Rodrigo de Zayas

Rodrigo de Zayas est l'un des derniers grands humanistes, un aristocrate espagnol au savoir encyclopédique, à la fois écrivain, musicien, bibliophile et homme politique qui a bénéficié d'un héritage familial hors du commun. Deux nouveaux livres de cet érudit polyglotte, né à Madrid en 1935, viennent de sortir: Séville, où il vit dans un palais, et Ibn Arabi ou le maître d'amour, deux ouvrages écrits directement en français.

Qu'est-ce que Séville? L'auteur raconte que pour Don Ramon, un vieux professeur, Séville est La Femme parce que les rues du centre "suivent toutes une ligne courbe". Rodrigo de Zayas parle du bonheur à vivre dans la capitale andalouse, métaphore de toutes les douceurs et de toutes les tolérances. Ibn Arabi (1165-1241) est l'auteur de l'oeuvre théologique et métaphysique "la plus vaste jamais composée par un seul homme" (846 ouvrages lui sont attribués). Son influence sur Dante, Saint-Jean de la Croix ou Giordano Bruno en font une personnalité fondamentale de la culture universelle. L'auteur fait revivre l'une des époques les plus fastes de la pensée des arts et des lettres en Méditerranée. Pour le théologien, "la haine et le meurtre contredisent radicalement l'enseignement moral des trois grandes religions monothéistes: judaïsme, christianisme et islam".

Rodrigo de Zayas, qui a reçu une éducation française successivement à Damas, Grenoble et Paris, est le fils de Marius de Zayas, brillant artiste d'origine mexicaine, découvreur d'art primitif et familier notamment de Pablo Picasso. Il ouvrit en 1915 avec Francis Picabia (et d'autres) la fameuse Modern Gallery de New York. La mère de Rodrigo, Virginia Harrisson, tenait pour sa part salon à Paris, que fréquentaient Ezra Pound et James Joyce. De ses parents, il a hérité une bibliothèque de 35.000 volumes et des trésors artistiques, connus dans le monde entier. "La collection va de très rares inscriptions chinoises du quatrième millénaire sur os de cervidés à une série de 2.500 manuscrits na-khis, une civilisation disparue du Tibet, en passant par d'exceptionnels ouvrages de magie noire du XVe siècle", dit-il. Pendant des décennies, Rodrigo de Zayas a dirigé avec sa femme (qui est cantatrice) le groupe de musique Taller Ziryab, menant une carrière de concertiste international. Il a aussi animé en Espagne un parti "à gauche de la gauche". Depuis 1991, il a choisi de se consacrer à l'écriture, rédigeant directement en français. Dans Ce nom sans écho, une "tétralogie romanesque" qui est son grand-oeuvre, il a entrepris de réécrire l'histoire universelle, de la chute du Royaume de Grenade à la création d'Israël et à la naissance de l'état palestinien. "L'entreprise est d'une envergure proportionnelle au silence qui l'entoure dans les média", avait alors regretté La quinzaine littéraire. Rodrigo de Zayas se voit comme "un produit mixte de la culture latine et anglo-saxonne", tout en rêvant "d'approcher l'esprit analytique français". "Ce qui m'inquiète, a-t-il ajouté, c'est que nous fassions de l'Europe une nouvelle Amérique du nord".

Copyright © Thierry Guinhut / republique-des-lettres.fr, Paris, jeudi 01 octobre 1998. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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