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La République des Lettres

Biographie Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud
Une saison en enfer

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0056-8
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
Disponible chez • AmazoniTunes

Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville (Ardennes).

Il est le deuxième enfant d'une paysanne, Vitalie Cuif, venue vivre à Charleville, et d'un militaire qui longtemps servit en Afrique, le capitaine Frédéric Rimbaud. Arthur a un frère aîné, Frédéric. Deux soeurs, Vitalie et Isabelle, compléteront cette famille vite appelée à se défaire.

La capitaine abandonne son foyer. Les enfants désormais vivent sous la sévère tutelle de leur mère, que Rimbaud appelle la "mère Rimbe", "la daromphe" (du féminin de daron: le maître, en argot) ou la "bouche d'ombre" en souvenir du poème homonyme de Victor Hugo. Petite ville, petits esprits. Comment se sortir de ce monde du second Empire sur lequel Napoléon III, surnommé Badinguet par les républicains, exerçait son pouvoir ?

Rimbaud découvre le milieu scolaire et, par là, paradoxalement, une certaine forme d'évasion, celle qui passe par les livres et les langues. Il s'évade dans les narrations qu'on lui donne à faire et surtout dans ces étranges compositions en vers latins, exercices imposés aux collégiens de cette époque. Il brille dans ces morceaux imitatifs où, à sa manière, il réinvente le langage. On reconnaît ses mérites, et pour la première on le publie (en latin) dans le très sérieux Bulletin de l'Académie de Douai. Puis ce sont ses premiers poèmes en langue française, Les Étrennes des orphelins, pour citer celui que La Revue pour tous fait paraître en ses pages au début de l'année 1870.

Rimbaud s'inspire de Victor Hugo, de François Coppée, des Parnassiens qui représentent alors le mouvement poétique en vogue. Bientôt il témoigne d'un sentiment plus personnel. Il narre une imaginaire promenade amoureuse, évoque la "sensation" d'un soir d'été, ou s'attache à caricaturer les bourgeois qui, chaque dimanche, viennent écouter l'orphéon militaire square de la Gare. Un jeune professeur l'encourage, Georges Izambard.

L'Histoire fait des siennes. La guerre franco-prussienne est déclarée en juillet 1870. Deux mois plus tard vient la débâcle, la chute de Sedan marque la fin de l'Empire et l'avènement de la troisième République. Les Prussiens continuent d'occuper le pays. Arthur Rimbaud fugue par deux fois, en septembre et en octobre. D'abord à Paris, où il est arrêté dès son arrivée gare du Nord et conduit à la prison de Mazas pour avoir pris le train sans titre de transport. Il en sera libéré grâce à Izambard, rejoindra Douai où celui-ci villégiaturait chez ses tantes. Là il met au point les premiers éléments d'un recueil qu'il destine à Paul Demeny, poète "imprimé" dans la capitale, malgré la médiocrité de ses textes, et familier d'Izambard. La seconde fugue de Rimbaud, après un court retour à Charleville, le conduit dans le Nord (Fumay, Givet, Charleroi où il comptait faire du journalisme, Bruxelles, Douai enfin, toujours dans le havre des tantes Gindre.

De nouveau à Charleville durant l'hiver 1870-1871, il est livré à lui-même. Le collège, converti en infirmerie, a fermé ses portes. Rimbaud flâne avec des amis, notamment le fidèle Ernest Delahaye. À la bibliothèque il observe les "assis"; sur la frontière il se moque des "douaniers". Période de "grandes vacances" où il affermit sa poésie qui prend l'accent d'une rébellion. Une nouvelle fugue lui fait atteindre Paris en février 1871. Il traîne dans la ville surexcitée contre le gouvernement réfugié à Versailles qui a signé un armistice que beaucoup estiment déshonorant.

