Google | Twitter | Facebook | Blog | Lettre d'information | Fnac | Kobo | iTunes | Amazon

La République des Lettres

Forum Social Mondial

La dizième édition du Forum Social Mondial (FSM) s'est ouverte ce dimanche à l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, après la traditionnelle marche de quelque 10.000 militants dans les rues de la capitale sénégalaise.

Ce rendez-vous altermondialiste, qui rassemble des organisations citoyennes du monde entier et se pose en alternative au Forum Économique de Davos (WEF), poursuit plusieurs objectifs. D'une part, faire le bilan des progrès réalisés au cours des dernières années par l'idée fondatrice qu'un "autre monde est possible", d'autre part tenter de définir de nouvelles stratégies de résistance contre l'ordre néo-libéral du XXIe siècle, enfin construire des alternatives démocratiques et populaires.

Pour les militants, la mobilisation autour de certaines dérives désastreuses de la mondialisation financière ont déjà sensiblement changé la culture politico-économique dominante des dernières années -- par exemple sur les questions de régulation du marché des matières premières ou de taxation des transactions financières --, mais les crises récentes du capitalisme poussent aussi à s'interroger plus profondément sur notre civilisation. Afin de continuer à agir efficacement en faveur d'un monde plus juste socialement et plus respectueux de l'environnement, il estiment nécessaire de repenser le développement des mouvements sociaux et citoyens alternatifs. Les récentes expériences, en particulier en Amérique Latine, autorisent dejà certaines organisations à imaginer un post-altermondialisme dont les forces seraient associées à des syndicats, des partis politiques et même des gouvernements progressistes.

Jusqu'au 11 février, quelque 60.000 personnes -- intellectuels, syndicalistes, parlementaires, écologistes, représentants d'ONG ou de partis politiques et autres activistes de toutes obédiences -- se rencontreront donc dans la capitale du Sénégal pour débattre des "crises du système et des civilisations" à travers une centaine de table rondes et ateliers de travail consacrés entre autres à la Justice sociale, au Financement solidaire, aux diasporas d'Afrique, au Post-colonialisme, à la Coopération Sud-Sud, au Commerce équitable, au Réchauffement climatique, à la Protection des peuples autochtones ou encore à la Sécurité alimentaire. Les événements de Tunisie et d'Egypte seront aussi largement débattus. La question des flux migratoires sera abordée en lien avec la Charte Mondiale des Migrants, initiée en 2006 par des familles de sans papiers vivant à Marseille, et officiellement adoptée cette semaine sur l'île de Gorée, qui fut l'un des hauts lieux du commerce des esclaves noirs au 15e et au 16e siècles.

Parmi les intervenants les plus connus présents au Forum Social Mondial de Dakar, figurent notamment le chef de l'Etat bolivien Evo Morales, le président du Venezuela Hugo Chavez, l'ex-président brésilien Ignacio Lula da Silva et la socialiste Ségolène Royal, ex et peut-être future candidate à l'Elysée. On attend aussi l'ancien chef d'Etat malien Alpha Omar Konaré, l'actuel président guinéen Alpha Condé et le président de la Commission de l'Union Africaine (UA), Jean Ping. Du côté français, Olivier Besancenot (Porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste), Pierre Laurent (Secrétaire national du Parti Communiste), Eva Joly (Eurodéputée et actuelle candidate d'Europe Ecologie-Les Verts à la présidentielle de 2012), Martine Billard (co-Présidente du Parti de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon) et Jean-Paul Besset (Eurodéputé proche de Nicolas Hulot), seront également présents aux côtés des altermondialistes.

Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste, sera également pendant cinq jours à Dakar afin d'y exposer sa "vision" de l'avenir de l'Afrique. À la suite de Ségolène Royal, qui avait demandé "pardon" aux Africains pour le très controversé discours tenu en 2007 dans cette même ville par Nicolas Sarkozy ("l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire"), et de l'ex-Secrétaire d'Etat Rama Yade qui a elle aussi pris ses distances avec ce discours aux relents racistes, elle voudra sans nul doute finir de rompre avec ce type d'inconscient français post-colonial. En dehors du Forum proprement dit, elle doit aussi rencontrer plusieurs personnalités sénégalaises comme Abdoulaye Wade (Président de la République et fervent partisan des politiques économiques libérales), Ousmane Tanor Dieng (leader du Parti Socialiste) et Khalifa Sall (maire de Dakar).

Après Bamako (Mali) en 2006 et Nairobi (Kenya) en 2007, c'est la troisième fois que l'Afrique accueille le Forum Social Mondial, mais la première fois en Afrique francophone. En parallèle aux débats de Dakar, le Forum Social Mondial organise de nombreux forums régionaux un peu partout dans le monde. Ce sera le cas par exemple à Paris le 8 février, avec une rencontre organisée conjointement par la Cimade, le Secours catholique et Emmaüs international, ou encore à Toulouse avec des conférences organisées par Attac tout au long de la semaine.

Le Forum Social Mondial est né à Seattle (Etats-Unis) en 1999, à la suite des violentes manifestations organisées contre une réunion de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Depuis sa première édition à Porto Alegre, en 2001, il a lieu chaque année, généralement en même temps que le Forum Économique Mondial (WEF), dit Forum de Davos, qui réunit de son côté en Suisse les grands dirigeants politiques et économiques de la planète. Rassemblant de 20.000 à 150.000 participants (FSM de Belem, 2009), il se veut un espace de rencontre où les personnes et organisations opposées aux politiques libérales sauvages peuvent débattre de l'évolution du monde et proposer des mesures pour tenter de le rendre meilleur.