Louis Pergaud

Écrivain français, Louis Pergaud est né à Belmont (Doubs) le 22 janvier 1882.

Fils d'instituteurs et instituteur lui-même, ce Jurassien gardera l'amour de la campagne et des enfants. Entré à l'École Normale de Besançon en 1898, il est nommé en 1902 stagiaire à Durnes. Il y compose L'Aube, un recueil de vers publié à compte d'auteur en 1904.

Après son mariage, Louis Pergaud quitte l'enseignement. Venu tenter sa chance à Paris en 1907, il obtient un emploi à la Compagnie des Eaux. Son second recueil poétique, L'Herbe d'avril est publié en 1908. À la fin de 1909, il réintègre l'enseignement, d'abord à Arcueil, puis à Maisons-Alfort. C'est là qu'il trouve sa voie en composant De Goupil à Margot, histoires de bêtes (Éditions du Mercure de France, 1910, Prix Goncourt): ces huit nouvelles inspirées par sa jeunesse franc-comtoise, racontent avec une lucidité parfois cruelle les gens et les bêtes de la campagne, la lutte pour la vie des animaux affrontant les pièges et le sadisme des humains. Pergaud y fait preuve d'un don unique d'observation, d'une passion pour les sciences naturelles et d'un sens très sûr de la psychologie animale, qu'il humanise sans pour autant la caricaturer.

Nommé au service des Beaux-Arts de la préfecture de la Seine à la suite d'un concours administratif, il donne en quatre ans l'essentiel de son oeuvre: en 1911, il publie La Revanche du corbeau, puis en 1912 son chef-d'oeuvre, La Guerre des boutons, épopée enfantine dont les héros sont des enfants âgés de dix à quatorze ans.

Formant deux clans ennemis, ils se livrent à un combat sans merci pour maintenir une tradition vivifiée par leur goût des hauts faits et des légendes. Dans les moments de liberté que leur laissent les adultes (du maître d'école aux parents qui exigent de leur progéniture une contribution efficace aux travaux de la campagne), ils se lancent dans de féroces batailles où la victoire change régulièrement de camp. Les prisonniers, déshabillés, fessés et dépouillés de tous les boutons qui retiennent leurs vêtements, n'ont plus qu'à recevoir une correction supplémentaire à leur retour au foyer familial. Mais tous deviennent solidaires face aux adultes, élaborant des conspirations pleines d'imagination pour se protéger les uns les autres de l'autorité.

Courage, fougue, goût naïf de l'interdit (ils émaillent leurs propos de joyeuses obscénités), sentiment de l'honneur et de l'amitié, mais aussi cruauté sans frein et plaisir d'humilier les plus faibles: tous ces traits sont mis en scène par un subtil connaisseur de l'univers enfantin, avec un sens aigu du comique et du pittoresque. Le sous-titre du roman, Histoire de ma douzième année, révèle avec humour ce que l'auteur doit à sa propre expérience.

Le cinéma popularisera La Guerre des boutons en 1962, grâce au célèbre film d'Yves Robert (avec André Treton, Jean Richard et Michel Galabru) qui a été vu en salles par plus de dix millions de spectateurs. Les droits d'auteur du livre tombant dans le domaine public, deux nouvelles versions cinématographiques sont en outre sorties en septembre 2011; l'une de de Christophe Barratier (avec Laetitia Casta, Guillaume Canet, Kad Merad et Gérard Jugnot), l'autre de Yann Samuell (avec Eric Elmosnino, Alain Chabat et Mathilde Seigner).

En 1914, Le Roman de Miraut, chien de chasse offre une atmosphère nettement plus sombre. Un couple de paysans se voit offrir un jeune chien de chasse, Miraut, qui devient rapidement objet de discorde entre le mari, passionné par la chasse, la solitude de la forêt et la vie secrète de ses habitants, et la femme vouant son existence à son foyer et aspirant à la modeste aisance qui la mettrait à l'abri du besoin. L'animal, objet de faveurs sans nombre, commet méfait sur méfait. Ses maîtres se résignent à s'en séparer, mais Miraut revient sans cesse à son ancien foyer. Battu, chassé, il persévère jusqu'au moment où il comprend enfin qu'il a été abandonné. Ses hurlements de faim et de tristesse font écho au sentiment de culpabilité de ses maîtres. Dans ce roman, la peinture de la vie campagnarde, d'un réalisme sans concession, s'allie à une émotion retenue.

Sur le point d'être mobilisé pour la Guerre de 14-18, Louis Pergaud remet au Mercure de France le manuscrit d'un nouveau recueil de nouvelles, Les Rustiques. En août 1914, il est à Verdun. Il est porté disparu le 8 avril 1915 à Marchéville (Meuse). Son corps ne sera jamais retrouvé.

Après sa mort au front, seront publiés à titre posthume Les Rustiques (1921), La Vie des bêtes (1923), des Mélanges (1938), une Correspondance, 1901-1915 (1955) et un roman inachevé Lebrac bûcheron (1976), qui fait revire l'un des personnages de La Guerre des boutons.

Copyright © Isabelle Maréchal / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 8 août 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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