Julian Assange

Julian Assange

Devenu très gênant pour le Pentagone, l'insaisissable Julian Assange, principal animateur du site WikiLeaks, est aujourd'hui traqué dans le monde entier.

Sous le coup d'un mandat d'arrêt délivré le 18 novembre dernier par la justice suédoise, il est activement recherché par Interpol et fait l'objet d'une "notice rouge" (un avis de recherche international) qui met à ses trousses les polices de 188 pays.

Alors que WikiLeaks continue de distiller au compte-gouttes les 250.000 dépêches diplomatiques ultra-confidentielles envoyées ces dernières années à Washington par les ambassades US à l'étranger, l'informaticien australien, âgé aujourd'hui de 39 ans, est visé par une enquête de la justice suédoise. Il est accusé de "viol" et "agression sexuelle" par deux jeunes femmes suédoises qu'il aurait rencontré à Stockholm il y a deux ans.

Julian Assange conteste ces accusations qui sont selon lui sans fondement et affirme n'avoir entretenu avec les deux femmes que des relations intimes consentantes. Ses avocats ont déposé récemment un recours devant la Cour suprême suédoise afin de faire annuler la décision de la Cour d'appel, et donc le mandat d'arrêt international pour viol, mais ils ont été débouté, la plus haute juridiction du pays considérant qu'il n'y avait pas lieu de rééaximer le dossier. "Ce ne sont plus des poursuites mais des persécutions !", a réagi Mark Stephens, son avocat britannique.

Julian Assange laisse entendre qu'il est la cible d'une "campagne calomnieuse" destinée à nuire à sa réputation et à décrédibiliser WikiLeaks. "Le fait que ces accusations apparaissent en ce moment est profondément troublant", afffirme-t-il.

Ses démêlés avec la Justice ont en effet véritablement commencé l'été dernier, alors que WikiLeaks venait de publier quelque 77.000 documents secrets relatifs à la guerre en Afghanistan et annonçait la publication de 400.000 autres rapports militaires américains tout aussi confidentiels sur la guerre en Irak. "On nous avait avertis que le Pentagone nous jouerait de vilains tours pour nous détruire. On m'avait mis en garde contre des pièges sexuels", déclarait-il alors.

Cela ne l'a pas empêché de beaucoup voyager depuis, même s'il semble s'être installé ces derniers temps dans un lieu tenu secret du Sud-Est du Royaume-Uni. Ce dernier repère serait aujourd'hui parfaitement connu des services de Scotland Yard mais Julian Assange ne peut pas y être arrêté en raison d'un vice de forme dans le libellé du mandat d'arrêt. La Suède a reconnu son erreur de procédure et indique qu'un nouveau mandat international va être rédigé. Björn Hurtig, son avocat suédois, précise que l'extradition de son client vers la Suède sera de toutes façons contestée s'il est arrêté. Le fugitif pourrait également demander l'asile politique en Suisse.

Coupable ou non, le co-fondateur de WikiLeaks est aussi dans le collimateur de la justice des Etats-Unis, dont il a déstabilisé la diplomatie en organisant la fuite de ces documents extrêmement embarrassants pour Washington. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon ont évoqué de réelles "complications" diplomatiques dans le monde entier à la suite des révélations de WikiLeaks. Washington a même été contraint de revoir son dispositif de communication interministérielle -- le fameux réseau SIPRNET (Secret Internet Protocol Router Network) qui permet aux agents de l'administration US de communiquer des messages sensibles au Pentagone, au Département d'Etat ou à la Maison-Blanche -- mis en place au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001. La tâche pour inculper Julian Assange au pays de la Liberté d'expression ne s'annonce toutefois pas simple selon les juristes spécialisés, mais "s'il y a des lacunes dans le droit américain, nous ferons en sorte de les combler", a assuré Eric Holder, le ministre américain de la Justice.

Parmi ses nouveaux ennemis, Julian Assange compte surtout un nombre impressionnant d'hommes politiques de droite. Au Canada, un conseiller du premier ministre Stephen Harper a même été jusqu'à demander publiquement son assassinat par les services secrets. Aux Etats-Unis, les sénateurs républicains ont pour leur part fait pression sur la société Amazon, le géant de la distribution en ligne, afin qu'elle cesse d'héberger sur ses serveurs le site web de WikiLeaks. Celui-ci, qui passe désormais de serveurs en serveurs dont certains situés en France, est par ailleurs constamment visé depuis le début de la semaine par des attaques informatiques, dites par déni de service (DDOS), qui entravent son bon fonctionnement.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, jeudi 02 décembre 2010. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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