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La République des Lettres

Biographie Pétrarque

Pétrarque
L'Ascension du mont Ventoux

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0114-5
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Pétrarque

Pétrarque

François Pétrarque (Francesco Petrarca), né le 20 juillet 1304 à Arezzo (Toscane), est l'un des plus grands poètes italiens, le phare de la culture littéraire de son temps, un maître qui influa de manière décisive sur le goût et la vie de la Renaissance.

Sa famille était une vieille famille toscane aux solides traditions culturelles que l'exil du père, ser Petraccolo, chassé de Florence par les "Noirs" victorieux, le 20 octobre 1302, avait placée dans des conditions difficiles. Pétrarque fit, tout d'abord en compagnie de son frère Gherardo, ses études en Provence où son père s'était installé, puis il alla se perfectionner à Bologne, où il poursuivit ses études de droit pour obéir à la volonté paternelle.

En 1326, ayant définitivement abandonné les études juridiques, il se consacra aux lettres et embrassa l'état ecclésiastique, se bornant d'ailleurs à recevoir les ordres mineurs qui, grâce à la jouissance de quelques bénéfices, le mirent à l'abri des difficultés financières. Il se fit rapidement remarquer par son intelligence, sa culture, sa vie élégante et raffinée, s'attirant ainsi la protection du cardinal Jean Colonna, auprès duquel il demeura longtemps "non comme chez un maître, mais plutôt comme auprès d'un père ou mieux encore d'un frère plein d'affection".

C'est alors qu'il noua ces nombreuses amitiés qui lui permirent d'être le chef d'une vaste école d'esprits liés par leurs intérêts culturels communs. Cette période provençale est décisive pour la formation de Pétrarque, tout d'abord pour ce qui concerne son expérience amoureuse, car, selon son récit, c'est au 6 avril 1327 que remonte sa rencontre avec Laure dans l'église Sainte-Claire en Avignon. L'honnêteté de la dame tempéra rapidement les ardeurs de cet amour qui s'éteignit peu à peu, mais Pétrarque en conserva toujours un très vif souvenir et un regret; bien plus, sa vie spirituelle tout entière finit par s'y refléter, ainsi que le montrent les textes du Canzoniere, qui sont presque tous des poésies amoureuses.

En réalité, sous ses paroles de tristesse amoureuse, Pétrarque exprime cette tristesse plus fondamentale qui constitue le secret de sa personnalité; il était par là en parfait accord avec la tradition littéraire, du "dolce stil nuovo" en particulier, qui conseillait de ramener à l'amour et à la dame la signification de toute autre expérience. En somme, c'est bien l'analyse psychologique, enquête sur l'aventure de son âme tout entière, qui constitue la matière du Canzoniere.

Pétrarque admet avoir cultivé les passions terrestres; le sens moral n'en était pas moins aigu en lui, et il ressentait très vivement le problème de la destinée humaine; tout cela, d'ailleurs, en plein accord avec sa sincère foi religieuse et son goût pour la méditation. Ce qu'il aime sur terre acquiert par conséquent à ses yeux le caractère d'un lien criminel et, spontanément, germent en lui les questions angoissées, conscient qu'il est que l'attachement aux choses terrestres est inconciliable avec un complet don de soi à Dieu. Il espérait en une complète libération. Celle-ci ne s'étant pas vite produite, le Canzoniere demeure comme un témoignage du conflit entre l'humain et le divin. Tel est le caractère essentiel de la tristesse de Pétrarque; mais sur cette tristesse née d'une contradiction jamais résolue se greffent d'autres sources de peine.

Pétrarque, en effet, ne jouit pas pleinement des choses terrestres. Il est bien loin d'y trouver entière satisfaction, et ce qui l'en empêche c'est l'obsession qu'il a de la labilité des choses humaines. Dans chacune de ses oeuvres il est possible de trouver des allusions au temps qui s'envole, à notre vie qui n'est qu'une course rapide vers la mort, au monde qui va, lui aussi, vers une fin inéluctable. Tout cela a pour conséquence un désarroi qui attriste toute son existence, un souci de mettre à profit le peu de temps accordé, la crainte de voir tout à coup disparaître ce qui lui est cher, et une aspiration désespérée à quelque chose qui ne soit pas périssable. Tout ceci provoque un état d'anxiété qui lasse terriblement Pétrarque et s'accompagne d'un désir de paix et de repos. On ne constate d'ailleurs aucune différence entre les poèmes de la première et de la seconde partie du Canzoniere qui, en fait, ne peut être considéré comme l'histoire d'une aventure amoureuse, mais comme un témoignage prouvant que les désirs, les espérances, les angoisses, les tristesses de Pétrarque furent toujours les mêmes, à trente comme à soixante ans. Le fait est d'importance parce qu'il révèle une absence d'évolution quand bien même la disposition des poèmes du Canzoniere voudrait démontrer une ascension progressive de l'humain au divin, de même que Les Triomphes manifestent l'intention de considérer comme atteint ce "port tranquille", toujours convoité par le poète.

