République des Lettres

Alexandre Zinoviev

Décès de l'écrivain russe et ex-dissident Alexandre Zinoviev

L'écrivain russse et ancien dissident soviétique Alexandre Zinoviev est décédé mercredi 10 mai à Moscou, à l'âge de 83 ans, des suites d'un cancer au cerveau.
Né le 29 octobre 1922 dans une famille paysanne de 11 enfants, Alexandre Zinoviev suit d'abord des études à la Faculté de Philosophie du MIFLI, un institut très prisé de Moscou dont il est exlu en 1939, en même temps que des Jeunesses Communistes, après avoir critiqué et même semble-t-il projeté d'assassiner Staline avec un groupe de camarades. Il ne reprendra ses études qu'après la guerre, où il a servi comme pilote d'avion et a été promu lieutenant. Il commence à écrire quelques poèmes satiriques et, s'intéressant à la logique et à la psychologie, il se réinscrit en 1947 à l'université de Moscou dont il sortira Docteur en philosophie. Il enseigne la logique à l'Académie des sciences tout en travaillant à une thèse non-conformiste sur le Capital de Karl Marx, qu'il soutiendra en 1954. A partir de 1958 il commence à publier ses travaux scientifiques sur la logique pluridimensionnelle, qui lui vaudront une réputation internationale dans ce domaine, et quelques ouvrages frondeurs de caricature et de satire politique tournés contre le régime. Bientôt interdit de publication en URSS, il fera passer en Occident son premier grand livre, Hauteurs béantes, une violente critique du régime soviétique qui sera publié en Finlande et en Allemagne en 1976, puis aux éditions franco-suisses l'Age d'Homme en 1977, et deviendra par la suite l'un des livre-cultes de la dissidence soviétique. Il est licencié de son poste de professeur, déchu de sa nationalité et passera deux années de vie précaire avec ses enfants et sa troisième épouse, sous surveillance du KGB, avant d'être autorisé en 1978 à quitter le pays. Il émigrera à Munich, en Allemagne, se consacrant dès lors à la rédaction d'une oeuvre littéraire abondante et iconoclaste qui mêle tous les genres (romans, essais, poèmes) et qui dépeint le système totalitaire soviétique dans toute son absurdité. Parmi ses principaux livres, citons entre autres l'Avenir radieux (1978), La maison jaune (1980), Homo sovieticus (1982), Le Héros de notre Jeunesse (1983), Para Bellum (1987), Vivre (1989), Katastroïka (1990), Les Confessions d'un homme en trop (Mémoires, 1990),...
A la chute de l'URSS, Alexandre Zinoviev critiquera la perestroïka et prendra curieusement fait et cause pour le Parti Communiste russe, par haine d'un monde occidental en voie accélérée de mondialisation turbo-capitaliste. Il est révolté entre autres par les opérations de bombardement de l'OTAN sur la Serbie, dénonçant "une opération de police visant à châtier un peuple qui avait osé manifester quelque résistance aux projets du gouvernement global". En 1999, il retournera vivre définitivement en Russie et dénoncera dans ses ouvrages suivants, notamment dans L'Occidentisme (1999), La Grande rupture (1999) et La suprasociété globale (2000), les formes totalitaires perverses du libéralisme et du nouvel ordre mondial. "Les libéraux, je les connais. Ils se ressemblent, comme se ressemblent les punaises entre les planches de l'isba. Ils sont pires que les staliniens", écrit l'ex-dissident soviétique qui restera comme l'un des grands contempteurs des idéologies de tous bords.

La République des Lettres, jeudi 11 mai 2006

 

Alexandre Zinoviev
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