Stéphane Mallarmé

Stéphane Mallarmé

Stéphane Mallarmé, le créateur de la poésie moderne, mort le 9 septembre 1898, dont l'oeuvre a entraîné durant le siècle la publication d'une impressionnante quantité d'ouvrages et d'articles, suscite à l'occasion du centenaire de sa mort l'organisation d'expositions, colloques et la publication de nombreux ouvrages.

Paraissent notamment le tome I de ses Oeuvres complètes dans la collection de la Pléïade (en fait, il s'agit d'une nouvelle édition, reprise de celle de 1945) ainsi que les Ecrits sur l'art, regroupant les textes du poète sur les arts décoratifs, la peinture ou la musique. Un ouvrage collectif, écrit par des spécialistes de Mallarmé, accompagne une exposition au musée d'Orsay, du 29 septembre 98 au 3 janvier 99. Il est illustré des reproductions d'oeuvres de Cézanne, Renoir, Manet, Whistler, etc., dont le poète fut le compagnon. La ville de Sens, où il a fait ses études, organise pour sa part expositions, colloques et concerts autour du poète. Enfin, la Poste imprime un timbre "Mallarmé".

Stéphane Mallarmé a eu une existence sans histoire, vivant la poésie, comprise comme une aventure intellectuelle et spirituelle, d'une manière si intense qu'il reste, dans l'imaginaire du public, "un pur héros de l'esprit". Fils de fonctionnaire, il naît à Paris le 18 mars 1842. Lycéen, ses maîtres lui reprochent son "caractère insoumis et vain". Il devient bachelier puis travaille chez un receveur de l'enregistrement à Sens. "Premier pas vers l'abrutissement", note-t-il.

En 1862, afin d'être professeur d'anglais, il s'installe à Londres avec son amie Maria qu'il épouse un an plus tard et avec qui il aura deux enfants. Il devient professeur dans l'Ardèche: "ce nom me fait horreur et, pourtant, il contient les deux mots auquel j'ai voué ma vie: art et dèche", dit-il. Il enseigne successivement l'anglais à Tournon, Besançon, Avignon et dans des lycées parisiens. En 1874, il commence à séjourner à Valvins, près de Fontainebleau. Il tient des conférences en Belgique en 1890, part en retraite en 1893 avant d'être élu "Prince des poètes" (après Leconte de Lisle et Verlaine). Il entreprend des conférences en Angleterre en 1894 et meurt à Valvins en 1898.

En fait, Mallarmé a consacré sa vie à la poésie et à ses amis qu'il recevait tous les mardi, dès 1877, dans son appartement parisien de la rue de Rome. Il était, disent ses proches, un causeur éblouissant. Il a rencontré entre autres grands écrivains Paul Claudel, André Gide, Paul Valéry, Oscar Wilde et s'est lié avec les Impressionnistes. Celui qui "voulait donner un sens plus pur aux mots de la tribu", est mort d'une crise de laryngite dans sa maison proche de Fontainebleau. Il vécut "sans violence, sans complaisances, sans tapage, sans outrance narcissique", écrit Jean-Luc Steinmetz dans son Stéphane Mallarmé ou l'absolu au jour le jour. "Chaque phrase, chaque vers, loin d'être impersonnel, résonne d'une singulière humanité (...). L'existence de Mallarmé ne confirme pas l'altière suprématie d'une élite", ajoute-t-il.

Aux questions sur le prétendu hermétisme de son oeuvre, Mallarmé répondait: "je préfère, devant l'agression, rétorquer que des contemporains ne savent pas lire - / Sinon dans le journal". "Pour moi, le cas d'un poète, en cette société qui ne lui permet pas de vivre, c'est le cas d'un homme qui s'isole pour sculpter son propre tombeau", ajoutait-il. Dès lors, la création poétique devient un acte exclusif et, selon sa formule célèbre, "qui l'accomplit, intégralement, se retranche". Ses poèmes sont des tentatives exemplaires pour inventer un langage donnant vraiment le sentiment qu'un poème devient "une autre réalité", les mots devant réagir les uns sur les autres pour dévoiler des sens nouveaux comme dans ce vers célèbre: "aboli bibelot d'inanité sonore...".

Un siècle de commentaires a familiarisé le lecteur d'aujourd'hui avec ce qu'on a appelé "la révolution du langage poétique", estime Bertrand Marchal, dans sa préface de la Pléïade. "Il est une des très rares valeurs d'exportation: il n'y a pas de grande figure de la pensée (...) qui ne se soit confrontée au cas du poète, imposant l'idée d'un Mallarmé, précurseur ou fondateur, et toujours actuel", dit-il. "Héros, prophète, mage et tragédien, ce petit homme féminin, discret, peu porté sur les femmes, mérite de mourir au seuil de notre siècle: il l'annonce. Plus et mieux que Nietzsche, il a vécu la mort de Dieu. Bien avant Albert Camus, il a senti que le suicide est la question originelle que l'homme doit se poser", a écrit Jean-Paul Sartre dans sa préface de 1952 aux Poèmes.

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Stéphane Mallarmé, Oeuvres complètes (La Pléiade / Éditions Gallimard).

Copyright © Mélanie Wolfe / republique-des-lettres.fr, Paris, jeudi 10 septembre 1998. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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