Richard Clarke

Against All Enemies, le livre de Richard Clarke, ancien coordinateur de la lutte antiterroriste sous Bill Clinton puis George W. Bush, est en passe de devenir un des plus grands bestseller politique des Etats-Unis. Depuis le jour de sa sortie, le 22 mars, le titre doit être réimprimé presque chaque jour pour faire face à la demande des libraires indique son éditeur, Free Press, filiale de la maison d'édition Simon & Schuster. Intitulé Against All Enemies: Inside America's War on Terror (Contre tous les ennemis: à l'intérieur de la guerre américaine contre le terrorisme), le livre caracole en tête des ventes de toutes les chaînes de librairie américaines et fait depuis une semaine la une des journaux et des télévisions. Ce succès est dû notamment au rôle que l'auteur a joué au coeur des services américains de lutte antiterroriste pendant une quinzaine d'années avant de démissioner en février 2003, et aussi de l'actualité de la question de la guerre en Irak, qui fait actuellement l'objet de virulents débats dans le cadre de la campagne présidentielle américaine. En plein travaux de la Commission d'enquête indépendante chargée d'enquêter sur le 11 septembre, les 300 pages du réquisitoire de Richard Clarke accusent en effet George Bush de n'avoir tout d'abord pas pris au sérieux la menace terroriste avant les attentats du 11 septembre 2001, puis de s'être ensuite focalisé sur Saddam Hussein à la place d'Al-Qaeda, la nébuleuse islamiste d'Oussama ben Laden qui est pourtant tenue pour responsable des attentats qui firent 3000 morts à New York. Selon Richard Clarke, dès le lendemain de l'attaque contre le World trade Center, Bush mettait déjà le dirigeant irakien Saddam Hussein dans son collimateur et poussait son administration à chercher des responsabilités dans cette direction alors que la piste d'Al-Qaeda était pourtant la plus flagrante aux yeux des spécialistes, tant à son niveau qu'à celui de la CIA dont le directeur George Tenet aurait aussi vainement essayé de faire comprendre l'urgence du problème à l'équipe au pouvoir. L'administration Bush aurait ignoré à plusieurs reprises les mises en garde de Richard Clarke sur Al-Qaeda et aurait lancé une guerre inconsidérée contre l'Irak pour diverses raisons qui n'ont rien à voir avec le terrorisme. Il déclare avoir été très déconcerté tant par les réactions de Bush que par celles d'autres responsables conservateurs comme entre autres Condoleezza Rice qui lui ont donné l'impression soit de n'avoir jamais entendu parler d'Al-Qaeda auparavant, soit de saper délibérément la lutte anti-terroriste. "La nation avait besoin d'une direction réfléchie pour se mesurer avec les problèmes reflétés par le 11 septembre. Au lieu de cela, l'Amérique a eu droit à des réactions irréfléchies. Nous en paierons le prix pendant longtemps", écrit-il, ajoutant que "les évènements de 2003 en Irak et ailleurs n'ont fait qu'accroître mon inquiétude que trop de mes concitoyens étaient victimes d'une campagne de désinformation". Malgré les violentes ripostes dénégatoires de la Maison blanche, et après les déclarations du chef des inspecteurs américains en Irak, David Kay, qui a déjà fait baisser en janvier dernier la cote de confiance envers le président en déclarant qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak, le succès de Against All Enemies semble démontrer que l'opinion publique américaine s'interroge de plus en plus sur la crédibilité, l'honnêteté et les compétences de George W. Bush.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, vendredi 26 mars 2004. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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