Ces années où il séjourna en Avignon furent marquées par d'importantes expériences artistiques et intellectuelles. Il étendit et approfondit considérablement sa culture personnelle par des études infatigables. Parallèlement, il mena une activité littéraire en langue vulgaire et en latin, grâce à laquelle il parvint peu à peu à sa maturité artistique, maturité que l'on peut considérer comme atteinte après la trentaine, ainsi qu'en témoignent les ouvrages de la seconde moitié de sa vie, les seuls, à quelques exceptions près, qu'il laissa parvenir jusqu'à nous.

Pendant cette période, parmi d'autres de moindre importance, Pétrarque effectua deux grands voyages: le premier, en 1333, le conduit à Paris, Liège et Cologne; le second, en 1337, à Rome où il perfectionna son goût pour l'Antiquité classique. L'aspiration à un monde idéal, soustrait aux manques de la réalité concrète, se trouve à la base de son humanisme: étudier l'Antiquité par haine du présent et rechercher une perfection spirituelle que Pétrarque n'aperçoit ni en lui ni autour de lui.

L'amour de l'Antiquité est, chez lui, un amour vivant pour une époque qu'il s'efforce de comprendre en lui restituant, par la chaleur de son propre enthousiasme, forme et vie, et il cherche à préciser les détails non à la manière du collectionneur ou de l'érudit, mais d'un homme qui s'évertue à ressusciter un monde perdu. C'est pourquoi l'on perçoit chez lui un constant désir d'arriver à posséder dans son intégrité ce monde antique dont il est épris.

Son activité philologique s'oriente dans trois directions que développera l'humanisme: identifier son latin à des modèles antiques, soumettre à un contrôle critique les informations qu'il recueille sur l'Antiquité, essayer de découvrir des textes disparus. Sa méthode, sa joie des découvertes, ses regrets pour ce qu'il a perdu, sont exactement ceux des générations qui recueillirent son héritage humaniste. Partout où il passe il cherche des soutiens. Le réseau serré de ses amitiés lui permet de créer une école dont il est le maître et dont Boccace est l'élève le plus célèbre. L'amitié de Pétrarque avec l'homme de Certaldo est quelque chose de fondamental pour l'histoire des lettres italiennes; dans leur travail se précisent un goût et une orientation culturels qui seront pendant des siècles l'âme même de la civilisation littéraire.

L'humanisme de Pétrarque ressort particulièrement dans le critère rigoureux selon lequel il choisit ses propres livres. Pétrarque est las de la dialectique, des traités scolastiques, de la science qui oublie les problèmes spirituels de l'homme, il se méfie des auteurs médiévaux qui, manquant de discernement critique, ne savent pas distinguer le vrai du faux, et rapportent des informations inexactes ou fantaisistes; il a en horreur, enfin, les écrivains qui offusquent, par la rudesse de leur style, son idéal d'un latin purifié des duretés médiévales par l'étude des modèles classiques: Sénèque et Cicéron en particulier.

D'autre part, il n'existe aucun conflit entre son humanisme et son christianisme. La vraie foi manqua aux Anciens, c'est vrai, mais, lorsqu'on parle de vertu, le vieux et le nouveau monde ne sont pas en lutte. C'est pour cela que Pétrarque sent que le problème moral est le domaine dans lequel il pourra trouver une continuité entre classicisme et christianisme. En dehors du voyage à Rome, fondamental pour Pétrarque humaniste, l'année 1337 fut aussi celle de la naissance de son fils naturel Giovanni, et celle de son premier séjour dans sa très douce solitude de Fontaine de Vaucluse, son Hélicon transalpin, où il commença deux oeuvres d'une portée plus vaste: L'Afrique et Des hommes illustres, toutes deux destinées, d'ailleurs, à demeurer inachevées.

