Marie-Françoise Cachin

Qu'est-ce que la traduction littéraire ? Qui sont les traducteurs, comment travaillent-ils, quel est leur statut juridique, que gagnent-ils, comment devient-on traducteur, quelles sont les relations avec les éditeurs ? Dans La traduction, Marie-Françoise Cachin -- traductrice et enseignante longtemps responsable d'une unité de formation de traducteurs littéraires à l'université Paris VII -- répond à toutes ces questions et à bien d'autres concernant cette pratique éditoriale majeure qui reflète l'ouverture de la France aux littératures étrangères et constitue un élément essentiel de l'échange entre les cultures. Limitant son sujet à la traduction littéraire, c'est-à-dire non-technique, et s'appuyant sur une enquête fouillée enrichie de nombreux entretiens, l'auteur analyse toutes les composantes contemporaines du métier.

Dans le premier chapitre, intitulé Profession traducteur, elle dresse une typologie des traducteurs littéraires français, organisée en trois catégories selon le revenu annuel tiré de la traduction: les "occasionnels" (33% de la profession) pour qui cette activité représente moins de 30% de leurs ressources financières, les "temps partiels" (20%) avec de 30 à 70% des revenus -- ceux-ci travaillent généralement par ailleurs dans l'édition ou l'enseignement ou sont eux-mêmes écrivains --, et les "plein temps" (47%) qui gagnent leur vie en exerçant exclusiment ce métier. Elle s'attache ensuite à examiner l'ensemble des formations à la traduction en France, recensant les écoles et les diplômes, et se penche sur les méthodes de travail (ressources et outils nécessaires -- bibliothèques, dictionnaires --, problèmes de langue, relations avec les auteurs, etc..).

Le second chapitre est consacré au statut et à l'environnement professionnel du traducteur: protection sociale, régime fiscal, régime de retraite. Un long développement est consacré aux associations professionnelles, dont les deux plus importantes sont la très active Société Française des Traducteurs (SFT), véritable syndicat des traducteurs français dans leur ensemble, et l'Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF), née en 1973 d'une scission avec la SFT à la suite d'un constat sur le travail du traducteur littéraire, qui différe beaucoup de celui du traducteur technique. Les autres principaux réseaux et organisations, tels que le Conseil Européen des Associations de Traducteurs (CEATL), l'Association Assises de la Traduction Littéraire en Arles (ATLAS) ou encore le Collège International des Traducteurs Littéraires (CITL) entre autres, sont présentés avec force détails sur leur histoire et leur activité.

Marie-Françoise Cachin aborde ensuite la question de la traduction littéraire du point de vue des commanditaires, c'est-à-dire des éditeurs. Pour ces derniers, elle apporte une foule de renseignements statistiques concernant leurs choix éditoriaux en matière notamment de genres (romans, polars, littérature jeunesse,..), de pays et de langues. Sans surprise, c'est bien entendu l'anglais qui prédomine, cette langue étant utilisée non seulement par les écrivains des pays anglophones mais également par des auteurs d'autres pays, et de nombreuses maisons d'édition parmi les plus grandes (Gallimard, Grasset, Le Seuil, Albin Michel, Christian Bourgois, Denoël, Flammarion...) privilégient de surcroît le secteur anglo-américain dans leurs collections de littérature étrangère, ou même s'y spécialisent (éditions de l'Olivier), argumentant de l'intérêt porté par le public aux auteurs de ces pays. Viennent ensuite, par ordre décroissant dans le nombre de traductions en France, les langues japonaise (notamment à cause du phénomène des mangas), allemande, italienne, espagnole, russe, néerlandaise, suédoise, chinoise, norvégienne et hébraïque. Marie-Françoise Cachin présente les politiques d'auteurs menées par les éditeurs, leurs options éditoriales (traduction originale, nouvelle traduction, édition bilingue,...) et analyse surtout longuement les relations traducteurs/éditeurs, s'attardant sur tous les aspects de cette collaboration, qu'ils soient techniques ou juridiques: Code des usages, contrat de traduction, rémunération, délais, correction des épreuves, droits de cession, mention du nom du traducteur sur le livre, litiges, etc. Pour information, la rémunération du traducteur littéraire est généralement constituée par un pourcentage fixé en moyenne à 3% sur le prix de vente hors-taxes de l'ouvrage traduit. L'éditeur verse, au moment de la commande et/ou de la remise du manuscrit traduit, un à-valoir calculé sur le nombre de feuillets, sachant qu'un feuillet est égal à une page de 1.500 signes. L'ATLF propose chaque année une fourchette de rémunération couramment admise pour chaque langue. En 2005, l'anglais était par exemple rémunéré quelque 20 euros le feuillet, l'allemand, l'espagnol et l'italien 22 euros, et les autres langues environ 23 euros. Bien entendu, la rémunération est aussi fonction de la difficulté du texte et tout est affaire de négociation entre l'éditeur et le traducteur.

Enfin un dernier chapitre aborde diverses questions autour de la publication des traductions, tant en matière d'aides à la diffusion ou au financement -- entre autres celles apportées aux éditeurs et aux traducteurs par le Centre National du Livre (CNL) -- qu'en matière de paratextes (4e de couverture, préface,..) et de promotion de l'oeuvre traduite.

Des annexes donnent le texte officiel du Code des usages de la traduction, les coordonnées des organisations professionnelles et des principaux établissements de formation, ainsi que divers renseignements sur les prix littéraires de traduction et les sites web de référence.

Documenté, informatif et précis, La traduction de Marie-Françoise Cachin se présente comme un nouvel ouvrage de référence en la matière, non seulement pour les éditeurs et les traducteurs, mais également pour toute personne s'intéressant aux métiers du livre.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 12 mars 2007. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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