Boris Fraenkel

Boris Fraenkel, révolutionnaire trotskiste, traducteur et co-fondateur de l'Organisation Communiste Internationale (OCI), s'est suicidé dimanche 23 avril, à l'âge de 85 ans, en se jetant d'un pont sur la Seine à Paris.

Né en 1921 à Dantzig (aujourd'hui Gdansk, Pologne) de parents russes juifs contraints à l'exil par la révolution bolchévique, Boris Fraenkel commence ses activités politiques à l'Hachomer Hatzaïr, un mouvement sioniste de gauche, sous les premières années du IIIème Reich. Fuyant le Nazisme, il arrive en France en 1938 où il entame des études d'agronomie. En 1940 il passe en Suisse où il est bientôt interné dans un camp de réfugiés à Zurich. Il y rencontre plusieurs intellectuels juifs comme, entre autres, Manes Sperber ou Lucien Goldmann. De là date son engagement dans le trotskysme. Expulsé pour activités politiques "subversives" en raison des conférences qu'il tient sur le marxisme et le judaïsme, il revient en France en 1949. Là, il devient secrétaire de la peintre Sonia Delaunay et fréquente les cercles intellectuels freudo-marxistes de Paris, en particulier au sein des Centres d'Éducation Pédagogiques (CEMEA). Il est l'un des premiers militants pour l'homosexualité et la liberté sexuelle et traduit notamment pour cette cause les oeuvres du psychanalyste américain Wilhelm Reich. Collaborateur de l'éditeur François Maspero avec qui il animera la revue Partisans, il traduit aussi des ouvrages de Léon Trotski (Nos Tâches politiques), Georg Lukacs et surtout du philosophe Herbert Marcuse (Eros et civilisation, 1966). Il est l'un des principaux fondateurs en 1958 avec Pierre Boussel (alias Pierre Lambert) de l'Organisation Communiste Internationale (OCI), première dénomination du Parti Communiste Internationaliste puis Parti des Travailleurs (PT), qui ne comptait alors qu'une cinquantaine de membres, et dont il sera violemment exclu en 1966 pour avoir publié les textes de Reich sans autorisation de l'organisation. Auparavant il aura recruté et formé à l'action politique révolutionnaire un jeune énarque qui deviendra plus tard premier ministre, Lionel Jospin. C'est d'ailleurs lui qui révèlera au public, d'abord en 1997 puis en 2001, un an avant la campagne présidentielle, ce passé soigneusement caché par le responsable socialiste. Organisateur en 1967 à l'Université de Nanterre d'une conférence sur la jeunesse et la répression de la sexualité qui enflamma les esprits, il fut considéré comme l'un des premiers leaders du Mouvement étudiant. Il fût arrêté et condamné en mai 1968 avec un autre gauchiste juif allemand, Dany Cohn-Bendit, à être expulsé vers son pays d'origine, mais la RDA le refusa. Il fût alors assigné à résidence dans un couvent de province et ne put rejoindre Paris qu'un an plus tard, après une intense campagne lancée par Maspéro et la Cimade. Il continua par la suite jusqu'à aujourd'hui son oeuvre d'intellectuel témoin et militant engagé, recevant régulièrement mais discrètement dans sa petite maison de Montreuil, de nombreux responsables politiques de gauche et d'extrême-gauche, comme par exemple Alain Krivine, de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR). Il obtint la nationalité française en 1986 et publia en 2004 un livre de mémoires intitulé Profession: révolutionnaire (éditions le Bord de l'eau).

Âgé de 85 ans, Boris Fraenkel manifestait ses intentions suicidaires auprès de ses proches depuis quelque temps déjà.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 02 mai 2006. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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