République des Lettres

Luis Bunuel

Filmographie / Biographie de Luis Bunuel (22.02.1900 - 29.07.1983).

"Massif, légèrement voûté, Bunuel a quelque chose du taureau soudain ébloui par les lumières de l'arène. Sa légère surdité ajoute à l'impression de solitude inquiète que donne le personnage; mais légère est la barrière à franchir pour trouver l'homme; doux, calme, tendre, réservé, incapable constitutionnellement de la moindre hypocrisie", écrivait André Bazin dans un des premiers numéros des Cahiers du cinéma. Dans la même revue, en mai 2000, on lit un extrait du livre de souvenirs Memorias de una mujer sin piano, publié en 1990 par Jeanne Rucar que Luis Bunuel épousa en 1934 et dont il eut un fils: “Luis était jaloux, dominateur, et tendre aussi: il avait le sens de l'humour et il était gai (...) Réservé, jaloux de sa vie privée, qu'il n'évoquait même pas avec nous, sa femme et ses fils. Il s'enfermait pour lire dans son bureau. Il lisait énormément (...) Il ne me commentait pas ses lectures. Il ne voyageait que pour des raisons de travail - il avait, comme moi, peur de l'avion. Avant de monter à bord, il buvait un Martini; il était casanier, lui aussi (...) J'ai l'impression qu'il était anti-tout: antifranquiste, antirépublicain, antimonarchiste, antidictature." On ne se lasserait pas de lire les mots qui racontent le quotidien de ce géant de l'histoire du cinéma, vues personnelles qui en disent parfois plus que les théories qui affluèrent sur le maître espagnol.
Luis Bunuel est né à Calanda (Aragon), le 22 février 1900. Il est l'aîné de sept enfants. Mère catholique, père libéral, famille aisée. Collège des jésuites à Saragosse, de huit à quinze ans, puis lycée laïc. à cette époque, il lit Darwin et perd la foi, mais aura toujours des amis prêtres ou religieux. A 17 ans, il étudie à Madrid, soutenant les dadaïstes. En 1923, le père de Bunuel meurt. Il passe un diplôme de philosophie. En 1925, il vient à Paris comme secrétaire d'Eugenio Ors dans le cadre de la Société internationale de Coopération Intellectuelle, et voit Les Trois Lumières de Fritz Lang qui déclenche son désir de filmer. Il apprend le cinéma en étant par deux fois l'assistant de Jean Epstein, dont il a suivi les cours, pour Mauprat et La chute de la Maison Usher, se faisant renvoyer du second pour insolence. Il se rapproche d'Aragon, Breton, Soupault, Man Ray, Crevel... Félicitations de Cocteau qui le présente au vicomte de Noailles, futur financier de L'âge d'or. Bunuel, avare de paroles sur sa vie comme sur son oeuvre sera un cinéaste de l'instinct. Si Jacques Lacan, dans un de ses séminaires sur la paranoïa, tira une révérence au film El, c'est parce que l'homme en proie à la fragilité de son mental fut toute sa vie la recherche de Bunuel, qu'il soit en Amérique, en France ou Mexique (de nationalité espagnole il devint mexicain). L'homme et son incommunicabilité, l'homme Bunuel, et l'homme en ses personnages, éternellement transgressif, être de la division, tel le prémonitoire oeil coupé dans Un chien andalou. En 1973, Bunuel était nominé pour l'Oscar du meilleur film étranger avec Le charme discret de la bourgeoisie. Un journaliste lui demande: “M. Bunuel croyez-vous gagner le prix ?" Il répond: " Mais bien entendu ! J'ai déjà donné 50 000 dollars aux américains et je leur ai promis 50 000 autres dollars après réception du prix." Après avoir remporté l'Oscar, il déclara. "Voyez, les Américains ont bien des défauts mais ce sont des gens de parole !". Disait-il la vérité ou n'avait-il pas cessé d'être surréaliste? Ou était-ce les deux ? Il meurt (ou n'était-ce qu'une nouvelle et mauvaise blague?) le 29 juillet 1983 à Mexico.
étudiant à Madrid, Bunuel, à 17 ans, rencontre Federico García Lorca et Salvador Dalí avec lequel il écrit le scénario de Un Chien andalou, chef-d'oeuvre de l'avant-garde et de la métaphore surréaliste (la lune coupée en deux par un nuage comparée à un oeil coupé et les désormais célèbres livres-revolvers. A noter que Bunuel était collectionneur de revolvers), financé par sa mère. En 1930 le mariage de Dali avec Gala les éloigne, alors que Bunuel envisageait avec le peintre une nouvelle collaboration pour L'âge d'or, autre film clé du surréalisme. Allégorie liée à la psychanalyse qui, hué par des agressions facistes (une projection fera l'objet d'une agression par la Ligue anti-juive et la Ligue des patriotes), le film est interdit, décision qui ne sera officiellement