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Jérôme Lindon

Jérôme Lindon, Pdg des éditions de Minuit.

Jérôme Lindon, Pdg des éditions de Minuit qui viennent de remporter les prix Goncourt et Médicis, incarne depuis plus de 50 ans l'esprit de résistance au conformisme et à la complaisance littéraires. Ce septuagénaire grand, mince et distingué, est resté, à l'heure du multimédia triomphant, un artisan aussi passionné qu'engagé, un accoucheur de génie, tout en réalisant des coups mémorables qui ont rapporté beaucoup d'argent à la petite maison d'édition de la rue Bernard Palissy, à Saint-Germain des Prés. Jérôme Lindon, qui ne dîne pas en ville et déteste se mettre en avant, a ainsi "inventé" le Nouveau roman (Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Michel Butor, etc), lancé trois prix Nobel (Elie Wiesel, Samuel Beckett et Claude Simon) et édité un des plus grands succès de l'édition française, L'amant, de Marguerite Duras (1,2 million d'exemplaires). Aujourd'hui, sa passion pour la littérature est intacte: "Je suis optimiste sur la qualité des écrivains, qui est remarquable", a-t-il affirmé lors de la remise formelle du Goncourt. Il se dit toutefois "plus inquiet" face à "la dégradation de la situation économique du livre". Jérôme Lindon "pratique un régime de spartiate et reçoit des lauriers à la pelle", a écrit un critique. Car Minuit, qui n'emploie que 9 personnes et publie entre 15 et 20 titres par an, pour quelque 2.000 manuscrits reçus, parvient régulièrement à tailler des croupières aux grands de l'édition. Cette année, Je m'en vais de Jean Echenoz, tiré avant le prix Goncourt à 73.000 exemplaires, a fait ensuite l'objet d'une première réimpression de 200.000 exemplaires. Les éditions de Minuit sont nées en 1942 avec Le silence de la mer de Vercors. A l'époque, les livres sont imprimés la nuit, d'où leur nom. Le jeune Lindon, qui avait été un résistant précoce, prend les rênes de la maison en 1948. Il a 23 ans. Très vite, Minuit va publier des auteurs prestigieux mais qui n'étaient alors pas très vendeurs: Bataille, Blanchot, Klossowski, etc. "De 1948 à 56, j'étais en permanence en crise financière", souligne l'éditeur. "Il est sympathique ce jeune homme. Quand je pense qu'il va faire faillite à cause de moi", dit Samuel Beckett quand Lindon s'apprête à publier Molloy, refusé par plusieurs éditeurs. Jérôme Lindon fait aussi parler de lui quand il publie en 1958 La question d'Henri Alleg, qui dénonçait la torture pratiquée par les Français durant la guerre d'Algérie et qui vaudra à l'éditeur de nombreuses condamnations. Plus récemment, il a révélé des auteurs aussi brillants que Jean-Philipe Toussaint, Eric Chevillard, Antoine Volodine ou Christian Oster (prix Médicis 99). Il continue de se battre pour le prix unique du livre ou en faveur des librairies indépendantes. Depuis les débuts, "nous n'avons pas trop grossi. C'est ce qui nous a permis de sauvegarder notre indépendance", a-t-il dit en 1992 au journal Libération.

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