Patrick Hutchinson

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
Disponible chez • Google • Fnac • Kobo • AmazoniTunes
et autres librairies numériques

STATION FRACTALE XLVIII

I

Me voici rendu au soleil d'hiver

Qui recommence la carrière de sa jeunesse

Dans l'éblouissante prémisse de l'année,

Au pied de la Tour Bermonde,

Entre deux mondes,

Entre deux vies,

Entre deux hypothèses,

Entre deux dames,

Entre trois pays,

Entre deux années,

Qui grelottes un peu et m'appuies

En chancelant sous les coups bas

Contre de vieux murs,

Contre un rêve de dissidence défait

Dans les années 1240

Seulement, avec la soumission

De Bermond VII, Seigneur d'Anduze,

De Sommières, Satrape de Sauve,

Défenseur à ses heures

De la Lex Wisigothorum,

Semence d'Arien, de cathare

Et d'une famille qui refusa

La chasse aux Juifs, la conversion de Récarède,

L'imposition du rite de Rome à Tolède

(Dixit Sidoine Apollinaire)

Cinq ou six siècles plus tôt,

Et pris fort mal les ingérences

D'un certain Charles, Maire d'Austrasie

-- Bermond, le dernier appui des Trencavel,

Allant à Canossa en Avignon,

Ce dont personne ne se souvient.

Pas plus que de Na Vierna, Vierna de Ganges,

Que chantèrent Arnaud, Ventadorn, Peire Vidal

Et se disputèrent -- si ma mémoire ne défaille --

Les comtes de Toulouse et de Provence,

Ni comment Raimon, vieilli, vint à sa rescousse

A propos d'une rixe de mitoyenneté

Alors que deux voisins mauvais

Voulurent la chasser de ses Tours,

Veuve douairière prise à la gorge

Par le renchérissement des terres.

Moi, non plus, je n'ai guère d'assiette,

Ni bien au soleil, ni terre, ni vignes

A faible rendement en piquette

A revendre aux grandes enseignes

Pour l'arrogante occupation des Marques

Qui redécoupent le pays d'oc

En lotissements, en autoroutes

Pour la nouvelle classe des vainqueurs

Aux dents longues, mais à la mémoire courte

Qui croient tirer leur épingle du jeu

En délocalisant à grande vitesse

Avec le butin de l'inégalité croissante

Et changer de vie côté sud

En s'emparant des nouveaux patrimoines

A coups de crédit jusqu'au cou,

Puis couper court à le redistribution

En supprimant les droits de succession

Pour regarder le paysage de haut

En 4/4 assoiffée de brut

Aux noms de Defender, Patrol, Frontera

Entre gated community et grande surface

En attendant de nouveaux murs,

De nouvelles caméras de surveillance,

De nouveaux périmètres de sécurité,

De nouveaux Baghdad, de nouveaux Gaza,

De nouveaux Texas, de nouveaux Mellila

Et que le Sarkozyland survienne

Pour parquer les RMIstes en fin de droit,

Les SDF, les contestataires, les poètes,

Chômeurs, clandestins, demandeurs d'asile.

Tandis que moi, bien que rabattu

Par la haine, la meilleure haine qui soit

D'une engeance sans foi ni loi,

Sans culture et sans repères de coeur,

Sous les poncifs des Ponce Pilate

Du nouveau Vichy Light,

Je rassemble les membres épars

D'un héritage moins funeste

Et me prépare à vivre sous la grêle

En me disant qu'il doit bien se trouver

Encore un chemin de travers ou deux

Dans le lit du fleuve ombrageux

Quelques abrivados intempestifs à venir,

Alors qu'en effeuillant l'album du désir,

Parmi tant de belles indomptées

C'est sur ta page que s'arrête mon doigt

Toujours, même partie encore une fois

Au leurre des Mille-et-une-Nuits.

Je tiendrai ferme le pas gagné

De la parole de vérité chère payée

Et de la reconnaissance de la valeur

Sans surenchère immobilière

Et je t'attendrai au pied du mur

Pour le combat de lucidité

Qui nous attend dans les temps à venir,

Puisque nous sommes à l'heure du choix,

Moi, le combattant de l'immatériel,

Toi, l'amoureuse de l'impossible.

Je trouverai le moyen de rester debout

Et de suivre ce chemin jusqu'au bout

Sans que l'inconstance me mette à genoux.

Je trouverai ma voie dans le lit du fleuve,

Je trouverai ma voix dans le lit du poème

Entre deux mondes,

Entre deux vies,

Entre deux hypothèses,

Entre deux dames,

Entre trois pays,

Entre deux années

II

Sur les boulevards des villes en feu,

Dans les banlieues des capitales du monde,

Dans les quartiers des villes assiégées,

Dans les cités comme traînée de poudre,

I speak your name

In the calm power of the crowds,

In the might of voices on the march,

In the break-away calligraphy of street-fighting,

In the incendiary upsurge of the young,

Je dis ton nom

Dans les villes martyres de l'Irak,

Dans les quartiers de haute sécurité du Brésil,

Au fond d'Abou Ghraïb et de Guantanamo,

Dans la résistance contre la guerre,

I call out your name

Against the warmongers and their accomplices,

Against a new order of endless night,

Against the torturers and the artisans of terror,

Against those who seek to strangle tomorrow,

Je clame haut ton nom

Dans l'union des banlieues et du boulevard,

Dans l'insurrection des mémoires blessées,

Dans la convergence des luttes et des bagarres,

Dans la reconnaissance des sujets et des désirs,

I speak out loud your name

In the emergencies of a new solidarity,

In the networks of reinvented confraternity,

In the struggles for organised autonomy,

In the new forms of resistance, of heresy,

J'écris d'avance ton signe

Dans la circulation des musiques, des signes,

Dans la vérité arrachée aux puissances du mensonge,

Dans l'affranchissement des nouvelles servitudes,

Dans le défi lancé aux nouveaux esclavages,

I underwrite your name

For a sudden transmogrification of worth,

For the new mobilisations of the immaterial,

For the rediscovery of the powers of commonalty,

For the new contracts of reciprocity,

Je persiste et signe ton nom

Copyright © Patrick Hutchinson / republique-des-lettres.fr, Paris, mercredi 03 janvier 2007. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
Newsletter / Entrez votre adresse e-mail:    

Facebook Facebook   Newsletter Lettre d'info   Twitter Twitter