À peine est-il revenu que la Commune est proclamée (le 18 mars). C'est l'occasion pour lui d'affirmer sa nouvelle conception de la poésie dans les lettres dites du "voyant" (13 et 15 mai) où il définit le futur poète comme un "voleur de feu". Il faut trouver l'inconnu par le "long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens". Pour cela, une méthode infaillible: s'encrapuler, c'est-à-dire aussi bien se conduire de manière scandaleuse que bouleverser le langage, le défigurer. Il assure également que "Je est un autre", formule magnifique, mais qui demeure mystérieuse. Quel est l'autre du Je ? Sans doute notre vérité secrète, le génie qui revient à chacun de nous. L'essentiel de Rimbaud se trouve là, dans cette annonce de libération intime qui transforme la personne humaine et simultanément la parole. Il n'y aura de poésie qu'à ce prix, lorsque est recherchée un peu plus que la beauté, lorsqu'on désire "changer le monde" ou "réinventer l'amour".

Bientôt, il écrit à Paul Verlaine, lui envoie des poèmes, et Verlaine, son aîné de dix ans (Rimbaud est alors âgé de de 17 ans à peine), l'invite à Paris. Il prend le train avec, en poche, son plus célèbre poème, Le Bateau ivre. À Paris, quoique bien accueilli, il provoque les gens qu'il fréquente par son impertinence majeure. Une lecture à l'un des "Dîner des Vilains Bonshommes", où il scande de "merde" répétés la récitation d'un sonnet fait par un piètre poète, manque se terminer par l'assassinat de Carjat, un journaliste-photographe qui venait de l'insulter.

Quelque temps, Rimbaud occupe le local des Zutistes, une sorte de club littéraire fondé par Charles Cros. Il y cohabite avec le musicien famélique Ernest Cabaner. Plusieurs témoignages sur cette période d'octobre-décembre 1871 resteront, notamment l'Album zutique empli de poèmes drolatiques d'une inspiration fort libre (il y signe quelques pièces comme les Remembrances du vieillard idiot) et une grande toile de Fantin-Latour, Coin de table, où on le voit en compagnie de Verlaine et de quelques autres (mais non d'Albert Mérat, d'abord représenté, puis effacé par le peintre: Mérat, à la suite de l'altercation Carjat ne voulant pas figurer sur une peinture de groupe en compagnie de Rimbaud).

Personne ne trouve grâce aux yeux de l'adolescent frondeur qui s'emploie malignement à détruire le ménage que Verlaine formait avec Mathilde. Une première fois cependant, il doit retourner dans ses Ardennes natales, Verlaine refusant de défaire son couple. En cette période, de mars à début mai 1872, il semble que Rimbaud ait composé certains poèmes fort simples de facture, inspirés par une sorte de mystique "néante": La Rivière de Cassis, Larme, etc. Il est possible aussi qu'il ait rédigé cette fameuse Chasse spirituelle dont Verlaine parlera par la suite, mais qu'il ne parviendra pas à récupérer.

En mai 1872, Rimbaud revient à Paris. Ses relations homosexuelles avec Verlaine font peu de doute, et ce dernier en témoignera vertement dans un poème "privé", Le Bon disciple. Rimbaud loge alors en plein quartier Latin, rue Monsieur-le-Prince (d'où il adresse à Demeny la fameuse lettre de "jumphe" qui détaille son emploi du temps quotidien), puis à l'Hôtel de Cluny, près de la Sorbonne. Il fréquente Jean Richepin, Louis Forain, vit en pleine bohême et s'enivre d'absinthe. Finalement, il parvient le 7 juillet à entraîner Verlaine dans une aventure qu'il veut être celle de la poésie.

