République des Lettres

Jean Ziegler

Jean Ziegler La Suisse, l'or et les morts (éditions du Seuil)

Les banquiers suisses ont été les "receleurs d'Hitler", permettant au IIIème Reich de prolonger la 2ème Guerre mondiale, affirme l'écrivain et député socialiste suisse Jean Ziegler, dans La Suisse, l'or et les morts.
Dans son ouvrage, M. Ziegler, qui avait annoncé en octobre le dépôt d'une motion demandant au gouvernement suisse "la suppression dans les meilleurs délais" du secret bancaire, s'appuie sur nombre de documents, issus notamment des services américains et sortis du secret en 1996, qu'il mêle à des considérations personnelles touchant aux racines du peuple suisse. Il analyse les différentes manières dont les banques de Suisse, pays neutre pendant le conflit, ont en réalité permis à Hitler de financer son effort de guerre. "Sans les banquiers suisses, la guerre aurait été terminée plus tôt et des centaines de milliers de vies humaines auraient été sauvées", écrit-il. Ceux qu'il appelle les "gnomes" de Zurich, de Bâle et de Berne, à savoir les banquiers, "furent en très grande partie des complices consentants, des auxiliaires zélés", par "cupidité" plus que par sympathie idéologique. "C'est de ces profits de guerre que date l'impressionnante puissance financière des grandes banques suisses à l'échelle de la planète", ajoute-t-il, en braquant un fort coup de projecteur sur la "guerre économique", aussi cruciale que la guerre sur le terrain.
L'Allemagne d'Hitler avait besoin de devises pour régler ses importations en manganèse, tungstène, chrome, minerai de fer et autres denrées nécessaires à ses opérations militaires. Au fur et à mesure de ses conquêtes, le Fuhrer a mis la main sur l'or des banques centrales de onze pays européens, que la Suisse a été le seul pays à accepter de lui changer contre des devises. Parmi ce butin, figurait également l'or provenant de bijoux, dents et biens divers prélevés sur les victimes des camps de concentration et des massacres dans les ghettos juifs. Au début de la guerre, affirme M. Ziegler, "la Reichsbank allemande avait un dépôt auprès de la banque nationale suisse. Ce compte était vide. Les premiers versements d'or y furent effectués le 14 janvier 1940. Entre-temps, Hitler avait envahi la Pologne". Entre 1939 et 1945, le Reich déposera en Suisse de l'or pour une valeur de 1,7 milliard de francs suisses de l'époque. Une partie de cet or est devenu propriété de la Banque nationale suisse, qui l'a échangé contre des francs suisses. L'or "allemand" a également servi à payer les exportations d'armes et de produits industriels de la Suisse vers l'Allemagne, qui avait également obtenu des crédits auprès des industriels helvétiques. Crédits qui s'élevaient, à la fin de la guerre, à plus d'un milliard de francs suisses, rappelle-t-il. L'autre partie de cet or, "lavé" par les banques suisses, a été revendu à des pays comme le Portugal ou l'Espagne. Aujourd'hui, explique l'auteur, trois types de patrimoines liés à la 2ème Guerre mondiale sont recherchés en Suisse: les avoirs appartenant à des survivants de l'Holocauste ou à leurs héritiers, l'or volé par les Allemands dans les banques des pays conquis et "blanchi" par la Suisse et les fonds évacués en Suisse par les hauts dirigeants nazis, à l'approche de la défaite, pour permettre la constitution d'un IVème Reich.

La République des Lettres, mardi 15 avril 1997

 

 

 

 

 

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