Les Vieux Maîtres n'avaient jamais tort
Lorsqu'ils s'agissait de la souffrance ;
Ils comprenaient si bien l'humaine condition :
Comment elle prend lieu et corps
Quand quelqu'un d'autre mange,
Ouvre une fenêtre ou simplement marche
Lourdement las;
Comment, lorsque, plein de révérences et passion,
Les anciens attendent la miraculeuse naissance,
Il doit toujours y avoir des enfants
qui ne voulaient pas vraiment que ça arrive
Et patinent sur l'étang, ses rives boisées.
Ils n'oubliaient jamais
Même si l'horrible martyre doit suivre de toute façon
Son cours dans un coin, un endroit un peu souillé
Où les chiens vaquent à leurs affaires de chiens
Et où le cheval du bourreau à l'arbre gratte
Son innocente croupe.
Dans l'Icare de Brueghel par exemple voyez
Comme tout et tous se détournent à loisir du désastre :
Le laboureur a peut-être entendu
Quelques éclaboussures, un cri perdu,
Mais pour lui ce n'était certes pas un échec d'importance ;
Le soleil brillait comme il devait le faire
Sur les jambes blanches disparaissant dans les eaux vertes,
Et le délicat gallion qui a peut-être vu
Quelque chose d'étonnant, un garçon, tombant du ciel, continuait
A faire voile calme là où il devait se rendre.
(Traduction de Bruno Sibona)