République des Lettres

Auguste Le Breton

Décès d'Auguste Le Breton

Auguste Le Breton, l'ancien truand devenu romancier à succès, auteur du célèbre Rififi chez les hommes, qui vient de décéder, se flattait d'être "né dans l'argot". "On a toujours essayé en vain de me plagier. Il faut avoir connu la misère et la rue pour écrire comme ça. Un détail, ça ne s'invente jamais", assurait l'écrivain, décédé le 1er juin d'un cancer du poumon, à l'âge de 86 ans.
Auguste Montfort, alias Le Breton, est l'auteur de 77 livres, romans policiers noirs et gouailleurs, décrivant malfrats de tous poils dans un argot savoureux. Nombre de ses romans, témoins d'une époque un peu oubliée aujourd'hui, ont été adaptés à l'écran. Il a notamment écrit le Clan des Siciliens, Razzia sur la chnouf, Le rouge est mis, Les tricards, Bob le flambeur, La môme Piaf, Du rebecca chez les aristos, Monsieur Crabe. Il est aussi l'auteur de scénarios de films, dont des adaptations de ses oeuvres, et a publié un dictionnaire intitulé L'Argot chez les vrais de vrais. Il a introduit le "verlen" en littérature dans Rififi chez les hommes, paru en 1954. "Verlen avec un 'e' comme 'envers' et pas un 'a', comme ils l'écrivent tous. J'ai aussi lancé 'rififi', un mot qui a sa place dans la langue d'aujourd'hui", a-t-il déclaré. Il a d'ailleurs baptisé son vélo "Rififi". Né à Lesneven (Finistère) le 18 février 1913, Auguste Le Breton est orphelin de guerre. Il connaît la dureté des maisons de correction. A 18 ans, couvert de vermine, il bat le pavé de Paris. "Il m'a montré voici peu la grille de métro, Porte de Saint-Ouen, où il a longtemps couché", raconte son neveu. Il noue de solides amitiés avec les voyous de banlieue. A cette époque, si bien dépeinte dans les livres de Pierre Mac Orlan et Francis Carco, les garçons portent des casquettes à carreaux, les filles des jupes plissées et les rixes se font au couteau, entre deux bals-musettes. "Maurice la Gouine, il avait même fait mettre un diam' dans la canine de son chien. Du folklore, oh la la, c'est pas aujourd'hui qu'on trouverait ça à Paris!", disait-il en 1985. Il exerce divers petits métiers et quitte les bouges de Saint-Ouen et d'Argenteuil pour les bals plus huppés de Clichy. Il reviendra toujours dans son cher Montmartre jouer au poker dans les bars louches qu'il aimait tant. Durant la guerre, il est résistant: "Mon père est tombé en 14. Je ne me serais pas vu marcher avec les Allemands". Il sera Croix de guerre. La naissance de sa fille, en 1947, va changer son destin: "Si j'ai un enfant, je serai écrivain", s'était-il dit durant sa jeunesse. Son premier livre publié est Rififi.... Il avait auparavant raconté sa jeunesse difficile dans Les hauts murs, mais le livre avait été refusé et ne sera publié qu'après le succès de Rififi.... Il avait choisi son pseudonyme bien avant de lancer dans l'écriture, selon les coutumes des malandrins. La force d'Auguste Le Breton, personnalité en marge du monde de la littérature policière, fut de ne rien inventer dans ses livres: il avait presque tout vécu.

La République des Lettres, jeudi 3 juin 1999

 

 

 

 

 

 

 

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