Pas d'intrigue, pas d'action, pas d'histoire, pas même de personnages aisément identifiables, rien de ces procédés d'écriture romanesques qui permettent de faire un résumé, juste une fiction, une fiction qui ne respecte aucun des termes du shéma narratif cher à nos universitaires.
Et pourtant quel roman !
Mais en est-ce bien un ? Cela porte un titre: Disent les imbéciles. C'est daté et signé par une grande dame des lettres françaises contemporaines, Nathalie Sarraute. Comment rendre compte de cette lecture et de la magie renouvelée, à chaque paragraphe, d'être tenu en haleine par un roman sans récit ? Par le style certainement. Ce que disent les imbéciles est la phrase centre et sujet d'un travail long, patient, neuf et rigoureux de réappropriation de la langue. Cent cinquante pages ne sont pas trop pour esquisser les réseaux intimes de ces cinq mots. Surtout quand elles s'offrent comme cadre au déploiement d'une respiration aussi exacte et musicalement précise. Sarraute, dont le style n'est pas sans évoquer ces poèmes dansés de l'Inde, rigoureux et sensibles, nous livre ici, comme eux, un chant sacré, le sien, le notre, celui du monde où notre langue se puise.