Goethe

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Francfort a célébré par un vaste festival de rues le 250ème anniversaire de la naissance de son plus célèbre fils, Johann Wolfgang von Goethe, l'âme de la littérature allemande. Sous un soleil radieux qui n'aurait pas été pour déplaire au très italianisant père du Jeune Werther, des dizaines de milliers de visiteurs ont convergé vers le centre-ville. Goethe disait lui-même y être né "à midi, au douzième coup", le 28 août 1749. C'est donc à midi pile qu'ont débuté les festivités avec un ballet contemporain d'une troupe de Zurich inspiré de l'un de ses plus célèbres poèmes, l'Apprenti sorcier, sur une immense scène dressée devant l'Opéra de Francfort. De là, la foule pouvait déambuler dans les parcs ceinturant le centre-ville avec un véritable kaléidoscope de spectacles: quartet de saxophones jazzy, joute oratoire entre Goethe et son ami le poète Friedrich Schiller, prêche déchaîné mêlant les citations de Goethe à la Bible, peep-show poétique sous une tente montée devant une église... A noter aussi un choeur d'homosexuels venu de Zurich, un musée de cire des principaux personnages de l'oeuvre du grand écrivain tels Egmont, Werther, Faust et Mephisto et un attelage offrant gratuitement de la bière. Pour la plupart des visiteurs, ces spectacles montés sur 18 scènes par quelque 560 artistes de cabaret, comédiens, musiciens et chanteurs, étaient simplement l'occasion de passer un bon moment. L'opportunité aussi de faire un peu de shopping, les magasins ayant reçu l'autorisation exceptionnelle d'ouvrir jusqu'à 20 heures contre 16 heures habituellement. Pour les plus curieux, Francfort offrait aussi une multitude d'expositions, de lectures et de débats ainsi qu'un concert de musique classique -- la musique que Goethe aurait pu entendre de son vivant s'il n'avait pas choisi de vivre à Weimar pendant plus de 50 ans -- pour refermer la journée. Le chancelier allemand Gerhard Schroeder, le président allemand Johannes Rau et la reine Sofia d'Espagne étaient également en ville pour assister à la remise du prestigieux Prix Goethe de Francfort à l'écrivain Siegfried Lenz. Et l'ensemble de ces festivités devait s'achever par un feu d'artifice sur le parvis de l'Opéra. Une ambiance qui, tout compte fait, n'aurait pas déplu à Goethe, estime la dramaturge Brunnhild Touati: "il était lui-même si vivant et profondément curieux et il aimait aussi se mêler au peuple. Ce serait bien si tout ceci n'était pas simplement une fête de rues de plus mais pouvait encourager les gens qui n'on normalement pas trop de temps à consacrer à Goethe à le lire un peu plus."

Poète, penseur et coureur de jupons, Johann Wolfgang von Goethe occupe une place inégalée dans la littérature et le coeur des Allemands. Poète, romancier et auteur dramatique doué d'un immense talent, l'homme célébré comme le plus grand écrivain allemand a aussi laissé sa marque dans des domaines aussi variés que la géologie, la botanique, la physique et l'anatomie. Sur la fin de sa vie, son écrasante personnalité lui conféra le statut du plus célèbre monument culturel allemand, un sujet de pèlerinage pour lequel des admirateurs américains franchirent l'Atlantique.

