République des Lettres

Europeana

Quand Europeana défie Google : un bourgeon de la future Bibliothèque Numérique Européenne éclôt sur le Net.

La Bibliothèque Nationale de France (BNF) a lancé jeudi 22 mars, à l'occasion de l'ouverture du Salon du livre de Paris, un site internet (europeana.eu) théoriquement destiné à servir de modèle à celui de la future Bibliothèque Numérique Européenne (BNUE).
Baptisé Europeana, cette bibliothèque en ligne voulue par les anti-Google français -- au premier rang desquels Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF et auteur du pamphlet Quand Google défie l'Europe -- a pour ambition de concurrencer la bibliothèque numérique Google Livres, lancée en 2004 par le célèbre moteur de recherche américain. Google a pour objectif de numériser et mettre en ligne avant 2010 quinze millions de livres tirés des rayons des grandes bibliothèques du monde. Pour Jacques Chirac et ses deux hommes de main de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres et Jean-Noël Jeanneney, initiateurs en 2005 du chantier de Bibliothèque Numérique Européenne, il s'agit d'affirmer "l'identité culturelle de l'Europe et de diffuser son patrimoine" face à ce vaste projet de Google qui leur fait craindre une "américanisation de la culture". "Europeana se développe avec des valeurs universelles, en prise avec l'histoire de l'Europe, l'humanisme. Nous souhaitons faire en sorte que l'Europe ne soit pas entièrement abandonnée à un moteur de recherche américain" a déclaré Jean-Noël Jeanneney lors de la présentation du site.
La première base de données mise à disposition des internautes rassemble quelque 7.000 documents libres de droits issus des collections de la Bibliothèque Nationale de France. Des liens renvoient également vers la Bibliothèque Nationale de Hongrie (4.000 ouvrages numérisés) et la Bibliothèque Nationale du Portugal (1.000 ouvrages). A terme, c'est-à-dire en 2010, la Bibliothèque Numérique Européenne devrait compter six millions de documents accessibles en ligne et rassembler les fonds de 23 bibliothèques publiques des pays européens qui ont signé un accord de partenariat sous l'égide de la Commission européenne.
Au vu toutefois de la lenteur de développement du projet -- en 2 ans, 3 bibliothèques actives seulement sur 23 -- dûe en partie à des résistances politiques et au manque de moyens techniques et financiers mis en oeuvre (la commission européenne n'apporte aucun financement), il est peu probable que cet objectif soit atteint. D'autant plus que Google Livres, qui offre déjà un fonds de plus d'un million d'ouvrages numérisés et un site beaucoup plus performant que Europeana, y compris sur le simple plan ergonomique, a la faveur des internautes et multiplie les accords de numérisation avec les bibliothèques européennes (d'Oxford, de Catalogne, de Bavière, etc..) en sus des très grandes bibliothèques publiques et universitaires américaines qui lui sont acquises. Au grand dam des anti-Google français qui fustigent sa politique de droits d'auteurs, la firme de Mountain View signe en outre des accords directement avec les maisons d'édition -- plus de 10.000 dans le monde à ce jour, dont de nombreuses maisons francophones telles L'Harmattan, Vrin, Masson, L'éclat, etc, malgré l'opposition du Syndicat National de l'Édition -- qui bénéficient ainsi de cette vitrine en sept langues et de la puissance du moteur de recherche pour augmenter leur diffusion. Par ailleurs d'autres projets de bibliothèque numérique en ligne commencent à entrer en concurrence comme, entre autres, le Windows Live Search Books de Microsoft et l'Open Content Alliance pilotée par Yahoo!.
La Bibliothèque Nationale de France, avec plus de 7.000 ouvrages sur les 12.000 mis en ligne pour l'ouverture d'Europeana, est le plus gros contributeur de la Bibliothèque Numérique Européenne. Après avoir dépensé 3,3 millions d'euros en 2006 pour développer Europeana, le ministère de la Culture a doté la BNF, qui pilote le projet côté français, d'une subvention annuelle de 10 millions d'euros pour ses travaux de numérisation. La BNF a l'ambition de scanner désormais 100.000 documents par an, essentiellement d'abord les grands textes fondateurs de la culture française et européenne, les dictionnaires, les ouvrages de vulgarisation scientifique et les grands journaux. Contrairement à son archaïque projet Gallica, qui compte 90.000 documents stupidement numérisés depuis 1996 seulement en mode image, les documents mis en ligne sur Europeana seront consultables en mode plein texte, ce qui est le minimum attendu par les lecteurs.
Reste à voir maintenant si les internautes -- notamment les français puisque ceux-ci sont privés par la France du fonds de la BNF sur Google Livres --, plébisciteront Europeana et si le projet de Bibliothèque Numérique Européenne, porté à bout de bras presque uniquement par la France, survivra au départ à la retraite ce printemps à la fois de Jacques Chirac de l'Elysée et de Jean-Noël Jeanneney de la Bibliothèque Nationale de France.

La République des Lettres, vendredi 23 mars 2007

 

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