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Carlos Castaneda

La mort de Carlos Castaneda

L'écrivain mystique et anthropologue Carlos Castaneda, considéré comme un des pères du mouvement New Age américain, s'est éteint le 27 avril 1998 aux Etats-Unis, emportant jusque dans la mort son aura de secret et de mystère. Sorcier blanc autoproclamé, Carlos Castaneda est mort à son domicile de Westwood (Californie), des suites d'un cancer du foie. Sa mort, annoncée seulement à la mi juin par l'avocat chargé de son exécution testamentaire, a causé l'étonnement parmi ses proches. Son corps a été incinéré et ses cendres ont été dispersées au-dessus du désert mexicain, conformément à ses dernières volontés. Auteur de dix livres traduits en 17 langues, la plupart best-sellers, Castaneda a influencé toute une génération et possède des millions de disciples à travers le monde. Né, selon ses dires, au Brésil le jour de Noël 1925, immigré aux Etats-Unis en 1951, Carlos Cesar Arana Castaneda, alors étudiant d'anthropologie à l'université de UCLA (Los Angeles) était devenu instantanément célèbre en 1968 avec la publication de son mémoire de maîtrise, consacré à un séjour mystique dans le désert de l'Arizona et du Mexique. Le livre L'herbe du diable et la petite fumée (The Teachings of Don Juan: A Yaqui Way of Knowledge) racontait sa rencontre avec un shaman mexicain, un vieux sorcier indien Yaqui, Juan Matus, qui l'avait initié à un monde occulte ancien de plus de 2.000 ans, grâce au recours à de puissantes drogues hallucinogènes (peyotl, marijuana, champignons, etc.). De phases d'extase en moments de panique mêlés, Castaneda décrivait ainsi ses visions d'insectes géants ou sa transformation en corbeau, divers "états de la réalité non-ordinaire" dont il affirmait qu'ils lui permettaient de parvenir à un état de suprême sagesse et de savoir. L'ouvrage, mélange subtil d'anthropologie, de parapsychologie, d'ethnographie, de bouddhisme et sans doute aussi de fiction -- le vieux shaman indien n'ayant jamais été retrouvé, ses pairs anthropologues accusèrent Castaneda de l'avoir inventé -- allait devenir un best-seller dans le monde entier et tomber à pic pour la génération psychédélique des années '60. En 1995, lors d'un séminaire, il avait démenti avoir fabriqué son récit: "Je n'ai rien inventé. Vous savez, je ne suis pas fou. Oh, peut-être un petit peu". Discrédité auprès des ses pairs universitaires, il allait néanmoins poursuivre quelques années son aventure initiatique hallucinée et publier de nombreux ouvrages à succès, dont Voyage à Ixtlan, Histoires de pouvoir, La force du silence. Castaneda fera plus tard marche arrière sur le recours aux drogues pour ses expériences mystérieuses, reconnaissant, au milieu des années '70, que son "hypothèse sur le rôle des plantes psychotropes était erronnée". L'hebdomadaire Time avait choisi en 1973 ce "Latino-américain costaud, affable et bourré de vitamines", aux "cheveux noirs, ondulés, coupés courts" et aux yeux brûlant "d'une vivacité humide", pour illustrer en couverture la renaissance spirituelle américaine. Une gouache le représentait devant un corbeau aux ailes déployées, sur fond de désert, un pied de peyotl à la place de l'oeil droit. L'écrivain américain Joyce Carol Oates avait jugé que l'oeuvre de Castaneda marquait un tournant littéraire. "Ses livres me semblent être de remarquables oeuvres d'art, sur le thème à la Herman Hesse de l'initiation d'un jeune homme à un autre mode de la réalité. Ils sont joliment construits. Les dialogues sont parfaits. Le personnage de Don Juan est inoubliable". Très discret de son vivant -- il évitait soigneusement photos et interviews et entretenait le plus grand flou sur les détails de sa vie -- il est mort comme il avait vécu, remarque le Los Angeles Times, "dans le calme, le secret et le mystère". "La mort est le plus grand des plaisirs, aimait-il à dire, c'est pour ça qu'on la garde pour la fin".