Jean-Paul Kauffmann

Après les îles Kerguelen, le journaliste Jean-Paul Kauffmann est allé passer plusieurs semaines sur l'ile Sainte-Hélène à la découverte de "la Chambre noire de Longwood", celle où Napoléon Bonaparte termina ses jours, thème central de son dernier livre.

L'auteur nous fait découvrir Sainte-Hélène et Longwood, la dernière demeure de l'empereur, au rythme des récits des quelques fidèles -- Las Cases, le général Gourgaud, la comtesse de Montholon, son valet Louis Marchand,... -- qui accompagnèrent Napoléon après Waterloo. Loin d'écrire simplement un récit de voyage pittoresque ou un récit historique bourré d'anecdotes, Jean Paul Kauffmann, que l'on sent très féru sur le sujet, écrit un livre passionnant ou se mêlent la petite histoire, la grande Histoire et la sienne. L'écrivain n'est en effet jamais très loin du journaliste otage qu'il fut pendant plus de trois ans au Liban. Lorsqu'il raconte que l'empereur déchu était "accablé par l'entassement des jours" et le cite ("Nous n'avons de trop ici que du temps"), il ajou te: "c'est contre cette durée indéfinie que se battent tous les prisonniers du monde". Ce qui l'a attiré dans cette île perdue de l'Atlantique? "La révélation de l'homme désarmé au milieu d'un décor immuable. Il m'a rarement été donné de contempler un endroit aussi oppressant", écrit l'ancien otage, qui parle de "sensation de temps non pas retrouvé, mais renversé, mis a l'envers". Décrit comme "un catafalque de rochers" par Chateaubriand "qui n'y a jamais mis les pieds", comme un "foutu pays" par l'empereur lui-même à son arrivée en exil alors qu'il n'a que 46 ans, l'île Sainte-Hélène n'a rien pour attirer le touriste: pas le moindre souvenir du séjour de l'empereur, un climat épouvantable, une nature sèche, en deux mots: "une prison maritime". Alors que l'ennui gagne la petite colonie française obligée de vivre dans une promiscuité difficile, l'empereur passe des heures à faire et refaire ses batailles passées, tandis que tous se battent pour prendre des notes et préparer un livre pour la postérité... celle de l'empereur et la leur. "Je ne conçois point encore la perte de la bataille", déclarait l'empereur en parlant de Waterloo, propos dûment consignés par le général Gourgaud. Grâce à la complicité de Gilles Martineau et de son fils Michel, Consul de France, chargé de surveiller et d'entretenir le domaine, Jean-Paul Kauffmann a pu à loisir s'imprégner de l'ambiance de Longwood. Il y passa des journées entières, cherchant à saisir l'âme de ce lieu, que ce soit dans la chambre de l'empereur, minuscule et sombre, dans son cabinet de travail ou encore dans la salle à manger où les repas étaient vite expédiés. "On ne visite pas Longwood, c'est Longwood qui vous visite", conclut le journaliste.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, samedi 01 février 1997. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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