Patrick Hutchinson

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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STATION FRACTALE XLVII

                                  Mix : 22 .01. 06

Ce matin j'ai vu le soleil se lever avec toi à Persepolis

Aujourd'hui, comme il y a trente ans

Le recommencement du monde

L'irruption irrésistible de la jeunesse du monde

De la jeunesse absolument irrésistiblement

Contre cette sombre forêt de colonnes

D'ordre injuste et immuable

-- Son heure est-elle donc si vite passée?

J'ai cru qu'il y avait de la neige, en fait il pleuvait

A trente ans de ratage notre intersection était parfaite

Cela s'appelle une joie inaugurale

L'envol épocal dans la lumière

L'Aiôn -- un même flash prophétique

A 8000 kms de distance

J'ai à nouveau vu le monde basculer sur ses assises

(Are you OK ?)

Et la guerre se répandre à vue d'oeil

My Love, My shadow

Mon ombre m'a quitté pour te suivre

A travers les ruines de l'Asie à feu et à sang

Où couvent les guerres futures

Le basculement du monde prendra-t-il la forme

D'une lutte sans merci?

Tout se passera-t-il comme dans ce tableau d'Altdorfer

Sur la Bataille d'Issos

Ou assistera-t-on plutôt à la lente lutte à mort

Entre deux lutteurs Sumo

Qui écraseront le monde entier

Dans leur chute?

Qui pourra le dire au point

D'indécidable où nous sommes?

La lutte pour la hégémonie des races,

L'impitoyable choc des intérêts

(Et non des civilisations ou des cultures),

Semblent, dirait-on, s'être engagés.

Est-ce ce qu'on appelle l'Après-Guerre Froide,

Le Nouvel Ordre du Monde?

Tout ce que l'on peut savoir

C'est qu'il faut que l'hiver soit bien mauvais

Pour que le loup sorte du bois

Et pour que les chiens de guerre les plus mauvais

Montent en première ligne...

A nouveau se profilent à l'Est

Les plus anciens Empires

"...Mais aussi nos rivales

De haut vol et d'égale envergure..."

Merci Françoise, Françoise Douay

Bonjour le Nouveau Moyen Age

Un basculement multi-millénaire

N'est-il pas déjà largement en cours?

Avons-nous déjà raté

La grande bifurcation?

Le point de retournement

Qui aurait pu in extremis

Nous assurer le salut

Pour et par la raison nouvelle

A-t-il déjà été dépassé?

A nouveau se profile à l'horizon

La rage des vaincus

Et le cri de vengeance

Des damnés de la terre

Le devenir en est-il venu

A ne plus dépendre

Que de la force crue

Des dominants

Et de la terreur nue ?                               Syriana

Quelle est donc cette 4ème               Merci George Clooney

Guerre Mondiale qui viendrait

Dit-on de commencer?

Quel Grand Jeu pour quel enjeu?

N'est-il pas bien temps enfin

De s'adapter pour survivre?

Est-ce une guerre contre la Modernité

Ou une guerre contre l'Occident?

(Une guerre ne peut-elle pas

En cacher une autre?)

Ou bien plus simplement

Une guerre entre les esclaves

Et leurs nouveaux Maîtres?

Il n'y a plus d'oligarchie bien tempérée

Un vent froid balaye les structures

Chacun se range ou se planque

Se claquemure ou rase les murs

Ou carrément déménage dans le virtuel

Flexibilité. Dégraissage. Compétition

Derrière le grand Marché se profile

La mise au pas, la militarisation

Pour tirer son épingle du jeu,

Pour sauver plus que les apparences, les meubles

Quand tout le monde -- des grands aux petits --

Se met à courir dans la campagne

N'est-ce pas déjà le signe vaticinant

De la Fin des Temps?

Quand les nuages d'orage s'amoncellent

Et la musique shivaïte

Envahit le pays

Alors le grand Hallowe'en commence

Dead can dance

Pourtant, combien de matins encore

Il m'a été donné de te voir,

Taïshan, Montagne céleste de Pound

Délirant dans sa cage à Pise,

Telle un immense trirème

Mouillé dans les eaux calmes de l'aube?

Depuis combien d'années déjà

Est-ce que nous vivons en guetteurs

Sous les paupières de l'aurore?

