Ken Saro-Wiwa

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Ken Saro-Wiwa a été condamné à mort par le tribunal militaire spécial de Port-Harcourt le 31 octobre 1995, avec huit autres membres de son Mouvement pour la Survie du Peuple Ogoni (MOSOP), et exécuté le 10 novembre, en dépit des protestations de nombreuses ONG, et des pressions de certains gouvernements, dont les Etats membres du Commonwealth (mais l'idée d'un embargo sur le pétrole a été très vite écartée, intérêts oblige!). Ken Saro-Wiwa dénonçait les désastreuses conséquences écologiques de l'exploitation pétrolière par la Compagnie Shell de l'Ogoniland, dans le delta du fleuve Niger, et il réclamait une redistribution au profit des Ogoni des bénéfices considérables qui en avaient été tirés. Le 21 mai 1994, quatre chefs coutumiers ogoni, favorables à un compromis avec le pouvoir nigérian, furent assassinés par la foule lors d'un rassemblement à Giokoo. Ken Saro-Wiwa fut arrêté le lendemain, et accusé de meurtre, alors qu'il n'était pas sur les lieux au moment du drame. Les témoins à charge cités lors du procès ont reconnu par la suite avoir été soudoyés. En réalité, le combat écologiste et politique de Saro-Wiwa et de son mouvement l'avait placé dans la ligne de mire des militaires au pouvoir pour qui le pétrole représente la première ressource du pays. On peut penser que la férocité de la répression contre les représentants des Ogoni est également destinée à dissuader d'autres communautés (telles que les différentes branches des Izon (ijaw) vivant à proximité de zones d'exploitation pétrolière du Delta du Niger) d'organiser des mouvements de protestation similaires. Les exemples de violence gouvernementale commise ces dernières années à l'encontre d'autres communautés du delta sont en effet nombreux:

- Umuechem, Etat de Rivers, 30-31 octobre 1990. Près de 80 personnes sont tuées et 495 maisons sont détruites ou très endommagées par les membres de la police mobile.

- Bonny, Etat de Rivers, 1992. La police répond à de prétendues "émeutes" de jeunes en tirant dans la foule.

- Brass, Etat de Rivers, 29 novembre 1993. Une manifestation pacifique devant une station Agip est dispersée par la police à coups de gaz lacrymogènes. En janvier de la même année, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient participé à une manifestation pacifique organisée par le Mosop contre la compagnie Shell; la riposte militaire avait fait plusieurs centaines de morts et entraîné la destruction de plusieurs dizaines de villages.

- Obagi, Etat de Rivers, février 1994. Le porte-parole des Obagi est arrêté, libéré et depuis constamment harcelé.

- Nembe Creek, Etat de Rivers, février 1994. Après des troubles causés par l'installation de Shell, des soldats rouent de coups, en public, un chef local et trois autres hommes, puis tirent sur la foule qui accourt pour secourir les hommes battus.

- Rumuobiokani, Port Harcourt, 21 février 1994. Des troupes de l'armée, de la police mobile, de la marine et de l'aviation frappent, blessent et arrêtent des manifestants pacifiques venus demander une entrevue avec les représentants de la Shell. La communauté Rumuobiokani affirme être le propriétaire légitime de 60 % du territoire occupé par Shell.

- Opuekebo, Etat du Delta, mai 1994. La police coule 16 bateaux qui bloquaient les installations pétrolières de la compagnie Chevron en signe de protestation. selon un journaliste local, trois manifestants se seraient noyés lors de cette intervention.

Bon nombre de ces incidents sont intervenus quand une compagnie pétrolière, confrontée à des protestations de la part de la population, a demandé de l'aide aux forces de sécurité nigérianes. Les compagnies concernées, outre Shell, sont: Elf, Agip, Mobil et Chevron.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, vendredi 01 mars 1996. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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