Achille N'Goye

Premier écrivain francophone à figurer dans la célèbre collection Série Noire de Gallimard, Achille N'Goye connaît parfaitement le milieu du show-business africain de Paris puisqu'il a publié moult articles sur ce sujet dans Actuel et Libération notamment. Voilà la première des clefs pour entrer de plein pied dans ce récit, déroulé sur une semaine, qui s'ouvre sous les pires auspices: un "vendredi 13... à 20-Heures". A l'heure du J.T.. A croire qu'il n'y a que le roman policier pour rendre intelligibles les liaisons dangereuses entre la politique, celle de la "République négro-africaine du Kalina" et de ses excroissances en région parisienne: l'argent douteux et la prostitution. Mais tout cela ferait sourire le lecteur amusé si l'auteur ne procédait par grosses allusions, rappelant au besoin tel ou tel fait accompli par les hommes de main "du maréchal président Pupu Muntu, dernier des Conducators et kleptocrate notoire" -- suivez mon regard! Ainsi, les tueries du campus de Lumumbashi, les assassinats programmés qui frappent les opposants en exil; tout est dit, en quelques lignes sèches et en autant de clins d'oeil. Mais d'abord rappelons l'intrigue Danga, opposant notoire de Pupu Muntu (la doublure de Mobutu Sese Seko, ou je n'ai rien compris au film), s'est fait buter devant la porte de son appartement de banlieue. Première piste: Jim Bafoussa, directeur d'une agence de showbiz, Kalinais aux doigts boudinés et ami du défunt. Si Khadi, la maîtresse présente sur les lieux du méfaits, est hors soupçon, reste son ex-mari jaloux. Restent les éléments troubles du milieu interlope, l'africanaille que fréquentait le trépassé. Restent les alliances politiques et les vengeances toujours possibles car le guignol était loin d'être rose. Mais les faits sont là et l'inspecteur Mayotta a beau parcourir le guide L'Afrique à Paris, l'énigme demeure entière. Le mystère s'épaissit et la rumeur gonfle à la cité des Peupliers: "Comment Danga faisait-il pour entretenir sa poule et mettre de l'huile de palme dans ses feuilles de manioc ?". Enfin, il faut aussi attirer l'attention sur la langue alerte et verte de Achille Ngoye qui serait, au cinéma et à la télévision, un bon dialoguiste. Après les deux tentatives romanesques de Simon Njami qui s'inspirait davantage de Chester Himes et de James Baldwin plutôt que des frasques de la pègre noire de l'Ile de France, un nouveau pas a été franchi. Avec Agence Black Bafoussa, l'Afrique-sur-Seine, naguère à peine effleurée par les deux films Black Micmac, possède désormais son premier vrai polar. Il est certain que le Zaïrois suscitera des vocations du coté, disons au hasard, de Montreuil.

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Achille N'Goye, Agence Black Bafoussa (Série Noire / Éditions Gallimard).

Copyright © Abdourahman A. Waberi / republique-des-lettres.fr, Paris, jeudi 01 août 1996. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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