Jean-Luc Godard

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Jean-Luc Godard

Le dernier Godard, Histoire(s) du cinéma, qui sort chez Gallimard en quatre volumes et sur les écrans en 6 heures, est un imposant livre d'images où se mêlent les personnages du siècle et les héros de fiction.

Le propos initial de Jean-Luc Godard était de raconter l'histoire du 7ème art dans une série d'émissions pour la télé (et non dans un film pour le grand écran) et l'affaire lui a pris plusieurs années. Au fil de la réalisation des chapitres en images, plusieurs épisodes ont été diffusés par diverses chaînes de télévision et à la cinémathèque de Paris. Le livre transcrit exactement le film, présentant, page après page, les images de films ou d'actualité que le cinéaste de la Nouvelle Vague a sélectionnées, avec les éventuelles phrases en surimpression, entrecoupées des textes lus à l'écran en voix-off (sans aucune ponctuation).

Le résultat est "godardissime": dans le premier volume, le réalisateur de A bout de souffle et de Pierrot le fou raconte l'histoire de quelques grandes figures du cinéma, notamment celle d'Howard Hugues "plus courageux que Mermoz et plus riche que Rockefeller (page suivante) producteur de Citizen Kane et patron de TWA comme si Méliès avait dirigé Gallimard en même temps que la SNCF (page suivante) et avant que Hugues Aircraft se mette à repêcher les sous-marins de la CIA (page suivante) il obligeait les starlettes de la RKO (page suivante) à faire chaque samedi une promenade en limousine à deux à l'heure pour ne pas risquer d'abimer leurs seins en les faisant rebondir".

Une toile de Picasso s'accompagne de ce commentaire "on a oublié cette petite ville et ses murs blancs cerclés d'oliviers mais on se souvient de Picasso c'est-à-dire de Guernica" et à la page suivante, à côté des photos de deux jeunes résistants "on a oublié Valentin Feldman le jeune philosophe fusillé en 43 mais qui ne se souvient au moins d'un prisonnier c'est-à-dire de Goya".

Le livre/film est un long poème quelquefois cocasse, souvent sombre, puisque l'histoire est comme ça. On est tenté de "zapper" dans les livres et pourtant il vaut mieux se laisser entraîner au rythme de Godard même s'il avoue la difficulté de son entreprise: "Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il me faut une vie pour faire l'histoire d'une heure. Il me faut une éternité pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait", a-t-il dit dans une interview.

Originalité supplémentaire, les couvertures des 4 volumes sont illustrées, ce qui dans la "collection blanche" de Gallimard n'a eu qu'un seul précédent: L'oeil écoute de Paul Claudel. Chez Gallimard on indique que ce monumental travail d'édition ne coûte "que" 490 francs parce que Godard tenait à ce qu'il ne dépasse pas 500 francs, ce qui a été possible grâce à la subvention du Centre national du Cinéma.

Histoire(s) du cinéma s'ouvre sur une photo d'Anna Karina dans Pierrot le fou et s'achève sur un portrait de Godard lui-même, âgé aujourd'hui de 68 ans. Entretemps, les lecteurs/spectateurs s'amuseront à trouver l'origine des images, quel film, quel événement, quel peintre. Parce que cette création de Godard aurait aussi pu s'intituler "Mémoires".

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Jean-Luc Godard, Histoire(s) du Cinéma (Éditions Gallimard).

Copyright © Virginie Kramer / republique-des-lettres.fr, Paris, jeudi 15 octobre 1998. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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