République des Lettres

Jean-Marie Le Clézio

Jean-Marie Le Clézio Poisson d'or (éditions Gallimard)

Poisson d'or, le dernier roman de J.M.G. Le Clézio -- avec en exergue un proverbe nahuatl: "Oh poisson, petit poisson d'or, prends garde à toi! Car il y a tant de lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde" - raconte le destin de Laïla depuis le Maroc, la vie d'immigrée à Paris, les Etats-Unis, jusqu'au retour aux racines. Il semble faire écho à Désert qui, en 1980, mettait déjà en scène Lalla,une jeune fille descendante des hommes bleus, émigrée à Marseille, devenue cover-girl mais qui préférait revenir au Maroc accoucher près de son figuier.
Jean-Marie Gustave Le Clézio, 57 ans, est un conteur et un porte-parole. D'une extrême attention aux faibles, aux gens de peu, il a pris fait et cause pour les civilisations menacées. Ecrivain nomade qui partage sa vie entre le Mexique et Nice, il raconte une autre existence nomade.
Après le Maroc, Laïla débarque à Paris, avec son amie enceinte. Là, elle va connaître la galère, les taudis, les chiens, l'hiver avec "les arbres tout nus, tordus comme des spectres", les hommes et les femmes qui la suivent. Une doctoresse l'accueille avec chaleur, mais va l'abuser. Un matin, elle fuira le confort de cet appartement luxueux. "Je pensais que, depuis que j'étais enfant, les gens n'avaient cessé de me prendre dans leurs filets. Ils m'engluaient. Ils me tendaient les pièges de leurs sentiments, de leurs faiblesses", dit-elle. Cependant, au milieu de tous ces pièges, des oasis. El Hadj, dans sa petite chambre, près de l'autoroute, qui va lui apprendre le Prophète et que "même l'homme le plus insignifiant est un trésor aux yeux de Dieu". Hakim va lui enseigner la philo au "Café de la Désespérance" et lui faire lire Les Damnés de la terre de Frantz Fanon. Au Musée des Arts africains, Hakim lui dit tambourinant devant les vitrines: "Regarde Laïla, ils ont copié. Ils ont tout volé. Ils ont volé les statues, les masques et ils ont volé les âmes, ils les ont enfermées". Simone, haïtienne, son amie qui lui apprend à chanter. "Tu es comme moi, Laïla. Nous ne savons pas qui nous sommes. Nous n'avons plus notre corps avec nous". Aprés les Etats-Unis, le besoin de retrouver ses racines est le plus fort. Elle revient en Afrique du Nord, chercher sa mère. Parmi les siens, les Hilal, à la fin, Laïla arrive au bout du voyage: "Quand tu touches la mer, tu touches à l'autre rivage. Ici, en posant ma main sur la poussière du désert, je touche la terre où je suis née, je touche la main de ma mère".

La République des Lettres, jeudi 1 janvier 1998

 

Jean Marie Le Clezio
Jean Marie Le Clezio

 

 

 

 

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