Frank McCourt

Frank McCourt

A 67 ans, Frank McCourt est devenu un phénomène littéraire aux Etats-Unis, avec son premier livre, Les Cendres d'Angela où il raconte avec drôlerie et verve une enfance catholique irlandaise dans les années 30-40, marquée par une extrême pauvreté. Ces mémoires, mêlant truculence et sensibilité, ont obtenu le Prix Pulitzer 1997. Le livre figure en tête des ventes du New York Times Book Review depuis près d'un an et dépasse le million d'exemplaires. Time magazine a sacré Les Cendres d'Angela meilleur livre de 1996.

"Quand je revois mon enfance, le seul fait d'avoir survécu m'étonne. Ce fut, bien sûr, une enfance misérable: l'enfance heureuse vaut rarement qu'on s'y arrête. Pire que l'enfance ordinaire est l'enfance misérable en Irlande. Et pire encore est l'enfance misérable en Irlande catholique". Ainsi commencent ces mémoires, dénués de miévrerie ou d'apitoiement, mais doués d'humour et de profonde humanité. A New York, Malachy, le père, Irlandais patriote, un poivrot fini, rencontre une autre immigrée irlandaise, la catholique Angela, lors d'un "tremblé de genoux" (l'amour debout) qui la met "dans un état intéressant". Elle sombre dans le chagrin. Des enfants naissent, notamment Frank en 1930. La famille crève de faim. La mort d'une petite fille décide la famille à revenir en Irlande, faisant le chemin inverse de l'émigration. Elle s'installe à Limerick, à l'Ouest, dans un taudis. Ses frères jumeaux meurent.

Frank McCourt n'a pas son pareil pour raconter les cendres de la vie d'Angela, la lutte pour survivre, les vêtements mouillés, les puces dans les matelas, les pneus pour semelles, la tête de cochon pour Noël, l'odeur de la pauvreté. Tout semble réfracté par l'oeil de l'enfant, avec une certaine innocence. "J'ai mis la vie entière à écrire cet ouvrage, raconte l'auteur, de passage à Paris. J'ai lutté pour ce livre. Au commencement, je ne voulais pas écrire sur ce passé. J'étais honteux de cette misère. C'était trop de misère. Je voulais écrire des romans élégants à la Henry James. Puis j'ai été professeur pendant 20 ans. J'étais trop littéraire, sous l'influence de Fitzgerald, James Joyce ou Hemingway. Quand j'enseignais, c'était un paradoxe, je leur enseignais de dire la vérité, d'être honnête. J'ai écrit des bouts. Mes étudiants me demandaient de leur lire et étaient trés intéressés. Je leur lisais des morceaux chaque vendredi. Quand je suis venu à 19 ans à New York, je n'avais aucune estime de moi et je me suis inventé une nouvelle vie. J'ai dit que mon père était postier", car, estime-t-il, le plus dur à raconter, a été "l'alcoolisme dingue de mon père". Frank Mc Court écrit la suite des Cendres d'Angela, pour lequel un film est en projet. Son livre, publié dans 13 pays, a provoqué une mini-polémique en Irlande. Certains habitants de Limerick se sont sentis "profondément blessés", en y voyant une "caricature". D'autres estimant au contraire que McCourt a fait connaître leur ville au monde entier.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 15 décembre 1997. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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