République des Lettres

Bibliothèque Numérique Francophone

Vers la création d'une Bibliothèque Numérique Francophone

Depuis l'annonce fin 2004 des programmes Google Livres et Google Bibliothèques, les projets de bibliothèques numériques ou de recherches bibliographiques, publics ou privés, nationaux ou internationaux, se multiplient. Citons pour mémoire entre autres ceux de la Bibliothèque Numérique Européenne, de l'Open Content Alliance, d'Amazon, de BiblioSés@me, etc. Dernier en date: la Bibliothèque Numérique Francophone.
La Bibliothèque Nationale de France (BNF) annonce que six bibliothèques nationales de pays francophones (Belgique, Canada, France, Luxembourg, Québec et Suisse) viennent de se constituer en réseau et de s'entendre sur une série de principes en vue de créer une bibliothèque commune de la langue française sur internet. Le projet reste pour l'instant au stade de la réflexion, et la BNF précise bien qu'il n'est pas indépendant mais complémentaire de celui de la Bibliothèque Numérique Européenne. Il devrait concerner en premier lieu les grands textes judiriques fondateurs, les collections de presse, les oeuvres littéraires du domaine public ainsi que des ressources utiles aux recherches en généalogie.
Les six bibliothèques se sont accordées notamment sur les premiers points suivants: Pas d'exclusivité donnée à un moteur de recherche; Accès gratuit pour le public internaute; Garantie de maintien et de conservation à long terme des fichiers numériques; Certification de l'intégralité et de l'authenticité des documents mis en ligne et Accès multilingue.
Ce nouveau réseau francophone des bibliothèques nationales numériques se réunira deux fois par an, soit au siège de l'une des bibliothèques soit à l'occasion des réunions de l'IFLA (Fédération Internationale des Associations de Bibliothèques) ou de la CDNL (Conférence des Directeurs de Bibliothèques Nationales) afin de poursuivre leurs échanges. Parmi les premières tâches à remplir, elles devront en particulier définir une norme en matière d'OCR (Reconnaissance Optique de Caractère) et engager des discussions avec les maisons d'édition sur la question des droits d'auteur.
Le projet, annoncé dans un communiqué publié par la BNF jeudi 23 mars, c'est-à-dire peu après le Salon du Livre de Paris consacré à la Francophonie, ressemble beaucoup à une sorte de rattrapage tardif pour Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF. L'on commence en effet à s'apercevoir que ce dernier, en dépit de son statut quasi officiel de général français anti-Google, a "oublié" dans sa stratégie deux éléments d'importance cruciale pour l'avenir de la langue française sur internet. A titre de responsable de la BNF depuis 2002, il ne lui est tout d'abord jamais venu à l'esprit que le patrimoine mis sous sa responsabilité devrait migrer dans le futur sous de nouvelles formes de conservation et de diffusion autres que le livre. Tout au plus s'est-il fourvoyé dans un ridicule, inaccessible et coûteux système Gallica aujourd'hui totalement inadapté alors que Jacques Attali, au moment de la construction de la Très Grande Bibliothèque voulue par François Mitterrand dans les années '80, conseillait déjà de numériser à grande échelle les oeuvres du fonds français. Au tout début des années 2000, le président de la BNF -- il n'est toutefois pas le seul responsable -- a laissé filé l'occasion pour la France de prendre le train de la Révolution numérique et des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication en matière de livre et de biblio-économie. Il ne s'est aperçu du retard français à ce niveau que fin 2004, lorsque Google a lancé son pharaonique chantier de numérisation et de mise en ligne du fonds des bibliothèques anglo-saxonnes. Ensuite, tout occupé à son combat réactionnaire et anti-américain contre le "grand méchant numérisateur" Google, son projet de Bibliothèque Numérique Européenne qui essaie tant bien que mal de fédérer les bibliothèques d'Europe risque au final de réduire encore plus la présence des auteurs et des oeuvres de langue française sur la toile. Le programme de numérisation de la BNE, que les contribuables français devront lourdement financer, diluera en effet les ressources et les collections numériques de langue française dans un vaste index composé à égalité pour chacune des langues des 25 autres pays européens.
Après Gallica, après la Bibliothèque Numérique Européenne, cap donc aujourd'hui vers la Bibliothèque Numérique Francophone. Nul doute qu'avec ce chef d'escadrille visionnaire, les éditeurs et autres milieux professionnels moutonniers du livre français lancés derrière lui dans le combat anti-Google sont en train de participer activement au futur rayonnement des savoirs, de la culture et de la langue française sur internet. Qui parlait de déclin de la France?
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La République des Lettres, vendredi 24 mars 2006

 

 

 

 

 

 

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