levée qu'en 1982, pour une projection au Festival de Cannes et à la télévision française, un an avant la mort du cinéaste. L'âge d'or précède, comme un dernier soubresaut du surréalisme, le travail plus documentaire que fut Terre sans pain, en 1932, sur la misère espagnole dans la région des Hurdes, film annonçant la guerre civile et interdit en Espagne. Entre 1933 et 1935, Bunuel travaille pour des compagnies américaines et participe à Madrid 36, un documentaire pro-républicain, avant de partir aux Etats-Unis en mission offielle pour la République espagnole. Il rejoind en 1939 la Coordination des activités interaméricaines, service de propagande qui sensibilise les pays d'Amérique Latine aux risques du nazisme. Il s'emploie à détracter le cinéma de propagande nazie, dénonçant notamment le Triomphe de la volonté tourné en 1934 par Leni Riefenstahl pendant le congrès du Parti National Socialiste à Nuremberg. En 1941, Bunuel est conseiller et chef monteur à l'unité documentaire du Musée espagnol d'Art Moderne qui vient d'être créé. En raison du marxisme dont il se réclame, Dali n'hésite pas à le lui reprocher dans son autobiographie qui vient de paraître en Espagne. Bunuel s''exile au Mexique. Oscar Dancigers, producteur mexicain, le relance: deux films commerciaux, Grand Casino en 1946 et Le grand noceur en 1949, lui donnent les moyens de tourner Los Olvidados en 1950, inspiré par le film Sciuscia (1946) de Vittorio De Sica, qui montrait des gamins des rues à Rome. Violemment égratigné au Mexique, où certains demandent l'expulsion du réalisateur, il reçoit à Cannes en 1951 le Prix de la mise en scène et celui de la Critique internationale, ce qui relance le film dans les salles mexicaines. Suivent deux chefs-d'oeuvre: El, en 1952 et La Vie criminelle d'Archibald de La Cruz en 1955. Nazarin, sommet de sa période mexicaine, sorti en 1958, montre de nouveau l'Espagne à travers un prêtre qui pleure et veut partager son existence avec des prostituées. Le film manque de peu de recevoir le prix de l'Office catholique du cinéma et devient un succès qui ouvre une période plus clémente pour Bunuel. Il est désormais soutenu par des producteurs mexicains, espagnols et français qui lui permettent de rencontrer le public, même si le Vatican hurle au sacrilège avec Viridiana, tourné en Europe en 1961, qui reçoit la Palme d'or à Cannes mais est finalement interdit par Franco. Simon du désert sera le dernier film mexicain. Bunuel vient régulièrement tourner en France, avec Jean-Claude Carrière en scénariste attitré. La voie lactée, Belle de jour, Tristana (et sa triple fin qui nous fait douter de la réalité de l'histoire qui n'a peut-être été que rêvée par Tristana, magique Catherine Deneuve). Après Le charme discret de la bourgeoisie (oscar du meilleur film étranger) en 1972, Le fantôme de la liberté en 1974 et Cet obscur objet du désir en 1977 -- où le personnage principal féminin, l'objet, est joué par deux actrices différentes, Carole Bouquet et Angela Molina, représentantes de tout ce que ses films cristallisèrent autour du thème de l'obsession -- Bunuel cesse de tourner.
Note : Bunuel notait dans un carnet la vingtaine de rêves qui ont hantèrent régulièrement ses nuits. Ils nourrissaient sans doute cette "pulsion du négatif" (terme d'Alain Bergala) qui fit le fond et la forme de toute son oeuvre. Comme Flaubert avait dit "Madame Bovary, c'est moi", Luis Bunuel, cinéaste de la précision, disait, à propos du protagoniste de Tristana joué par Fernando Rey (1969): "Don Lope, c'est moi".
Filmographie : 1929: Un chien andalou; 1930: L'âge d'or; 1933: Terre sans pain; 1937: Espagne 37; 1946: Grand Casino; 1949: Le grand noceur; 1950: Los olvidados, Susana la perverse; 1951: Don Quentin l'amer, Pierre et Jean, La Montée au ciel; 1952: L'enjôleuse, Robinson Crusoé, El; 1953: Les Hauts de Hurlevent, On a volé un tram; 1954: Le fleuve de la mort; 1955: La vie criminelle d'Archibald de la Cruz, Cela s'appelle l'aurore; 1956: La mort en ce jardin; 1958: Nazarin; 1959: La fièvre monte à El Pao; 1960: La jeune fille; 1961: Viridiana; 1962: L'ange exterminateur; 1963: Le journal d'une femme de chambre; 1964: Simon du désert; 1966: Belle de jour; 1968: La voie lactée; 1969: Tristana; 1972: Le charme discret de la bourgeoisie; 1974: Le fantôme de la liberté; 1977: Cet obscur objet du désir.

Michel Marx, vendredi 22 avril 2005

 

 

 

 

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