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La République des Lettres

Robert Guédiguian

François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995, ne serait sans doute pas plus présent s'il dirigeait encore la France en ce début d'année 2005 où pas un jour ne passe sans que les médias lui consacre des articles, de la rubrique société à la culture en passant par politique et justice.
Dernier évènement en date à faire couler l'encre du commentaire depuis déjà plusieurs semaines est le film de Robert Guédiguian, Le Promeneur du Champ de Mars, à sortir en salles mercredi 16 février. Il reprend en partie les dialogues du président socialiste avec le calamiteux journaliste mi-mondain mi-arriviste des années '80 Georges-Marc Benamou (co-signataire du film), qui a recueilli les dernières confidences du président lors d'une série d'entretiens et les a publiées en 1997 chez Plon sous le titre Le dernier Mitterrand.
Etrange fiction-documentaire en forme de requiem, Le Promeneur du Champ de Mars met en scène François Mitterrand dialoguant avec un jeune journaliste vers la fin de sa vie. Il lui parle certes de politique mais on y entend surtout les réflexions d'un viel homme de pouvoir à la vie bien remplie méditant longuement sur la mort, l'amour, la souffrance, la postérité, l'histoire, la mémoire,... Le rôle de François Mitterrand est magistralement interprété, sans imitation, par un Michel Bouquet au sommet de son art.
Le cinéaste ex-communiste Robert Guédiguian, réalisateur du célèbre Marius et Jeannette et d'autres films jusqu'alors plus "marseillais" à connotation sociale, indique qu'il n'a pas voulu faire une reconstitution historique et que son film est une oeuvre d'imagination. Il ne s'est pas vraiment documenté sur son personnage, à l'évidence assez différent de l'original. Son Mitterrand-Bouquet est moins distant, moins politicien, plus idéaliste et plus humain que le Mitterrand réel. Guédiguian a simplement tenté de montrer avec une sorte de justesse mélancolique, dans un style émouvant, trés sobre et très épuré, voire quasi funèbre, un homme seul devant la mort. Il n'a pas hésité à évacuer pour cela le monde de la politique et de la mitterrandie, se contentant de retranscrire en arrière-plan une grise atmosphère de fin de règne qui n'en fait que mieux ressortir la figure de premier plan.
Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian n'est pas une oeuvre à verser aux dossiers de l'histoire, même immédiate, mais simplement un dernier souvenir français ému destiné à rejoindre le fatras mythologique qui recouvre, dix ans après sa mort, le cadavre encore chaud de François Mitterrand.

Copyright © Jean Bruno / La République des Lettres, Paris, mardi 15 février 2005. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.