Au moment où la communauté nationale a les yeux fixés sur le devenir de la Corse, le journaliste Jean-Louis Andreani apporte avec Comprendre la Corse, un livre clair et complet qui vient à point nommé. Tout a été dit ou écrit sur la Corse, jusqu'aux volumineux rapports parlementaires de cet hiver. En 250 pages, l'auteur hiérarchise et série les problèmes, débusque les dates charnières et sélectionne chiffres éloquents et citations éclairantes. Il commence par dessiner les contours de "l'âme corse" entre "insularité, méditerranéité et francité". Puis, il tente d'expliquer pourquoi le "peuple corse au caractère déroutant" peut être qualifié de "fier et ombrageux". "A la veille de l'an 2000, la Corse traîne comme un boulet sa tradition séculaire de violence", qui s'accompagne de la fameuse loi du silence, mélange de crainte et de solidarité instinctive dans un contexte de défiance persistante vis-à-vis de la justice, note Jean-Louis Andreani avant d'analyser le phénomène nationaliste contemporain. Puis il consacre un chapitre aux clans, "piliers de la politique insulaire" et dresse l'armorial des dynasties républicaines, qui ont tenu la Corse, des Gavini et Casabianda d'antan aux Giacobbi ou Rocca-Serra, d'aujourd'hui.
"L'histoire contemporaine des relations de la Corse avec la République est la chronique d'une désillusion, d'une relation, qui ne cesse de se dégrader", constate l'auteur, qui ne cache pas son désir de voir sa Corse demeurer île de France. Le volet économique part d'une constatation abrupte: "l'une des données essentielles de la crise corse est que l'île a vécu pendant des décennies avec l'assentiment tacite des gouvernements successifs, dans une sorte de non-économie propice à toutes les dérives et à toutes les frustrations, un non-développement bien antérieur à l'ouverture il y a plus de vingt ans du cycle de violence que connaît l'île". "En donnant de grands coups de pied dans une fourmilière pré-mafieuse, le gouvernement de Lionel Jospin a le mérite d'avoir été le premier, depuis des décennies, à rompre le cercle infernal des démissions, des compromissions et du laisser-aller", jusqu'à l'absurde affaire des paillotes, observe l'auteur. Sa conclusion, rédigée bien avant l'annonce de la table ronde des élus de Corse à Matignon, prend un tour prémonitoire: "Il revient maintenant au gouvernement d'animer une réflexion pacifiée, autant que possible, sur l'avenir de la Corse, ce qui suppose d'écouter toutes les sensibilités de l'île, de rompre avec une attitude bravache et des déclarations à l'emporte-pièce inutilement provocatrices".