Les deux hommes quittent la France. On les voit en Belgique où, le 21 juillet, Mathilde vient en vain pour rappeler à elle le mari prodigue, puis à Londres, à partir de septembre. Ils fréquentent les Communards exilés et succèdent à Eugène Vermersch -- qui dirige alors le Qui Vive -- dans un appartement du 34 Howland Street. Rimbaud tient entièrement sous son emprise son compagnon, qu'il nomme alors "le pitoyable frère". Lui-même est passionnément, mais obscurément à la recherche du "lieu et de la formule". Leur existence durant ce temps pose d'ailleurs plus d'une énigme, mais on la sent dominée par une exigence d'absolu, comme si à force de vie, de poésie, de désordre également et d'anomalies, la vérité pouvait être trouvée "dans une âme et un corps".

L'année 1873, à Londres, passera comme un mauvais rêve, éclairé parfois de phénoménales lueurs, d'intuitions magiques. Plusieurs fois le couple se sépare, notamment en avril où Verlaine tente de renouer avec sa femme, sans succès, puis s'en va vivre chez sa tante Evrard à Juniville dans le Luxembourg belge, cependant que Rimbaud rejoint la ferme familiale de Roche et trace les premiers linéaments d'un "Livre païen" ou "Livre nègre" dont on devine qu'il s'agit de la future Saison en enfer.

Revenus à Londres l'un et l'autre, ils se désunissent à nouveau début juillet. Verlaine à Bruxelles veut s'engager chez les Carlistes ou se donner la mort. Il fait signe à Rimbaud, qui le rejoint. Ce sera le drame bien connu, trop connu, de leurs retrouvailles au cours desquelles Verlaine, irrité de la conduite de son compagnon (dont il pressent qu'il va être abandonné), le blesse d'une balle de pistolet le 10 juillet. Arrestation. Emprisonnement.

Rimbaud, quant à lui, regagne les Ardennes sans assister au procès. On sait simplement qu'il a officiellement retiré sa plainte. De retour dans le pauvre village de Roche, un véritable "trou", il y achève Une Saison en enfer, sorte de "prodigieuse autobiographie psychologique" aux dires de Verlaine. Tout en reniant l'Occident, le Christianisme et la loi du baptême, tout en se voulant "nègre" s'opposant aux Blancs misérablement civilisés, c'est-à-dire abêtis, asservis, il mesure ce que la vie lui réserve; ses vingt ans devront entrer dans le monde du travail, connaître la loi du service militaire, participer à la vie du citoyen. Au cours des pages qu'il écrit dans la fièvre, il se cabre contre de telles nécessités, nous donnant ainsi une merveilleuse leçon de violence adolescente au nom d'une poésie à vivre. Dans Alchimie du verbe en effet, il conteste maintenant ce qu'il a pu écrire jusque-là, notamment ses poèmes datables de l'année 1872 où l'influence de Verlaine n'était pas négligeable.

Imprimé en Belgique, à Bruxelles, grâce aux deniers de sa mère, et sorti des presses de l'Alliance typographique (Poot et Cie) spécialisée dans les publications judiciaires, le livre ne sera pas distribué. Rimbaud vient prendre une demi-douzaine d'exemplaires, en dépose un à la prison des Petits-Carmes pour Verlaine, distribue les autres à des amis et laisse le reste (environ 480 opuscules) dans les locaux de Jacques Poot où on les retrouvera intacts en 1900.

En 1874, il revient à Londres en compagnie d'un jeune poète, Germain Nouveau. Celui-ci n'y demeurera que trois mois. Il semblerait qu'à cette époque Rimbaud ait mis la dernière main à un autre recueil dont le seul Verlaine nous livrera le titre hypothétique: Illuminations et le sous-titre évidemment anglais: Coloured Plates ou Painted Plates. Il s'agit de quelque cinquante poèmes en prose d'une pureté et d'une nouveauté bouleversantes. Ils laissent entrevoir plusieurs projets inaboutis où il n'est pas difficile de percevoir la création presque projectionnelle (comme par la projection d'un film) de divers univers où l'homme serait requalifié, les paysages changés, l'amour réellement inventé; la formulation excède la raison. Il faut constater ici une sorte de phénomène; les Illuminations sous notre regard de lecteur se réalisent, deviennent vraies; elles nous transmettent un pouvoir, changent nos mesures mentales.

