur disposition, l'attentat terroriste. Les palestiniens surtout n'ont plus aucun espoir, après quarante années d'appartheid, d'humiliations quotidiennes et d'occupation illégale de leur territoire par Israël, des centaines d'accords et de promesses non tenus, des dizaines de conférences internationales aussi inutiles que celle d'Annapolis, des dizaines de milliers de prisonniers politiques et autant de morts tombés sous les obus israélo-américains. Après surtout la politique menée toute en faveur d'Israël par George W. Bush depuis la deuxième Intifada déclenchée en 2000, en toute connaissance de cause, par le boucher de Sabra et Chatila Ariel Sharon. Depuis cette date, le président américain n'a eu en effet de cesse d'envenimer directement ou indirectement le conflit, écartant et diabolisant d'abord Yasser Arafat -- qui était pourtant parvenu à rassembler le peuple palestinien et à négocier un véritable accord de paix avec Ehud Barak sous la présidence de Bill Clinton -- s'attaquant ensuite à Mahmoud Abbas et, sous des discours de façade, oeuvrant en réalité à tous les niveaux politiques, diplomatiques, économiques et même militaires pour satisfaire les désirs des dirigeants extrêmistes israéliens au détriment des palestiniens. Aujourd'hui, alors que le cycle de violences, de guerres de tranchée et de haines atteint un point de non-retour dans tout le Proche-Orient, alors que les mouvements radicaux et fondamentalistes du monde arabo-musulman se sont développés comme jamais, c'est le même homme qui prétend faire oeuvre de paix en organisant cette Conférence d'Annapolis. Conférence vouée à l'échec tant Mahmoud Abbas, Ehud Olmert et lui-même -- il est crédité d'à peine 30% de cote de popularité en son pays -- sont affaiblis et incapables de négocier quoi que ce soit de sérieux.
Pour qu'un espoir de paix advienne dans la région, pour que de véritables négociations s'engagent et pour qu'un Etat palestinien viable vivant "côte à côte, en paix et en sécurité" avec Israël naisse, il faut au contraire à l'évidence que George W. Bush soit écarté du jeu. Son départ de la Maison Blanche l'année prochaine ne pourra qu'être bénéfique à tout le monde.

Copyright © N. B. / La République des Lettres, mardi 27 novembre 2007

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