Rien n'est plus beau

Qu'un printemps contrarié

Au fond de l'hiver encore

J'ai vu le rouge-gorge

Jouer à la guerre

Avec l'écureuil roux

Pour un croûton de pain perdu

Le roitelet de Raimbaut chante

Encore devant ma porte

J'ai même entendu chanter

Un mésange sous la neige

Pour un tardif printemps

Toutes les odyssées de l'esprit et de l'amour

Nous attendent à chaque tournant

De la route encore

Ma Reine combattante, suis fier de toi, mais

S'il te plaît, quand la folie rôde,

Quand la rage suinte des égouts des Métropoles,

Marche délicatement dans la grotte des cyclopes

Alors qu'à nouveau pour trop de gens sur terre

L'heure est là où la pitié est un déshonneur

Merci Pier Paulo Pasolini

Ta liberté est sous ma main

Ma liberté est sous la tienne

Tu m'as confié cette sacrée charge

Un soir au tournant de la rue des Nations

Et de la rue de la Fraternité

Alors que tu partais à nouveau

Vers ton dilemme central

A moins que cela n'ait été

Qu'un moment de panique

(Mais tu me l'as bien répété

Deux ou trois fois)

Que mes paroles te laissent

Cette marque indélébile

Celle de l'amour pur, du désintéressement

Pour autant que cela soit possible

Dans ce temps de globalisation

Merci, merci Anthony Giddens

Même si je doute de la Troisième Voie

Mets moi comme un sceau sur ton bras

Car les grandes eaux n'éteignent pas l'amour

L'amour est plus fort que le Schéol

Tu dois l'avoir écrit quelque part sur toi

Comme un water mark sur la hanche

(Rien n'est plus beau

Qu'un printemps contrarié)

Cela fait au moins deux jours entiers

Que je ne me suis pas plongé

Dans les eaux vives de ta voix

You are tree, you are dance,

You are light, you are river

A cool wind is blowing

Exposés sur les montagnes

Séparées du coeur

Notre plaisir partagé

Souffle à travers moi

Comme un vent frais

Qu'en est-il advenu de l'irénisme forcené

Du projet de la Route de la Soie

Sorrow Love Song

Merci Kubilaï Khan Investigation

C'est peut-être le moment de t'en prévaloir

Nous sommes toujours en route

Vers la Grande Transformation

Vers les plus anciens plateaux

Hûrquâlyâ la terre du coeur

Purgée de l'antique malédiction

Purgée de l'aveuglement ancien

Qu'avons-nous cherché

Sur nos routes déviantes

Qu'avons-nous partout cherché

Dans l'excès et la perdition

Qu'avons-nous cherché

Dans l'errance et la folie

Une terre habitable en poésie

Le recouvrement de l'honneur

A la barbe des spoliateurs

Des soldeurs et des liquidateurs

-- Le moment du retournement

N'est-ce pas ce moment de la fin

D'une logique de criquets, de dévoration?

Où sont les hommes et les femmes de paix

Capables de s'élever au delà d'eux-mêmes

A l'universelle unidiversité?

Pourquoi tout projet commun

Est-il devenu impossible?

Qu'est-ce qui a fait des fils de l'homme

Le pire des parasites, l'ennemi des espèces

Un fléau pour cette terre?

Celui qui souille, qui empeste

Ce qui élevait encore le regard

Ce qui échappait encore

La vie clandestine de la terre

Le cygne le col vert l'oie de Sibérie

Le vol libre du peuple des oiseaux

Libres concitoyens des vents de la lumière

Pourquoi fait-on encore semblant de croire

Que le merdique Marché à lui seul

Peut sauver l'humanité

Alors que visiblement

Il ne fait que travailler dans le sens

De la perpétuation

Des intérêts de quelques uns?

Voudrait-on encore nous inculquer

La fable commode de la chute de l'Homme

On ne s'y prendrait pas autrement

La fréquentation des machines

Ne tire-t-elle pas l'humain

Vers l'abstraction toujours davantage?

Est-ce une guerre contre l'Occident

Ou contre la Modernité,

(Qui a bon dos ),

Comme réalisation et comme projet?

(Moi aussi je me suis enfui

A toute jambe un jour

Devant l'épreuve

De la pensée moderne...)

Mais peut-il avoir émancipation

Sans transgression?

