Renée Pélagie marquise de Sade
C'est l'histoire d'un destin obscur et d'une intense relation conjugale
sado-masochiste vécue au coeur des passions
françaises des Lumières et de la Terreur que nous raconte
Gérard Badou dans Renée Pélagie, marquise de Sade (éditions Payot).
Le 17 mai 1763, alors que l'Ancien Régime commence
déjà à se craqueler, Renée Pélagie
Cordier de Launay de Montreuil, fille d'un riche bourgeois
président à la Cour des aides de Paris, épousait
pour le pire et le meilleur Donatien Alphonse François, marquis
de Sade. Elle est riche aristocrate de 22 ans, innocente, bien
élevée, profondément catholique et amoureuse. Il
est pauvre nobliau de 23 ans cherchant à redorer le blason de
famille, libertin, immoral, athée, et il ne l'aime pas. Il
préfère nettement courir les jupons partout où il
s'en trouve, y compris ceux de sa bientôt nouvelle belle-soeur
peu farouche Anne-Prospère de Launay qu'il fera bientôt
passer pour sa femme lors d'une fuite en Italie. Fin 1763, cinq mois
après son mariage, Sade est incarcéré pendant deux
semaines à Vincennes pour des faits de torture sexuelle commis
dans une maison close. C'est le début de l'enfer pour
Renée Pélagie. Epouse stoïque et
dévouée jusqu'au masochisme, elle souffrira pendant plus
de vingt ans les frasques du divin marquis, le soutenant envers et
contre tout, se brouillant avec sa famille, trompant la police sur les
crimes pédophiles commis au château de Lacoste,
s'humiliant, se ruinant pour lui, lui écrivant des lettres
d'amour, lui procurant prostituées, livres et godemichés
pendant ses périodes de captivité, et lui donnant
même trois enfants. De plus l'écrivain l'utilise pour
essayer de rendre publics de sulfureux manuscrits de pamphlets et
romans, tels Justine et Les Cent Vingt Journées de Sodome
entre autres, que la pieuse marquise réprouve infiniment.
Tournée bigote en raison des épreuves subies, elle finira
cependant par craquer et mettre fin à son sacerdoce en 1790.
Elle demande la séparation après un énième caprice furieux de son scandaleux mari embastillé qui se rallie par intérêt à la
Révolution française.
Femme d'écrivain sacrifiée sur l'autel de la création littéraire, Renée-Pélagie décède en 1810. D.A.F de Sade ne mentionnera même
pas l'évènement dans son Journal. "Nous autres libertins,
nous prenons des femmes pour être nos esclaves; leur
qualité d'épouses les rend plus soumises que des
maîtresses", écrit l'auteur des Infortunes de la vertu.
© septembre 2004