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Paul Bowles

Décès de Paul Bowles

Paul Bowles, âgé de 89 ans, est mort jeudi 18 novembre à 10H30 à l'hopital italien Duc de Tobar de Tanger (nord ouest du Maroc) d'un arrêt cardiaque. Il avait été hospitalisé à la suite d'une crise cardio-respiratoire qui l'avait plongé dans le coma.
Ecrivain américain, dandy compositeur et voyageur cosmopolite, Paul Bowles a connu un succès fulgurant avec Un thé au Sahara, roman paru en 1950 qui a fait de lui un gourou international de la littérature. Installé dans cette ville depuis 1947, il avait été qualifié de "djinn honoraire de Tanger", s'identifiant à sa culture cosmopolite, arabe, américaine et européenne, marquée par une ambiance de trafic et de moeurs libres où il puisa l'essentiel de son inspiration. Auteur de quatre romans et soixante nouvelles, il initia cette vague d'engouement orientaliste des années 50 qui draina vers ce port méditerranéen, dans les effluves du kif, toutes les plumes de renom de la Beat generation: William Burroughs, Allen Ginsberg, et même Jack Kerouac. Le club Bowles, était, à cette époque, l'un des plus fermés de la littérature américaine. Né le 30 décembre 1910 à New York, Paul Bowles traverse le siècle avec son temps et semble n'en rien manquer, ni personne: pour Orson Welles, il compose des musiques de scène. Sting et son groupe de rock, Police, s'inspirent dans les années 80 d'un Thé au Sahara pour leur album Synchronicity. A la fin des années 20, le jeune Newyorkais part pour Paris où il rencontre Gertrude Stein, la Madone du Montparnasse des exilés américains qui lui déclare que ses poèmes ne valent rien. Il retourne aux Etats-Unis, cesse d'écrire, devient compositeur. Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, la musique sera son gagne-pain. Il travaille avec les plus grands pour le cinéma et la scène: Losey, Visconti, Dali, compose trois opéras dont deux inspirés du poète espagnol Federico Garcia Lorca et met en musique de très nombreux textes des écrivains marquants de sa génération: Tennessee Williams, Gertrude Stein, Saint John Perse, James Joyce, Paul Valéry. Dès 1947, il s'installe à Tanger qu'il s'efforce de découvrir et de comprendre de l'intérieur. Il veut fixer la tradition orale marocaine, collecte les contes et les musiques berbères. De cette confrontation naît l'essentiel de son oeuvre: Le Scorpion, Réveillon à Tanger, L'amour pour quelques cheveux avec Mohammed Mrabet, Une vie pleine de trous avec Driss Ben Ahmed Charhadi, ou encore Aires du temps, un roman sur l'ancienne Tanger, La Jungle rouge, son unique roman noir, et Mémoires d'un nomade (1970). Un thé au sahara est tout à la fois un voyage dans le désert et à l'intérieur d'un couple qui se déchire. Bernardo Bertolucci en fera un film. Avec de la violence et de la noirceur sur fond d'onirisme, Bowles est avant tout un conteur. Il narre des histoires cruelles et dérangeantes sous la tranquillité de mots, nourries de contes glanés au Mexique, au Maghreb, en Thaïlande. En pessimiste ironique, il écrit sur des univers à deux doigts de la rupture, de l'effondrement. Sur les palaces, les déserts, les ports, les routes, les continents, et aussi la tribu des pariats, des vide-goussets de Tanger. Son épouse, Jane, était également romancière. Elle est décédée en 1973. L'écrivain français Daniel Rondeau, dans son essai, Tanger (1987), a rendu un vibrant hommage au vieil ermite qui disait que le désert est l'endroit où il a été le plus heureux car "il n'y avait rien que le vide et pour moi c'est cela la beauté, le vide".