Et quand la transgression

Devient refus de la transgression,

L'horizon ne devient-il pas vraiment sombre,

L'avenir ne se mord-il pas la queue?

Une terre humaine

Doit bien encore exister

Quelque part à l'intérieur

De nos coeurs-corps

Ces chèvres du Rove

Sentent bon les origines

Elle proviennent à ce qu'il paraît

Du croisement d'une race de l'Himalaya

Et d'une race d'Anatolie

Il y a trois mille ans

Animal, c'est-à-dire humain

Merci Gilles Deleuze

A cette hauteur, c'est déjà

Une seule et même draille,

Une seule et même steppe

Ste Victoire, haut stèle élevé

A l'héroïsme de la Terre

Déclinaison ultime

De l'ombre et de la lumière

Ce sont là les rites

Les plus anciens de la terre

Les savoirs bafoués proscrits

Délaissés du coeur

Qui font retour

Les cérémonies de l'innocence

Qui nous ont constitués

Même entachées de rage

D'ignorance de scories

Mesura saber e sen

L'introduction de la monnaie, le mécanisme des prix,

N'a-t-il pas pris le risque d'acclimater

Un maximum d'inhumanité, de décimer

La fragile écologie humaine?

Merci Karl Polanyi

Humain, c'est-à-dire animal

Cela fait combien d'années déjà

Que ton musc ne m'a pas quitté

A heaven of forethought

Sleeps in your eyes

A nous deux, nous sommes

Un cerveau au carré,

Une faculté visionnaire

You have given a face

To the idea of harmony

Mais si je suis encore dans l'admiration

Devant ta fouffe de reine

Tes reins d'apsara

Devant ton accompagnement

Ta proximité ton acuité

La souveraine douceur

De ta complicité

Le suis bien davantage

(Cela, du moins, l'épreuve

Me l'a bien démontré)

Your eyes talk to mine

They speak the same language

E ieu t'escote dins teis uelhs

(Et je t'écoute dans les yeux)

J'aimerai bien retrouver le fil

De ce poème en ritournelle à peine né

Disparu depuis dans un sac à main

Un soir électrique de Vieux Port

Face à la Bonne Mère

Juste avant ton départ

Alors que je t'attendais en frissonnant

Transi sur cette terrasse vide

Quai d'Estienne d'Orves

En regardant s'enfuir les étourneaux

Par dessus les toits de la ville

A la recherche d'une gîte précaire

C'est alors qu'est tombé l'appel

De l'ami chanteur:                                       Lo sol poder es que de dire

'A la fin de ta traduction,                           - Merci Jean-Marie Carlotti,

Je ne trouve pas le dernier vers:                          Merci Robert Lafont

E ieu t'escote dins teis uelhs

(Et je t'écoute dans les yeux)

Peux tu me le retraduire?

Ou est-ce intraduisible ?'

Alors que justement ce jour là

Tu m'avais montré le gris-bleu

Vraiment affolant de tes yeux

Comme si tu avais absorbé le ciel entier

Ou non plutôt l'ardoise de la mer

Presque radioactive

Tu as donc fait le voyage

Du 'Regard d'Ulysse' à l'envers

Quant à moi j'aurais bien eu besoin

Que tu m'écoutes dans les miens

E ieu t'escote dins teis uelhs

(Et je t'écoute dans les yeux)

That thine eyes talk to mine,

They have been known to speak the same tongue,

I mean, a common language,

J'aurais bien besoin de tes avis,

Il me manque pour le moins

D'une bonne moitié de cerveau,

Avec des décisions à prendre, à désapprendre,

Thine eyen will me sleyen soddenlye,

Their beauty I may not sosteyne,

Thinking with, wondering, enjoying still

Your freedom, enterprise, character                   Keep your eyes on the prize

Your paraplegic friend

Whose shadow has deserted him

To follow your footsteps

And guard yours

                  You are tree, you are dance, you are light, you are river,

                  A heaven of forethought sleeps in your eyes,

                  The gentleness of love flows up through your arms,

                  In one single gesture you have crossed the worlds,

                  Light and dark, the levels of becoming,

                  And disenchanted the spells of inhumanity...

Copyright © Patrick Hutchinson / republique-des-lettres.fr, Paris, dimanche 26 février 2006. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
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