Harry Roselmack

Harry Roselmack

Evénement politiquement correct à la Une de la télévision française. TF1 vient d'ajouter un peu de noir à sa couleur bleu france en accueillant le journaliste d'origine martiniquaise Harry Roselmack. Celui-ci présentera le journal de 20H dès l'été 2006, en remplacement de Patrick Poivre d'Arvor, ainsi qu'un JT sur LCI. D'habitude c'était le très propret Thomas Hugues qui officiait pendant les vacances de PPDA à la grand messe la plus regardée d'Europe (10 millions de téléspectateurs).

Harry Roselmack, marié sans enfants, est né le 20 mars 1973 à Tours. Il a un DEUG d'Histoire et un DUT de journalisme. Il commence sa carrière en 1992 comme pigiste au quotidien régional La Nouvelle République du Centre-Ouest. Il travaille ensuite à Radio Tropical puis, à partir de 2003, à France Info. Après un passage sur la Chaîne Météo il rejoint en septembre 2005 le groupe Canal + où il présente notamment les grands JT de 18H de la chaîne d'info continue I•Télé et de l'émission de la mi-journée On n'est pas des anges.

Cette mise sous les projecteurs d'un noir dans la télé bleu blanc rouge fait bien évidemment suite à la crise des banlieues de novembre dernier. Jacques Chirac avait alors opportunément remarqué que la télévision française ne représentait pas la diversité de couleurs de la population et avait demandé aux patrons de l'audiovisuel hertzien de faire un effort pour mieux représenter les minorités. Les journalistes noirs ou arabes sont en effet quasi inexistants sur les écrans nationaux, hormis le présentateur météo réunionnais Sébastien Follin sur TF1 et la journaliste martiniquaise Audrey Pulvar, présentatrice depuis deux ans à France 3 du Soir 3 (en duo avec Louis Laforge) et, depuis septembre 2005, du 19/20. Tout juste y avait-il eu un léger frémissement d'embauches à partir de 1998, au lendemain de la victoire de l'équipe de France black-blanc-beur, Zinedine Zidane en tête, au Mondial de foot, mais les journalistes non blancs ne s'affichaient encore que très rarement l'écran.

C'est TF1, une chaîne pourtant conservatrice, qui curieusement s'avance ainsi la première pour faire apparaître quotidiennement et à l'échelle nationale un journaliste de couleur. L'opération est toutefois sans grands risques pour TF1. Elle permet à la chaîne — qui avait semble-t-il, d'abord offert en vain le poste à une présentatrice sur LCI, Christine Kelly — de se donner bonne conscience à bon compte, l'annonce étant plus que politiquement correcte en l'état actuel de l'opinion publique. Tous les sondages préalables indiquaient une forte demande des français en ce sens. De plus Harry Roselmack, s'il est noir, n'en est pas moins parfaitement lisse. C'est un futur beau gendre idéal en place d'un Poivre d'Arvor qui commence quelque peu à vieillir, d'autant plus qu'il ne s'agit encore pour l'instant que d'un remplacement pendant les vacances. De façon plus politique, cette désignation ne peut également que plaire au ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, grand ami de Martin Bouygues, et à l'évidence déjà candidat préféré de la chaîne pour l'élection présidentielle de 2007. Au courant avant tout le monde, c'est lui qui a vendu la mèche, avant même le communiqué officiel de TF1. Preuve s'il en est — après l'affaire Elkabach, directeur d'Europe 1, qui vient lui demander l'autorisation de nommer ses journalistes — que le ministre de l'intérieur s'autorise déjà avec un certain succès à contrôler les grands médias. Jamais à court pour jouer la carte des communautarismes, il n'hésite pas à flatter un jour la communauté juive, un autre la communauté musulmane, ou encore dans ce cas de figure — à la veille d'un voyage délicat aux Antilles où il n'est pas vraiment bienvenu suite à la polémique sur le "rôle positif" de la colonisation et ses propos sur la "racaille" de banlieue — à annoncer lui-même ce "cadeau" pour les noirs. Pas plus que celles de Poutine ou de Bush, les méthodes ainsi d'ores et déjà employées par Sarkozy en matière de médias ne rassurent guère pour l'avenir d'une presse libre s'il parvient à la tête de l'Etat.

Parmi les réactions à l'annonce de la désignation d'Harry Roselmack, le Club Averroès, en la personne de son président Amirouche Laïdi, qui défend l'image des minorités dans les médias s'est déclaré "extrêmement content", estimant qu'il s'agit d'une "sacrée avancée". Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion et à l'égalité des chances, s'est également réjoui, déclarant que "c'est un grand pas en avant" mais que "les efforts en matière de diversité à l'antenne et dans les programmes demandés par le président de la République doivent se poursuivre". Patrick de Carolis, Président du groupe audiovisuel public France Télévisions (qui regroupe notamment France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO), a indiqué lui qu'il va "amplifier la mise en oeuvre" de son plan pour l'intégration engagé en janvier 2004.

Copyright © Eric Frezel / La République des Lettres, Paris, mercredi 08 mars 2006. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite. Les citations brèves et les liens vers cette page sont autorisés.

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