Hergé

Hergé

Simples coïncidences ou influences patentes entre l'oeuvre de Jules Verne et celle d'Hergé ? Quoi qu'il en soit, les correspondances sont troublantes, trop nombreuses pour n'être qu'un concours de circonstances, selon les auteurs d'un livre sortant en ce début décembre, Tintin chez Jules Verne.

Jean-Paul Tomasi, un passionné de littérature du XIXe siècle, et Michel Deligne, fondateur de la Chambre belge des experts en bandes dessinées, ont relevé des similitudes aussi bien dans le climat général ("univers masculin peuplé de célibataires endurcis, environnement futuriste, longs voyages, héros aux qualités morales et physiques similaires") que dans les personnages, le déroulement des histoires, voire l'illustration.

Ainsi, soulignent-ils, le trio Tintin, Milou, Haddock ressemble à celui de L'Ile mystérieuse: un chien nommé Top, un jeune garçon, Harbert, "intelligent, ingénieux, luttant contre le mal et défendant les faibles", et un vieux loup de mer, Pencroft, qui use d'un registre d'insultes tels que "mais c'est un singe, un sapajou, une guenon, un gorille un sagouin..." ou "Les misérables, les bandits, les infâmes coquins..." ou encore "Pirates, bandits, corsaires..." ou surtout "Mille pipes, mille et mille...", disent-ils.

Ils voient des correspondances entre les deux Dupondt et les inséparables limiers Craig et Fry des Tribulations d'un chinois en Chine, entre Palmyrin Rosette, savant lunaire non pas sourd mais myope de Hector Servadac et le bon Tryphon Tournesol, entre le Nestor de Hergé et les domestiques stylés et compassés de Verne, entre l'assureur William Bidulph (Les tribulations...) et Séraphin Lampion. Passant sur l'évidence (la correspondance entre De la Terre à la Lune et Objectif Lune, comme entre Autour de la lune et On a marché sur la Lune), les auteurs affirment que L'Etoile mystérieuse est directement inspirée de Hector Servadac, comme Le secret de la licorne et Le Trésor de Rackham le rouge sont à mettre en correspondance avec Les enfants du capitaine Grant ou Vingt-mille lieues sous les mers.

Livre après livre, ils voient des influences verniennes et signalent même que le titre Le Lotus bleu est tiré du roman Claudius Bombarnac, où ce nom désigne une secte secrète chinoise. Les deux exégètes illustrent leur propos avec nombre de vignettes tirées des romans et des albums où situations et même positions des personnages se répondent. Signalant qu'on trouve dans les éditions originales de Verne chez Hetzel 40.000 illustrations, ils soulignent les preuves irréfutables que Hergé, bien qu'il s'en défendait, avait bien connu Les Voyages extraordinaires.

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Jean-Paul Tomasi et Michel Deligne, Tintin chez Jules Verne (Éditions Lefrancq).

Copyright © Marianne Vatoutine / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 01 septembre 1998. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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