Louis de Beauvau

Dépossédé du royaume de Naples par Alphonse Ier d'Aragon au terme d'une guerre de quatre ans, le roi René établit sa cour à Tarascon au printemps de 1449.

S'il ne délaisse pas ses propriétés d'Aix et d'Angers, il voue une vraie passion à sa nouvelle résidence. Restauré avec raffinement, l'imposant château féodal accroché aux rives rocheuses du Rhône rassemble aux côtés des poètes et des troubadours, des gentilshommes et des dames de Provence et du Languedoc, l'élite des chevaliers, cette caste de guerriers qu'animent un code moral très strict et des vertus sublimes.

Le suzerain entend encourager et multiplier les tournois dans les vastes prairies du faubourg de Jarnègues, au nord de la cité, où les anciens comtes de Provence présidaient de pareilles joutes trois siècles auparavant. Il conçoit lui-même de nouveaux "pas d'armes", un exercice d'adresse lié aux tournois, dont le Pas de la Bergière que nous restituent les éditions Riveneuve.

Comparativement aux spectacles du genre donnés à Razilly et à Saumur, celui-ci présente un caractère pastoral. Écrit et réglé par l'Angevin Louis de Beauvau, premier chambellan du roi, il s'imprègne de la vie champêtre tarasconnaise. Assez curieusement, une chaumière près de laquelle une pastourelle garde ses agneaux guignée par deux bergers a remplacé, dans le théâtre de la lice, l'habituel "château de la Joyeuse Garde" nanti de ses damoiselles et écuyers en armes. Il reste que la noblesse et les rites attachés aux lois de la chevalerie ainsi que les vertus de ses impétrants dans l'art de la guerre sont traduits ici avec beaucoup de justesse.

Au-delà du Pas de la Bergère, tiré d'un manuscrit de la bibliothèque du Roi, les cent trente pages du livret sont riches d'un Précis de la Chevalerie et des Tournois et de notices historiques bien utiles à la compréhension du sujet. On apprend en outre que le vocable "tournoi" dérive de tourner, parce que les joutes à cheval se pratiquent en tournant et en retournant, que l'"enseigne", cette écharpe ou boucle que la dame remet à son servant, a donné les expressions à telle enseigne et à bonne enseigne, que "renommée" vient de la répétition du nom du vainqueur clamée par les hérauts et cadencée par les ménétriers, tandis que le "pas d'armes" est à l'origine des locutions franchir le pas et sortir d'un mauvais pas.

Le livre a aussi le mérite de souligner, au-delà de son implication de mécène dans le domaine des arts et de la poésie, la bienheureuse influence du bon roi René sur la jeunesse de son temps à travers les actes d'une chevalerie dont il ne cessa point d'exalter la piété, le courage et l'honneur.

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Louis de Beauvau, Le Pas d'armes de la Bergère maintenu au tournoi de Tarascon (Éditions Riveneuve).

Copyright © Claude Darras / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 21 septembre 2010. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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