Dans Baise-moi de Virginie Despentes, le récit est aussi explosif que la petite fille massacrée en couverture. Mêmes ingrédients morbides pour attirer le lecteur
Cette fois les tueuses en série sont bien coupables. Si elles n'ont pas le talent d'analyste de Julia Kristeva, elles ont celui d'une narration rapide, à coups de poings. Les phrases font mouche, elles ont une acuité qui sauve l'opuscule du caniveau où ses bas instincts auraient pu le confiner: "mais leur bite pue le moisi quand elle les prend dans sa bouche. Ca reste quand même moins pénible que d'aller travailler"... ; "bon comme de la baise. A moins que ce soit la baise qu'elle aime comme du massacre".
Nos sordides héroïnes baisent et tuent à plaisir. La scène du meurtre de l'homme cultivé, grotesque, gratuite et pseudo-vengeance sociale, est un morceau d'anthologie. Langage direct, ordurier, sans aucune couche de vernis linguistique ou moral. Autant le narrateur-tueur d'Américan psycho de Bret-Easton Ellis est froid, méticuleux et chic, autant les créatures de Virginie Despentes sont jouisseuses salopes et vulgaires. Dans les deux cas, pas d'analyse de société ou de psyché, juste un constat. Les meurtriers sont d'immondes prédateurs sans mobiles autres que le déboussolage, le sexe, le fric et la drogue. En ce sens, Virginie Despentes réussit un témoignage.
Hélas, son second livre, Les chiennes savantes, mis à part quelques remarques bien senties sur le milieu des prostituées, tombe définitivement au niveau du roman de gare. Mais que ne feraient pas ces dames pour voir leur prose vendue jusque dans les gares...
-----
Virginie Despentes, Baise-moi (Éditions J'ai lu).