Rimbaud, cependant, en possession momentanée de toutes les magies, semble avoir coupé court. Dégoût ? Pressentiment de ses limites ? Idée que "l'art est une sottise" (comme le porte l'un des brouillons d'Une Saison en enfer) ? Désormais, une vie d'incroyable vagabondage le réclame, avec l'idée de trouver un emploi dans ce monde moderne: ingénieur, recruteur, voyageur, agent de cirque, mercenaire. On le verra successivement dans tous ces rôles en Europe et même à Java, qu'il atteint en 1876 avec d'autres légionnaires volontaires recrutés par l'armée coloniale holandaise. Il déserte, revient sous un nom d'emprunt, Edwin Holmes, à bord d'un bateau de faible tonnage qui manque naufrager.

La suite de ces pérégrinations le mènera par deux fois à Chypre, en 1879 et 1880. Il doit interrompre ce deuxième séjour pour une cause qui reste peu claire, mais on peut croire qu'il prit la fuite à la suite de la mort, accidentelle ou motivée, de l'un des ouvriers qu'il avait sous sa coupe. Après avoir fait escale dans plusieurs ports de la mer Rouge, il se fixe à Aden où, pour le compte de l'agence des frères Bardey, il surveille un atelier de trieuses de café. Mais très vite il va servir, comme employé d'abord, comme directeur ensuite, dans leur factorerie de Harar, cette importante ville de quarante mille habitants au sud de l'actuelle Éthiopie. Harar n'appartenait pas encore aux Abyssins, mais était administrée par des Égyptiens. Là, Rimbaud fait du commerce, achetant de l'ivoire, du café, de l'or, du musc, des peaux, et vendant ou échangeant quelques produits européens manufacturés. Il reconnaît aussi quelques régions jusque-là inexplorées, comme l'Ogadine, et transmet son rapport (également rédigé par son employé Sotiro) à la Société Française de Géographie, qui en fait grand cas.

En 1885, revenu à Aden, Rimbaud abandonne son emploi pour livrer des armes (plus de deux mille fusils) à Ménélik, roi du Choa, une opération qui lui fait traverser le dangereux désert des Danakil. Ses deux associés étant décédés l'un après l'autre, il doit conduire à lui seul la caravane. Mal payé pour tant de peines, il retourne à Aden par la route de Harar et le port de Zeilah. Il envisage ensuite de gagner Zanzibar, voire le Japon, mais finalement il se fixe derechef à Harar où son commerce prospère jusqu'au jour où, frappé d'un mal étrange, une tumeur au genou, il doit revenir en France pour se faire opérer.

Amputé de la jambe droite à Marseille, il monte une dernière fois au pays, à Roche, mais, encore attiré par l'Afrique, il redescend en catastrophe à Marseille pour prendre un bateau, ce que son état lui interdit. Atteint d'un cancer généralisé, il passe les derniers jours de sa vie à l'hôpital de la Conception. Ses ultimes sentiments sont ceux d'un désespéré. Arthur Rimbaud meurt le 10 novembre 1891, à l'âge de 37 ans.

Son succès d'écrivain ne lui échappa nullement, comme le prouve la lettre d'un certain Lucien de Gavoty lui annonçant sa jeune renommée et lui demandant des textes. Auparavant, d'autres, venus d'Europe à Harar, avaient entendu parler de son passé de poète. Verlaine, en 1884, l'avait révélé dans Les Poètes maudits, et la revue La Vogue, en 1886, avait publié ses Illuminations. Il semble que Rimbaud n'ait eu que sarcasmes à l'annonce d'une telle destinée: "Des rinçures", aurait-il dit à César Tian, son employeur des derniers temps.

Copyright © Jean-Luc Steinmetz / La République des Lettres, Paris, dimanche 21 avril 2013. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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