L'an 1341 inaugura une troisième période dans la vie de Pétrarque, celle des séjours alternés en Italie et en Provence; jusqu'en février 1342 il habita Parme; jusqu'en septembre 1343 Fontaine de Vaucluse; jusqu'en octobre 1345 de nouveau en Italie; puis, jusqu'en novembre 1347, en Provence; puis presque quatre ans en Italie, jusqu'à l'été 1351 et, finalement, vint son dernier séjour à Fontaine de Vaucluse.

Son premier séjour en Italie eut lieu à l'occasion du voyage que Pétrarque entreprit pour recevoir au Capitole, à Rome, la couronne de laurier que lui avait value sa renommée de poète et de très savant lettré (8 avril 1341). En rentrant de Rome, il accepta, presque pendant un an, l'hospitalité d'Azzo de Correggio, seigneur de Parme, et c'est là qu'il connut et chérit le site isolé de Selvapiana, son Hélicon cisalpin.

En fait, la conception humaniste de l'existence se montre particulièrement dans le goût que Pétrarque eut pour l'"otium" des Anciens, et il fit l'éloge de la solitude dans beaucoup de ses pages, tandis que ses longs séjours dans des lieux champêtres confirment, sur le plan pratique, ce que disent lesdites pages: il eut une tendance à la vie solitaire, dans le calme de la campagne, loin des villes affairées et bruyantes. S'il aima la solitude, ce ne fut pas celle du misanthrope qui déteste et fuit les hommes, ni celle de l'ascète qui, dans son ermitage, réalise son idéal contemplatif. Il la désira réconfortée par les études littéraires, réjouie par la contemplation de la belle nature, rendue humaine par la visite fréquente d'amis: dans l'ensemble, un idéal aristocratique qui s'accorde singulièrement bien avec certains traits de la personnalité de Pétrarque.

Après février 1342, il vécut deux années très intenses et importantes marquées par la naissance de Francesca, son deuxième enfant naturel, l'entrée de son frère Gherardo chez les chartreux, les signes d'une crise spirituelle qui poussa Pétrarque à méditer sur la vanité des passions auxquelles il obéissait depuis de longues années. C'est de ces années que datent Mon secret ou Du mépris du monde et les Psaumes.

Il retraversa les Alpes en septembre 1343 en qualité d'ambassadeur du pape à la cour de Naples, puis s'arrêta de nouveau longtemps à Parme, travaillant avec entrain à un nouvel ouvrage historique, Des choses mémorables; celui-ci, toutefois, était condamné à rester inachevé à cause de la fuite dramatique et périlleuse par laquelle Pétrarque dut quitter Parme assiégée par les troupes des Visconti.

Vers la fin de cette même année, il retourna dans sa chère Fontaine de Vaucluse et y resta au calme, travaillant pendant presque deux ans. Durant cette période, il commença à composer ses Églogues, et termina la première rédaction de La Vie solitaire et du Repos des religieux. En 1347 il apprit avec enthousiasme la nouvelle que le peuple romain s'était révolté contre les nobles et avait élu tribun Cola di Rienzo: il saisit vivement l'occasion de retourner en Italie. En fait, à plusieurs reprises, il se proclama citoyen romain avec orgueil et fit montre de cette foi et de cette révérence qui le poussèrent à vénérer et à aimer Rome par-dessus toute autre ville, l'exaltant comme "la capitale du monde, la reine de toutes les villes, le siège de l'empire, le rocher de la foi catholique, la source de tout exemple mémorable". C'est seulement dans la sagesse d'un juste gouvernement que Rome, redevenue maîtresse du monde avec l'aide de toutes les forces italiennes, peut pourvoir au bien-être des peuples dans la paix universelle.

Tout ce qui retarde ou empêche la restauration de l'ancien empire est donc, aux yeux de Pétrarque, exécrable: les discordes entre les citoyens romains eux-mêmes, les luttes entre les villes italiennes, fruit des ambitions locales qui ne savent pas tenir compte de l'intérêt général, l'exil de l'Eglise, tenue éloignée de Rome par la prédominance du clergé français, la résistance des peuples "barbares" à la souveraine domination de Rome, la nonchalance et la somnolence des Italiens. En revanche, toute tentative pour rendre à Rome et à l'Italie dignité et puissance lui semble très louable et enthousiasmante.

Lorsqu'il reçut la nouvelle de la tentative de Cola di Rienzo, qui avait restauré l'ancienne république romaine, il en exalta l'entreprise; cependant, de Rome, on lui fit parvenir des informations qui dépeignaient Cola sous des traits différents de ceux qu'il avait souhaités. Il se rendit alors à Parme où il possédait un bénéfice, auquel, à partir de 1348, s'ajouta la charge d'archidiacre, mais il voyagea très souvent, allant à Mantoue, Rome, Padoue où il obtint un canonicat.