Goethe est issu d'une famille bourgeoise, nantie et cultivée, d'un père avocat et conseiller d'Etat et d'une mère fille de bourgmestre. Instruit à domicile jusqu'à seize ans, Goethe s'en va faire son droit à Leipzig, le "petit Paris" de l'Allemagne. Revenu brièvement à Francfort trois ans plus tard, il achève ses études à Strasbourg, qu'il quitte en 1771 après y avoir connu Johann Gottfried Herder (1744-1803). Cette rencontre avec ce compatriote auteur et philosophe, qui exaltait le génie populaire, influença profondément le jeune Goethe. Il regagne Francfort pour exercer comme juriste. Mais il y entame en fait une carrière littéraire, l'une des plus remarquables de l'histoire allemande, ponctuée de succès dont le plus grand reste son roman, Les souffrances du jeune Werther (1777), inspiré par son amour sans espoir pour Charlotte Buff. A la même époque, il écrit la première version de Faust, l'oeuvre qui devait l'occuper pour le restant de ses jours. Ces années francfortoises sont synonymes d'amours agitées. D'abord épris de Charlotte Buff, rencontrée en 1772, il se fiance cinq ans plus tard à Lili Schoenemann, la fille d'un riche banquier qui lui inspirera une série de poèmes. Mais les fiançailles tournent court et Goethe la quitte. A l'automne 1775, il se rend pour la première fois à Weimar, répondant à l'invitation du grand-duc Charles-Auguste, qui lui confie d'importantes fonctions administratives. Là, débute une amitié intense de douze ans avec Charlotte von Stein. Mais ses charges qui l'empêchent d'écrire autant que souhaité et l'ennui de la provinciale Weimar le mènent en Italie en 1786. Ce séjour signe sa renaissance littéraire, avec Iphigénie en Tauride, Le Comte d'Egmont et Torquato Tasso. Au printemps 1788, Goethe renoue avec Weimar. Son nouvel amour est Christiane Vilpius, au grand dam de la cour qui méprise cette fille d'un petit bureaucrate. Elle lui donnera cinq enfants, mais un seul survivra. Goethe se consacre alors passionnément aux sciences, surtout à l'optique, publiant une Théorie des couleurs en 1810. Sur le front littéraire, il achève Faust en 1806 et Les Affinités électives en 1809. Depuis 1794, une solide amitié le lie à l'écrivain Schiller, dont la mort prématurée en 1805 l'affectera beaucoup. L'épouse de Goethe meurt en 1816. Il lui survivra jusqu'au 22 mars 1832, succombant à une crise cardiaque quelques mois après avoir achevé Le Second Faust.

La Goethe-mania a aussi gagné l'Alsace, "région paradisiaque" où le jeune Goethe a vécu seize mois trépidants à l'âge de 20 et 21 ans. Concerts, colloques, expositions et manifestations se sont succèdés pour encenser le grand poète dans chacune des localités alsaciennes qui cultivent religieusement sa mémoire: Strasbourg, Saverne, Bouxwiller, le mont Sainte-Odile et surtout Sessenheim, le village où vécut son grand amour de jeunesse, Frédérique Brion, sacrifiée par Goethe sur l'autel d'une carrière prometteuse.

Avril 1770. Le jeune Johann Wolfgang von Goethe arrive à Strasbourg avec un double projet: perfectionner sa pratique du français et obtenir un doctorat en droit. Il en repartira en août 1771 en ayant complètement raté ces deux objectifs. En revanche, il s'est bien amusé en Alsace et il y a rencontré les personnalités les plus marquantes du monde scientifique et littéraire. Il a aussi commencé à accumuler les bases d'une culture encyclopédique qui allait faire de lui le "dernier génie universel" européen, selon le Pr Gonthier-Louis Fink, de l'Université des sciences humaines de Strasbourg. Il étudie la médecine à Strasbourg, notamment l'anatomie, qui lui permet de surmonter son dégoût du sanguinolent, ainsi que la chimie, son "amour secret". Un voyage à Bouxwiller et sur la colline voisine du Bastberg, en calcaire bourré de coquillages marins fossilisés, lui permet de réfuter certaines des thèses anticléricales de Voltaire, pour qui la Bible en général et le "Déluge" en particulier n'étaient qu'un tissu de contes pour bonnes femmes. Goethe a notamment décrit d'étranges escalades de la flèche et du clocher de la cathédrale de Strasbourg pour vaincre le vertige. Il a aussi combattu sa phobie du bruit en s'approchant d'une batterie de tambours. Le poète, surnommé "le promeneur", a longuement parcouru l'Alsace à pied ou à cheval, y récoltant des chants populaires ou y cherchant l'inspiration de ses poèmes. Plus rien ne reste malheureusement de la correspondance échangée entre la fille du pasteur Brion et le poète, une descendante de Frédérique ayant demandé à être enterrée avec ces précieuses lettres... Mais année après année, des milliers de personnes viennent en pèlerinage à Sessenheim devant le chêne de Goethe, la grange du presbytère, l'église où Goethe assistait au culte, le musée et le mausolée.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 30 août 1999. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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