Abdallah de Jordanie

Abdallah de Jordanie

La censure jordanienne révise 2.500 publications étrangères interdites dans le royaume.

Des oeuvres taboues dans le monde arabe, témoignant d'une interprétation libérale de l'Islam ou s'attaquant aux princes Arabes, sont désormais autorisées en Jordanie qui a entamé une politique d'ouverture culturelle.

En tête des ouvrages figurent La critique du discours religieux de l'égyptien Nasr Abou Zeid, taxé d'apostasie et poursuivi en justice par les islamistes dans son pays. Il vit actuellement aux Pays-Bas. "C'est une ouverture culturelle qui répond à la volonté du roi Abdallah II de Jordanie d'élargir les libertés publiques", déclare le directeur du bureau de la censure, Abdallah al-Outtoum.

Dès son accession au trône au mois de février, le souverain hachémite s'est donné pour priorité le développement des libertés publiques et ordonné une révision du code de la presse, contesté dans son pays. "A l'ère de l'internet, il n'est plus logique de censurer les informations et les écrits. Nous sommes confiants que le lecteur jordanien peut faire la distinction entre le vrai et le faux", ajoute M. Outtoum. "Un comité de ce département s'est vu confier la tâche de revoir toutes les publications étrangères qui avaient été interdites par la censure depuis son instauration en 1927", explique-t-il.

Un membre du comité, M. Rasmi Mahasna, souligne que "depuis la mi-août, le comité a levé l'interdiction sur une cinquantaine de publications par jour et le nombre total a dépassé jusqu'ici les 500 ouvrages dans les domaines politique, religieux et culturel". "Nos critères se sont élargis et dorénavant, seules de rares publications seront interdites", selon lui. Toutefois, M. Mahasna note que dans sa révision des écrits, le comité s'est fixé trois lignes rouges à ne pas franchir: les publications contenant des "atteintes ou de faux renseignements sur la famille royale hachémite, celles qui s'attaquent aux principes de base de l'Islam et du Christianisme, et celles qui portent atteinte à la pudeur".

Selon M. Mahasna, le comité autorise toutefois des ouvrages "anti-arabes qui manquent d'objectivité", dont notamment Les Palestiniens: La création d'un peuple, de l'écrivain juif Baruch Kimmerling ainsi que Arafat: Terroriste ou forgeur de paix? d'Alan Hart. Les négociations secrètes entre Arabes et Israéliens, de l'égyptien Mohamed Hassaneine Heikal, porte-parole du régime nassérien dont les relations étaient tendues avec Amman, a été également autorisé. Concernant les livres sur l'Islam, "nous avons autorisé tout ceux qui contiennent des interprétations de la religion, mais sans toucher au fond de la foi musulmane", indique M. Mahasna.

Outre l'ouvrage de Nasr Abou Zeid, qui prône une relecture contemporaine du Coran, le livre saint des musulmans, le comité a autorisé L'Islam et le Mythe de la Confrontation de Fred Halliday qui témoigne d'une fausse compréhension de l'Islam et L'Islam et la Démocratie de la marocaine Fatima al-Mernissi, ouvrage selon lequel la démocratie n'existait pas à l'aube de l'Islam.

En outre, toujours dans le cadre d'ouverture culturelle du royaume, les taxes sont supprimées sur les programmes informatiques et les cassettes vidéo importés qui ne seront ne seront par ailleurs plus soumises à des mesures de vérification aux aéroports et aux poste-frontaliers.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, mercredi 01 juin 1994. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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