En 1348, à Parme, il apprit la mort de Laure survenue par une mystérieuse coïncidence le 6 avril: nouvelle invitation à méditer sur la vanité des choses humaines; il désira revoir Fontaine de Vaucluse en 1351, mais n'y resta pas longtemps; deux ans après, il accepta l'invitation de l'archevêque Giovanni Visconti et se fixa à Milan, d'abord dans une petite maison près de Saint-Ambroise, puis au monastère de Saint-Simplicien-hors-les-Murs.

De Giovanni Visconti, puis de Bernabo et de Galeazzo, Pétrarque reçut plusieurs missions officielles en qualité de secrétaire et d'orateur: il traita avec Gênes, Venise, les Novarais, l'empereur Charles IV, le rebelle Jacopo Bussolari et le roi de France, mais il ne voulut jamais, cependant, accepter un emploi bien défini, étant trop jaloux de sa propre liberté. Il demeura neuf bonnes années à Milan, fort actives; à cette période appartiennent l'Invectiva contra quemdam magni status hominem, l'Itinéraire syrien, l'édition des Invectives contre un médecin, des Sans nom, la révision de plusieurs de ses oeuvres déjà composées, les soins minutieux apportés au Canzoniere et au "corpus" de ses Familiari (Lettres familières).

Il quitta Milan en 1361 pour fuir une épidémie de peste et se réfugia à Padoue où il accepta l'invitation de Francesco da Carrara; il y apprit bientôt la mort de son fils Giovanni. L'extension de l'épidémie le contraignit à se déplacer rapidement et à se réfugier à Venise; il resta cinq ans dans cette ville, honoré par le gouvernement de la République, et réconforté par la présence de sa fille, femme de Francescuolo da Brossano, et par l'amitié d'hommes d'esprit supérieur. Parmi ceux-ci mentionnons Boccace, qui vint lui rendre visite au cours de l'été 1363. Pendant ces années-là, également, son activité littéraire fut très intense; il compléta la collection des Lettres métriques, révisa les Églogues, et commença l'agencement définitif du Canzoniere; il publia les Lettres et Des remèdes contre l'une et l'autre fortune, qui proposent pour toute circonstance de la vie un conseil appuyé par l'exemple d'un grand personnage et montrent comment, chez Pétrarque, littérature et vie finirent par se fondre dans une synthèse typique du mouvement humaniste.

Après de brefs séjours à Pavie et à Padoue, il choisit pour dernière habitation, pour la fin de sa vie, cette petite maison d'Arqua, dans les monts Euganéens. Là, comme autrefois à Fontaine de Vaucluse et à Selvapiana, il put vivre comme il le préférait, "dans le calme complet de l'âme, loin des tumultes, des bruits, des préoccupations, lisant continuellement et écrivant". Il travailla aux Triomphes, rassembla ses Lettres de vieillesse, publia ses derniers ouvrages de polémique active: Sur ma propre ignorance et celle de beaucoup d'autre et l'Invective contre celui qui maudit; cette dernière lui fut dictée par le dessein de contribuer au retour de l'Eglise à Rome. En rentrant à Rome, le pape aurait rendu "à lui-même Rome, à Rome la paix, à l'Italie et au monde la dignité et mis un terme aux malheurs". C'est pour cela que Pétrarque supplia Benoît XII, puis Clément VI et finalement Urbain V, unissant sa voix à celle des saintes Catherine et Brigitte dans l'invocation qui implorait le retour du souverain pontife là où était mort saint Pierre, dans la ville sanctifiée par le sang de tant de martyrs.

Sa tranquille résidence d'Arqua n'était pas très favorable à la santé de Pétrarque, désormais ébranlée; dès 1369 il souffrait de fièvre tierce; l'année suivante il eut une très grave syncope dont il ne put se remettre complètement. Dans la matinée du 19 juillet 1374, les siens le trouvèrent mort.

Outre les oeuvres que nous avons déjà mentionnées, rappelons enfin les Entretiens familiers de Pétrarque sur la bonne et mauvaise fortune ou l'Art de vivre heureux (1354-1366), Mon Italie et les Rimes.

Copyright © Pier Giorgio Ricci / La République des Lettres, Paris, dimanche 21 avril 2013. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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