François Mauriac
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François Mauriac D'un bloc-notes à l'autre, 1952-1969 (éditions Bartillat)
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Il n'était finalement pas si littérairement
méchant que ça, le Mauriac des années 50-60. Juste
amateur de piques, de saillies et de bons mots, bretteur vif,
irrévérencieux parfois, ironiste certes, polémiste
sans aucun doute, engagé bien entendu, écrivain
français pour tout dire. Parfaitement à l'aise dans ce
genre journalistique du XXème siècle français
qu'est la chronique politico-littéraire.
De l'auteur du Noeud de vipères on connaissait déjà les volumes du
prolixe Bloc-notes que, vieillissant (il l'a commencé à l'âge de 67 ans),
il avait étalé chaque semaine dans diverses gazettes, de
La Table ronde au Figaro en passant par l'Express. Mais les tomes
"officiels" ne comportaient qu'une sélection d'articles et il
restait des inédits de la même veine, ni meilleurs ni
moins bons, que François Mauriac et ses éditeurs
n'avaient pas inclus pour diverses raisons, notamment de courtoisie ou
tout simplement parce qu'on ne pouvait pas tout reproduire, dans les
anthologies composées de son vivant. En 2000 un premier recueil,
composé déjà par Jean Touzot et intitulée La Paix des cîmes, regroupait des textes publiés fin des années '40 et début
'50. Ce sont ceux de la période suivante (1952-1969) qui sont
aujourd'hui publiés dans ce dernier D'un Bloc-notes à l'autre de
900 pages qui sonne comme un posthume remords d'artiste.
Pêle-mêle on y trouve les commentaires ironisants, moqueurs
et vachards de Mauriac sur certains de ses confrères
écrivains, journalistes ou éditeurs -- qui parfois il
faut reconnaître l'avaient un brin provoqué: Roger
Nimier, Jacques Chardonne, Roland Barthes, Jean-François Revel,
Hubert Beuve-Méry, Gaston Gallimard, Paul Morand, Bernard Frank,
Marcel Jouhandeau, Alain Robbe-Grillet, etc.. De temps à autre
de simples banalités, des "paresses" avoue-t-il lui-même.
Parfois, un exercice d'admiration, soit sur un grand écrivain
(Rimbaud, Baudelaire, Proust, ..) soit sur un petit nouveau, par exemple
son jeune voisin bordelais Philippe Sollers qu'il introduit ainsi au
bal. Plus sérieux et engagés politiquement, des articles
prêchant à contre-courant des modes: gauchistes exprimant avec virulence ses choix anticolonialistes et fustigeant certains ténors de la IVème République pendant leurs heures de gloire, ou de pure droite réactionnaire
pro-Général de Gaulle et anti-libéralisation des
moeurs alors que la tendance est à l'anti-gaullisme et à
mai 68.
Au bout du compte ce "journal intime à l'usage du grand public"
est une longue chronique sinueuse au plus près de l'homme qu'il
fût -- grand bourgeois de la belle province bordelaise, vieil
humaniste cultivé, vrai démocrate chrétien (par
rapports aux faux du MRP), écrivain résistant et
journaliste engagé dans son temps, académicien, Prix
Nobel, Légion d'honneur, mendésiste, gaullien,
"conscience morale" du pays -- qui reflète dans de plutôt
bons exercices de style les batailles littéraires et politiques
de ces années-là. Plus que dans les romans, c'est sans
doute dans ces blocs-notes que l'on peut désormais lire avec
toute la distance bienveillante qu'apporte les
années, et dont on peut saisir les arômes et les saveurs
comme on le fait d'un bon bordeaux qui aura bien vieilli, que se trouve
le vrai Mauriac.
© septembre 2004