Varian Fry

Varian Fry

Sans moyens ni soutien, un américain de 33 ans, Varian Fry, sauve en 1940 et 41 dans le midi de la France plus de 1.500 personnes, dont des artistes et intellectuels menacés par les nazis comme Marc Chagall, Max Ernst, André Breton, André Masson et Hanna Arendt. Dans le livre La liste noire, il raconte son exceptionnelle aventure. L'ouvrage a été publié, dans l'indifférence générale, en 1945 aux Etats-Unis mais était inédit en France.

Mort en 1967 à l'âge de 59 ans, Varian Fry est l'un des héros les plus méconnus de la seconde guerre mondiale, comparable à Raul Wallenberg ou Oskar Schindler. Figure légendaire en Israël, il est depuis 1996 le premier américain à être reconnu comme "Juste" par l'État hébreu.

Fils d'un agent de change new-yorkais, cet élégant diplômé de Harvard débarque à Marseille en juin 1940, mandaté par une organisation humanitaire. Des centaines de personnes, dont de nombreux artistes, intellectuels et scientifiques, espèrent émigrer vers le Portugal, le Maghreb ou l'Amérique. Varian Fry se démène auprès de l'administration pétainiste, des consuls amis et des sympathisants pour leur obtenir passeports, visas et logements. Aidé notamment par de riches mondaines et des étudiants, il embauche des trafiquants, organise un réseau de contrebande, fait évader des soldats anglais de la France occupée, dénonce les camps d'internement, monte des filières et organise des réseaux d'évasion à travers la montagne. Il est expulsé en août 1941 par Vichy, accusé de "protéger les juifs et les anti-nazis", et attendra 26 ans pour que le gouvernement français lui rende hommage, en 1967, en le faisant chevalier de la Légion d'Honneur. Il finira ses jours dans l'indifférence même d'une bonne partie de ceux qui lui doivent la vie.

"Les gens ne comprennent pas, cela ne les touche pas plus qu'un tableau de statistiques. Ils n'ont pas vu, pas entendu, pas senti, alors ça ne les émeut pas", dit-il dès son retour aux Etats-Unis en 1941. Varian Fry est écoeuré par la politique des visas du département d'état qui a virtuellement fermé la frontière aux persécutés de toute l'Europe. "Je me suis battu contre des enjeux énormes, ce dont, malgré la défaite finale, je crois que je pourrai toujours être fier", écrit-il à cette époque. Mais il paye cher ce sentiment: "j'aimerais oublier ce regard (d'une réfugiée). Ne serait-ce que cinq minutes. Je mérite ce maigre répit. Mais je n'y arrive pas".

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Varian Fry : La liste noire (Éditions Plon).

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 15 mars 1999. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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